J’ai travaillé dans presque tous les dispositifs de remédiation que compte l’école française : ULIS, SEGPA, ITEP, FLE, classes relais, dispositifs passerelles, Ambipro, IME, ateliers de remobilisation… Tantôt comme CPE, tantôt comme enseignante de lettres-histoire ou de FLE. Ce que je retiens de cette immersion dans les marges du système ? Ces dispositifs sont essentiels. Ils sauvent des parcours, redonnent de l’espoir, réparent les blessures de l’échec scolaire. Mais ils sont à bout de souffle. Et nous aussi, les professionnels qui les faisons vivre.
Ce n’est pas leur existence que je remets en cause. Bien au contraire. Ces structures sont souvent les seuls espaces où l’on prend réellement le temps d’écouter les élèves, de construire des réponses sur mesure, d’envisager des parcours de réussite qui tiennent compte des vulnérabilités sociales, psychiques, linguistiques. J’ai vu des adolescents en décrochage reprendre confiance, des élèves allophones trouver leur voix, des jeunes en souffrance retrouver un cadre bienveillant.
Mais ces réussites sont fragiles. Trop fragiles. Car les dispositifs fonctionnent malgré tout, non grâce à tout.
Le manque de places est criant : combien de jeunes orientés vers un ITEP, une ULIS ou un IME… mais sans affectation ? Combien d’élèves attendent une AESH qui ne viendra pas ? Combien de dispositifs tournent sans personnel formé, sans coordination, sans suivi médico-social, sans continuité pédagogique ? On parle de personnalisation des parcours, mais avec quels moyens ? Quels espaces ? Quelle reconnaissance pour celles et ceux qui tiennent ces dispositifs à bout de bras ?
La remédiation suppose du temps, de la stabilité, de l’écoute, une équipe pluriprofessionnelle soudée. Or, nous faisons face à une logique comptable, à des injonctions de résultats, à une atomisation des acteurs. On empile les sigles (PPRE, PAP, PPS, RASED…), mais on oublie l’humain derrière. On créé des dispositifs sans anticiper leur pérennité. On loue les vertus de l’inclusion sans donner les outils pour l’assurer dignement.
Je ne suis pas pessimiste. Je suis lucide. Et je reste profondément attachée à ces espaces éducatifs alternatifs, où l’école redevient un lieu possible pour tous. Mais il faut cesser de bricoler l’égalité. Il faut en faire une réalité structurelle. Cela suppose un investissement massif dans les postes, les accompagnements, les formations, les partenariats. Cela suppose de cesser de traiter la remédiation comme une rustine, et d’en faire un pilier central d’une école juste.
Les dispositifs de remédiation sont un trésor. Il est temps de les protéger. Et de leur donner enfin les moyens d’être ce qu’ils promettent : des tremplins, pas des impasses.
Meryam ENNOUAMANE JOUALI