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Billet de blog 23 juin 2025

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« L’école maltraitée : penser et prévenir les violences de la maternelle au lycée »

Insultes, exclusions, harcèlement, agressions : la violence scolaire prend des formes multiples, de la maternelle au lycée. Pour la comprendre et y répondre, il faut dépasser les clichés et penser l’école comme un lieu à reconstruire, humainement et collectivement.

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L’école maltraitée : penser et prévenir les violences de la maternelle au lycée

En France comme ailleurs, l’école est souvent perçue comme un sanctuaire. Un lieu où l’on protège, où l’on élève, où l’on prépare les citoyennes et citoyens de demain. Mais que faire lorsque ce sanctuaire devient le théâtre de violences multiformes, répétées, parfois invisibles ? Trop souvent, on réduit la violence scolaire à quelques faits divers ou à des images-chocs relayées par les réseaux sociaux. Or, cette violence est plus diffuse, plus profonde, et elle touche tous les niveaux d’enseignement – de la maternelle au lycée.

I. Violences précoces, silences lourds : la maternelle aussi concernée

La violence à l’école commence parfois très tôt. Elle peut prendre la forme de moqueries sur le physique, d’exclusion du groupe, de comportements agressifs récurrents ou d’indifférence adulte. On parle rarement de « harcèlement » en maternelle, et pourtant, certains enfants s’enfoncent déjà dans une détresse émotionnelle silencieuse. L’absence de mots, de repères, ou d’espaces d’expression à cet âge rend d’autant plus crucial l’accompagnement éducatif et la vigilance bienveillante des équipes.

II. L’école élémentaire : des normes implicites aux premières blessures sociales

C’est à l’école primaire que s’intensifient les premières pressions sociales. Le rejet, les violences genrées, les surnoms humiliants, les jeux d’humiliation peuvent devenir quotidiens. Les violences ici sont rarement spectaculaires, mais elles laissent des marques profondes. L’enseignant devient alors à la fois témoin, médiateur, parfois impuissant, souvent seul. L’institution peine à reconnaître les micro-violences qui s’accumulent et fabriquent les premières formes de désaffiliation scolaire.

III. Le collège : âge charnière, violences exacerbées

Le collège cristallise toutes les tensions : puberté, quête identitaire, hiérarchies de pouvoir entre pairs. C’est aussi le moment où le harcèlement scolaire se généralise. La violence est ici à la fois interpersonnelle (entre élèves), institutionnelle (lorsque les réponses sont tardives ou inadaptées), mais aussi structurelle : classes surchargées, manque de personnel formé, absence de continuité éducative. Les réseaux sociaux, eux, démultiplient l’impact du harcèlement au-delà des murs de l’école, transformant chaque conflit en spectacle potentiellement viral.

IV. Le lycée : des violences plus complexes, souvent invisibles

Au lycée, les violences changent de forme. Elles peuvent devenir psychologiques, sournoises, et s’exercer dans des logiques d’exclusion sociale, de pression scolaire ou d’auto-dévalorisation. L’absentéisme, les conduites à risque, les tentatives de suicide sont parfois les ultimes cris d’alerte de jeunes qui ne trouvent plus leur place dans un système trop normatif. Les violences sexistes et sexuelles, encore largement sous-déclarées, y sont aussi une réalité massive.

V. L’institution et ses angles morts : les violences « d’en haut »

Il serait hypocrite de ne considérer que les violences entre élèves. Des formes de maltraitance institutionnelle existent : injonctions paradoxales aux personnels, discriminations systémiques, manque de reconnaissance, pratiques d’évaluation déshumanisantes, traitement inégalitaire des élèves selon leur origine sociale ou leur handicap. L’école est parfois violente parce que maltraitée, abandonnée par les politiques publiques, sommée de réparer sans moyens les maux d’une société en crise.

Conclusion : de la prévention à la transformation

Penser les violences scolaires nécessite de sortir des réponses uniquement punitives ou compassionnelles. Il faut créer des espaces d’expression pour les élèves comme pour les adultes, former tous les acteurs à l’écoute active, au repérage, à la médiation. La violence scolaire est un symptôme, non une fatalité. En faire un objet de réflexion collective et politique, c’est refuser la banalisation du mal-être. C’est aussi redonner à l’école son rôle fondamental : celui d’un lieu de soin, d’émancipation, de justice et d’humanité.

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