Ces derniers mois, un mot est sur toutes les lèvres : wokisme. D’aucuns s’en emparent comme d’une insulte, d’autres comme d’un étendard. Dans le champ de l’éducation, il est devenu la cible privilégiée d’un discours réactionnaire qui confond vigilance éthique et endoctrinement idéologique. L’école inclusive, qui tente tant bien que mal de réparer les injustices sociales et scolaires, se retrouve ainsi accusée d’être le cheval de Troie du wokisme. Rien que ça.
Mais que signifie réellement ce mot-valise ? Le woke, littéralement « éveillé », désigne à l’origine une conscience des discriminations raciales, sociales, de genre. Importé des luttes afro-américaines, il a muté sous nos latitudes en un repoussoir fourre-tout, utilisé pour décrédibiliser tout engagement progressiste. Défendre un élève en situation de handicap, adapter ses supports à un élève allophone, parler d’égalité fille-garçon, ou évoquer les réalités LGBTQ+ suffit parfois à être taxé de wokisme. On ne débat plus sur les pratiques, on diabolise les intentions.
Or, l’inclusion scolaire n’est pas un caprice idéologique. C’est un impératif pédagogique, démocratique et éthique. C’est donner à chaque élève les moyens d’apprendre, quels que soient son origine, son handicap, sa trajectoire de vie. C’est refuser l’uniformisation pour mieux faire tenir ensemble la diversité. C’est considérer que l’égalité n’est pas de faire pour tous la même chose, mais de permettre à chacun d’avoir ce dont il a besoin.
En brandissant le spectre du wokisme, on invisibilise les vrais enjeux : les moyens alloués à l’école inclusive, la formation des enseignants, l’accompagnement des enfants en souffrance, la nécessité d’une pédagogie différenciée. On transforme une exigence de justice en caricature politique.
Oui, il faut s’éveiller aux fractures sociales, à l’injustice scolaire, aux discriminations ordinaires. Ce n’est pas faire preuve de wokisme, c’est faire preuve d’humanité.
Meryam ENNOUAMANE JOUALI