Un système dictatorial en sus de spolier les richesses d’un pays, de réprimer brutalement et impunément toute opposition politique, de brider toute créativité artistique et tout esprit d’entreprise, a le pouvoir de s’insinuer au plus profond des membres d’une société, notamment en pervertissant leurs structures de pensée.
Nulle personne ayant vécu et ayant été formée sous un régime autoritaire n’est à l’abri de reproduire inconsciemment des schèmes de pensée qui lui ont été imposés.
Si bien qu’aujourd’hui en Tunisie, on peut craindre pour une courte période, une tendance à vouloir imposer sa voix, à ne pas admettre les limites de ses connaissances et de ses compétences, à redevenir en sommequasi inconsciemment des tyrans et des dictateurs en puissance.
Les citoyens tunisiens ont fait preuve et continuent de faire preuve d’une grande maturité politique en veillant à ce que les fruits de cette révolution ne leur soient pas confisqués. Il leur reste à mener à son terme un processus de démocratisation dont les événements laissent à croire, pour le moment, qu’il a de grandes chances d’aboutir.
Mais quoi qu’il advienne de l’avenir, la vie des tunisiens aura irrémédiablement changé. Après avoir découvert la solidarité révolutionnaire, ils s’initient d’ores et déjà à la solidarité intellectuelle via les réseaux sociaux et très probablement aussi dans la sphère privée, en échangeant et en commentant des idées, des articles, des prises de position d’intellectuels tunisiens et étrangers.
Les Tunisiens doivent à tout prix rester à l’écoute les uns des autres, dialoguer, argumenter, délibérer, et finir par infléchir leur pensée ou par la renforcer, en toute lucidité et en toute conscience.
Et pour ne jamais retomber à l’échelle de nos vies de citoyens dans le syndrome autoritaire, personne ne doit hésiter quand il le faut à admettre ses approximations, ses erreurs ou son ignorance. Elles ne sont que passagères dans un pays libre.