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Billet de blog 20 février 2025

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Nous finançons aussi les causes de notre indignation

Nous attendons une Europe ou une France forte et souveraine face aux Etats-unis mais nos blogs, nos vidéos, notre musique, nos photos de vacances, nos données de santé, notre comptabilité, nos e-mails, les données de nos entreprises et de nos armées… sont aux mains d’Alphabet, d’Azure ou d’AWS.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’une des plus grandes puissances a voté massivement en faveur du populisme. Ce populisme s’est mué sans grande résistance en autoritarisme. Les minorités sont désormais réduites au silence, le droit à l’avortement est criminalisé, déporter des peuples n’est plus tabou, l’Ukraine est responsable de tout.

En Europe, les extrêmes progressent partout, sont déjà au pouvoir ou à ses portes.

En France, le RN n’est plus l’ennemi et le danger est désormais à gauche. Un proche, un membre de votre famille, peut-être, souhaite qu’on applique les mêmes formules ici qu’au pays de l’oncle Sam. Ce parent qui pense que le réchauffement climatique n’existe pas ne vous surprend même plus. Votre tante vote pour Marine, sa petite fille aussi.

Dans la rue, à la radio, à la télévision, l’ère de la post-vérité est déjà là. L’écologie est un vieux souvenir de paille recyclable, le fact-checking est “woke” et nuisible à la liberté d’expression. L’agressivité masculine est “une bonne chose en entreprise” dixit le patron de Meta.

Telle est la situation aujourd’hui. Telle est notre réalité.

Partout, il se dit que les médias et les réseaux sociaux sont “peut-être” un peu responsable.

Le jour de l’investiture de Trump, au premier rang, il y avait donc Mark Zuckerberg, Jeff Besos, Elon Musk, Sundar Pichai. Tous ont donné de l’argent pour cette cérémonie. 1 Million. Une paille donc. Tous ont dans les jours précédents ou suivants embrassés l’idéologie du Président en modifiant leur politique et les règles de leurs services.

En France, on ne contrôle pas la tech, mais on a des patrons. Une dizaine d’ailleurs “possèdent” la majorité des médias. Aucun n’est de gauche. Certains sont identifiés sans le moindre doute comme réactionnaires et favorables à ce qui se passe aux États-Unis.

Les médias, les réseaux sociaux, la tech. Une oligarchie qui roule sur l’or, et qui par intérêt ou conviction fait se déplacer la fameuse fenêtre d’Overton.

Si Mediapart réclame vos abonnements, Cnews s’intéresse plutôt à son audimat. Google et Facebook s’intéressent à vos informations, Tiktok et Twitter se contenteront de votre attention.

Mais peut-on se dire anti-fasciste, consternée par la désinformation, et continuer à utiliser X ou relayer des vidéos de la fusée StarShip alors que Musk utilise son argent et son réseau pour promouvoir l’extrème droite en Europe ?

Peut-on se dire véritablement féministe et continuer à utiliser sans sourciller Facebook, Whatsapp ou Instagram, alors que le patron de Meta souhaite une société plus viriliste ?

Nous attendons une Europe ou une France forte et souveraine face aux Etats-unis mais nos blogs, nos vidéos, notre musique, nos photos de vacances, nos données de santé, notre comptabilité, nos e-mails, les données de nos entreprises et de nos armées… sont aux mains d’Alphabet, d’Azure ou d’AWS.

Ne devrions-nous pas nous interroger quelques minutes sur notre présence sur ces réseaux, dans ces machines ? Sur l’intérêt de partager, repartager, et re-re-partager la couverture honteuse du dernier polémiste ? Sur les raisons qui nous pousse à livrer nos données à ceux qui vont adouber nos ennemis ?

Si la moitié des électeurs progressistes décidaient d’abandonner les outils aux mains de propriétaires populistes ou ultra-libéraux, ne verrait-on pas un petit creux se former, au moins sur les chiffres nationaux ? 1 ou 2 millions de comptes en moins sur facebook, ne serait-ce pas déjà une victoire qui ne coûterait pas grand-chose ? 1 ou 2 millions d’utilisateurs en plus sur une messagerie européenne, ne serait-ce pas un signal pour commencer à rapatrier un peu de notre souveraineté ? Et est-ce vraiment si compliqué ?

Nous nous réfugions tous derrière la simplicité d’utilisation, la présence de nos aînés, ou encore la longueur de la tache pour justifier notre présence ou notre exposition à ces vecteurs. Pendant ce temps, nous faisons ici grimper le nombre de vue, monter un hashtag, ou augmenter le nombre d’utilisateurs sur le bilan annuel. Bilan qui sera converti en quelques millions de dollars. Des zéros en plus sur le compte en banque d’un Zuckerberg, d’un Musk, d’un Vincent Bolloré.

Une alternative à un service Américain ou ignorant de nos valeurs existe dans bien des cas, et fait le job sans avoir à rougir pour la majorité de nos usages. Parfois, oui, cela demande quelques concessions, une minute de plus ici, un émoji en moins par là. Dans certains cas, il faut sortir quelques euros. Tel est le prix pour reprendre le contrôle. Mais est-ce intolérable ? Quel changement est possible si nous ne sommes pas capables du moindre effort, de la moindre prise de position, d’un petit acte de rébellion face à notre paresse ?

Qu’est-ce qui nous retient vraiment d’agir sur nos emprises numériques ?

Nous tous, nous devrions arrêter d’utiliser, d’écouter, de regarder, de payer ou d’être le relais de services ou de médias qui vont eux-mêmes financer ou participer aux causes de notre indignation, voir du pire.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.