En faisant mes fonds de tiroir, j'ai retrouvé ce Mensuel "Réel" datant de février 2002. En ces temps troublés, j'ai eu envie de partager cette analyse, hors du temps, mais si inspirante sur la connaissance de soi.
"Être président ? Éditorial de Georges Didier Sur Mensuel Réel - Février 2002
La France va voter pour 'son' président et entrer en émotionnel. L'insatisfaction sera sans doute là car l''élu' risque de ne l'être que par défaut ou par peur du pire.
D'autre part, quelque soit celui (celle?) qui le sera, il (elle) devra – c'est cela la politique- gérer l'inertie, la résistance inconsciente au changement et souvent la mauvaise volonté de chacun.
Il n'empêche, chaque électeur fera de son mieux dans l'isoloir. C'est l'immense chance de la démocratie.
En votant, nous sommes appelés à déléguer, à élire un autre, à lui confier notre représentation. Cela peut être très frustrant et décevant, surtout si nous en restons-là.
Élire un autre ne veut pas dire démissionner de nous .
Soyons clair : le président qu'il s'agit d'élire, avec tous les fantasmes autour, c'est bien nous en nous-même ;et c'est la meilleure façon d'aider l'institution et en même temps la meilleure façon de lui désobéir. Structuration et insoumission obligent.
Alors partons en campagne sur nos propres terres. Écoutons bien qui nous visitons en nous, et ce que nous espérons réveiller puisque nous avons entendu les demandes et les besoins murmurés. N'oublions pas ces espaces intimes que parfois nous ne faisons plus vivre, abandonnons et peut-être même trahissons.
Les politiques ne nous écoutent pas ? Peut-être. Mais est-ce que nous nous écoutons nous-mêmes et allons visiter tous les désirs d'une autonomie assumée, célébrée et structurante ?
Osons alors notre propre présidence intérieure dans toute son énergie et son insurrection. Elle calmera nos héroïques fantasmes et les jeux de rôles de notre imaginaire où nous essayons de compenser par notre cinéma intérieur les espaces de notre vie que nous laissons filer.
Et dans nos discours faciles, nous balançons souvent nos frustrations sur les hommes politiques qui parfois le méritent tant ils ne sont plus les élus de leur parole.
Nous projetons ainsi sur eux notre difficulté à être notre propre président ; celui qui, intérieurement en quête d'intégrité, ne se définirait pas par le 'mal dire sur l'autre' mais par la connaissance éprouvée du difficile chemin de la reconquête de soi, honnête, amoureux de la planète, simple et pourtant ambitieux du devenir.
Avons-nous l'estime et l'amour pour la liste électorale et territoire qui nous constituent, pour l'autre qui nous fait l'honneur de nous fréquenter et pour l'urne de la réalité qui toujours attend la présidence de notre comportement, comme incitant à l'élection suprême et subtile de nous-même ?"