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Billet de blog 17 septembre 2011

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Patrimoine: Visitons la maison France, malade de ses citoyens

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme chaque année, les journées du patrimoine vont offrir aux Français l’occasion de visiter les plus beaux monuments de leur région, dont ils sont exclus les autres jours de l’année. Comme ils sont copropriétaires du patrimoine de la France, ils peuvent oublier pendant quelques instants, sous les ors de leur République, que bon nombre d’entre eux tirent le diable par la queue.

Je vais profiter de ces journées pour vous faire visiter le plus grand de nos monuments, qui constitue notre patrimoine à tous, la maison France, un bâtiment lézardé, qui menace ruine du fait du manque de soins de ses copropriétaires, les Français. En effet, la France est malade de ses citoyens et de leur indifférence, et si l’on veut éviter qu’elle ne s’écroule sur la tête de nos enfants, il serait temps que nous prenions conscience de la gravité de la situation, que nous assumions nos responsabilités en tant que citoyens et que nous réagissions promptement et avec efficacité.

Notre patrimoine matériel : le pays

La France est sans conteste l’un des plus beaux pays du monde. Elle offre du sommet du Mont-Blanc à ses côtes de la Mer du Nord, de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée, une succession de paysages qui réjouissent l’œil et le cœur. Nos prédécesseurs y ont ajouté toutes sortes de bâtiments, des cathédrales romanes puis gothiques, des châteaux de toutes les époques, des maisons bien intégrées dans leur milieu, des prouesses techniques, tours, bâtiments, ponts, routes, tunnels, voies ferrées, gares, ports ou aéroports. Bref, elle nous propose un véritable catalogue des réalisations humaines à travers les siècles, des grottes de Lascaux au pont de Millau.

Mais si, vue de loin, la France est restée belle, il vaut mieux ne pas y aller voir de trop près. L’air est pollué par les particules émises par les moteurs diesel, les émanations des chauffages, des usines, des incinérateurs et autres centrales thermiques. Les eaux sont polluées par des nitrates, des métaux lourds, des résidus hormonaux provenant de produits contraceptifs, ou réchauffées par le refroidissement des centrales nucléaires. On n’a plus le droit de pêcher les poissons du Rhône, les moules ou huîtres de nombreux élevages sont régulièrement interdites à la vente à cause de bactéries. En Bretagne, la nappe phréatique est polluée par le lisier des trop nombreux cochons d’élevage. Les plages sont envahies par des algues vertes, qui produisent un gaz qui a provoqué la mort d’un cheval, de nombreux sangliers, et peut-être de certaines personnes. Déjà, ces algues essaiment vers les régions voisines. La ministre de l’Ecologie, qui a fait Polytechnique, a la réponse : il faut nettoyer les plages, sinon elle les fera fermer. Car il est bien connu chez les polytechniciens que, quand une baignoire déborde, il faut acheter des seaux et des serpillères pour ramasser l’eau, alors que le citoyen de base, moins intelligent, penserait plutôt à fermer le robinet, dans ce cas, diminuer le nombre de cochons.

Tout ceci se passe dans une indifférence générale. Il y a bien sûr des citoyens capables de réagir, qui œuvrent au sein d’associations de toutes sortes ou individuellement. Mais la grande masse subit sans broncher. Le tsunami suivi d’un accident nucléaire au Japon n’a pas amené la grande discussion qui aurait dû avoir lieu sur le nucléaire. La France est fière de sa cinquantaine de centrales. Nul ne connaît la conduite à tenir en cas d’accident. Que doivent faire les gens soumis à une fuite radioactive ? Selon quel plan doivent-ils évacuer la région ? Les pompiers sont-ils équipés, suffisamment entraînés pour faire face à une telle éventualité ? Les hôpitaux sont-ils prêts ? Les médecins savent-ils ce qu’ils doivent faire concrètement ? Les policiers sont-ils prêts pour canaliser l’évacuation ? La coordination des moyens et des gens, avant, pendant et après l’accident est-elle assurée ? Nul ne le sait, et on peut redouter le pire.

On nous dira que ce n’est pas nécessaire, puisque le nucléaire français est le meilleur du monde. Les mauvaises langues prétendent pourtant que les incidents, voire les accidents, ne sont connus que plus tard, quand toute intervention serait illusoire. Mais ce sont toujours de tout petits incidents, jamais dangereux. L’explosion du 12 septembre 2011à Marcoule n’a fait qu’un tout petit mort et quelques blessés. D’ailleurs, la population a appris l’accident 2h après par les pompiers.

C’est la même imprévoyance qui explique que des gens ont été noyés en Charente maritime, lors de la tempête Xynthia en février 2010, parce qu’ils avaient construit dans une zone inondable. D’ailleurs, certains des survivants veulent reconstruire sur le même site. D’autres construisent, en montagne, dans des couloirs d’avalanches. Le Français est foncièrement optimiste, spécialiste du « on verra bien », qui, une fois frappé par les éléments, trouve que « c’est la faute à pas de chance ». Eh oui, ma bonne dame, « le risque zéro n’existe pas ». Surtout dans les couloirs d’avalanches, les zones inondables et à proximité des centrales nucléaires.

Mais notre patrimoine comprend aussi une partie abstraite : les valeurs qui nous ont été transmises.

Le patrimoine immatériel

Des valeurs qui constituent le fondement de notre République nous ont été léguées. Notre démocratie repose sur la séparation des pouvoirs pour son fonctionnement, et, pour ses principes, sur la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité.

La démocratie

Il y a longtemps que la France n’est plus une démocratie. Le pouvoir législatif intervient sans vergogne, par l’intermédiaire d’un parquet aux ordres, dans le travail des juges. Ainsi, les différentes affaires de corruption qui frappent certains politiques sont étouffées, ou au moins ralenties grâce à l’emploi de procédures dilatoires. La corruption montre bien trop souvent sont vilain museau.

La liberté est régulièrement remise en cause par l’emploi d’écoutes illégales, le recours par la police à la collecte illégale des fadettes (facturations d’appels téléphoniques). Certains responsables politiques recourent à l’intimidation (demandes de licenciements auprès des employeurs, contrôles fiscaux) pour faire taire des opposants. La liberté d’opinion est souvent attaquée lorsqu’elle gêne.

L’égalité n’est plus assurée. Les pauvres sont moins bien soignés, ont une espérance de vie moindre, moins de succès à l’école, sont moins bien défendus devant la justice, ont un accès limité à la culture.

La fraternité connaît des ratés et a fait place au « chacun pour soi ».

La laïcité est mal comprise. Les intégristes, de quelque religion qu’ils se réclament croient pouvoir imposer, au nom de la liberté d’exercer leur culte, leur vision du monde aux autres.

Ainsi, des pans entiers de notre République sont déshérités :

L’enseignement n’arrive plus à transmettre le savoir de base à tous les élèves. Les profs ne sont pas assez nombreux, leur formation est incomplète. Depuis deux ans, les jeunes profs sont lâchés sans formation sur les élèves. L’égalité des chances n’existe plus. Certains élèves, venus de familles modestes, décrochent complètement.

La justice manque de moyens. Elle est trop lente pour certains, expéditive pour les plus pauvres. Elle est injuste, comme à Outreau, n’assure pas le suivi des condamnés, ne peut plus respecter les délais légaux et doit remettre des délinquants en liberté.

La police est impuissante à enrayer l’augmentation des violences sur les personnes. Elle n’assure plus ni la prévention, ni même la dissuasion. Il ne lui reste plus que la répression. Les zones de non-droit se sont renforcées : une économie parallèle s’est instituée, fondée sur la vente de stupéfiants, de cigarettes de contrebande, de biens volés lors de cambriolages ou de vols à l’arraché. L’argent y est aussi acquis par braquage, racket ou par attaque d’un fourgon blindé ou d’un distributeur de billets.

La santé est inégalement répartie. Les labos pharmaceutiques y font la loi. La Sécu n’a plus les moyens.

Le pouvoir d’achat de beaucoup de familles s’est écroulé. Même en travaillant, on n’est pas sûr d’arriver à se loger, à se nourrir, à assurer un avenir acceptable à ses enfants.

Le chômage est plus fort que jamais. On s’est habitué à avoir un volant important de chômeurs de longue durée.

La politique est considérée le plus souvent par le Français comme un mal nécessaire. Il ne fait plus confiance aux hommes politiques, qu’il accuse dans de nombreux sondages de ne pas s’intéresser aux problèmes du citoyen, et de poursuivre leur propre intérêt. On connaît le : « tous pourris ». Or, il n’y a pas que des pourris en politique. Mais il faut reconnaître que les mauvais exemples foisonnent, et ce, jusqu’à la tête de l’Etat. Des chèques distribués par des milliardaires à des hommes politiques, des valises bourrées de billets transportées de Suisse en France, des commissions voire des rétrocommissions versées en toute illégalité, les détournements d’argent public, le népotisme, le clientélisme font hélas partie du paysage.

D’ailleurs, les hommes politiques auraient tort de se gêner : les hommes corrompus et condamnés sont souvent réélus haut la main. Quant à ceux qui le peuvent, parce qu’ils détiennent le pouvoir, ils agissent sur la justice pour échapper à tout jugement, ou pour le renvoyer aux Calendes grecques.

L’économie marche sur la tête. Les marchés font la loi. Ils sont sujets à des baisses ou à des hausses irraisonnées. La moindre rumeur les met en transes. On y spécule sur les matières premières, on y risque l’argent des clients.

Ceux qui travaillent dans une entreprise cotée en bourse ne sont plus le souci principal du conseil d’administration. L’important, c’est l’actionnaire. Pour lui verser des dividendes, on est prêt à tout, même à licencier massivement. En effet, un licenciement est compris comme une occasion de faire des économies sur les salaires, et cela fait en général monter les cours de l’action. Si l’entreprise, exsangue, n’est plus viable, ce n’est pas grave : le tout est de se débarrasser des actions avant qu’elles ne baissent.

Les rapports du citoyen français à la nature sont assez distants. Que l’air, l’eau, la terre soient pollués ne semble pas l’inquiéter. Les dangers du nucléaire ne l’intéressent pas.

Le citoyen s’en fout.

C’est d’ailleurs l’impression générale qui prévaut : le Français est indifférent. Ce n’est plus un vrai citoyen, responsable, soucieux de jouer un rôle au sein de la société. Il préfère se considérer comme un individu, libre et cherchant son intérêt propre.

Or, une société, pour fonctionner, à besoin de citoyennes et citoyens responsables, respectant les lois de la République, pratiquant la liberté, certes, mais aussi l’égalité et la fraternité. Un citoyen conscient de ce que, pour profiter des avantages qu’offre la société, il faut aussi accepter de remplir des devoirs. Et c’est cet équilibre entre les devoirs librement consentis et les droits qu’il faut consommer avec modération qui constitue la base d’une société.

Pour cela, donc, il faut que le citoyen s’engage, qu’il soit à la fois exigeant avec lui-même, mais aussi avec les autres citoyens, et les hommes politiques, dont il doit demander qu'ils soient intègres, sincères, et qu'ils aient le bien de la France et des Français comme souci principal.

L’état actuel de la France est donc plus qu’alarmant. Les écuries d’Augias, à côté, ne sont qu’une aimable plaisanterie. Français, mes concitoyens, si vous vous sentez concernés, si vous voulez que la France soit reprise en main par ses citoyens, il faudra vous bouger, mouiller la chemise.

Cela tombe bien : il y aura bientôt des élections présidentielles, puis législatives.

C’est donc le moment ou jamais d’intervenir, de montrer que nous ne sommes pas un ramassis de femmes et d’hommes ramollis, indifférents, mais des citoyennes et des citoyens conscients de leurs responsabilités. D’abord, parce que nous sommes les héritiers d’un patrimoine sans égal, d’un territoire, d’une histoire, de traditions, d’une culture, de valeurs dont nous sommes les dépositaires, et que nous voulons léguer à nos enfants en bon état.

Bien sûr, ce n’est pas avec votre petite voix d’électeur que vous allez pouvoir changer grand-chose. Mais, vous pouvez montrer à tous que vous n’êtes pas indifférent, qu’au contraire, vous êtes exigeant, d’abord pour vous-même, mais aussi envers les autres citoyens, l’administration chargée de faire fonctionner l’état, la police et la justice, l’éducation nationale, les professionnels de la santé, les économistes, les politiques, bref, à l’égard de tous ceux qui contribuent au fonctionnement de la société.

Vous voulez que soit mis de l’ordre dans cette société.

Vous voulez la liberté dans les limites prévues par la loi, l’égalité selon les mérites, la fraternité entre les générations, entre pauvres et riches, entre manuels et intellectuels, entre valides et handicapés, entre étrangers en règle et Français, entre femmes et hommes. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés, en attendant que d'autres agissent à notre place. Il nous faut prendre nos responsabilités, et passer à l'action.

Comment maintenant se faire entendre ?

Si vous vous en sentez le courage, inscrivez-vous dans un parti. Vous pouvez aussi participer au travail d’une association. Vous pouvez également prendre régulièrement position dans un forum de discussion : Médiapart, Le Monde, Le Nouvel Obs, L’Express, le Figaro, Le Point, en intervenant sur les ondes dans une émission qui donne la parole aux auditeurs ou en écrivant au courrier des lecteurs d’un journal.

Le projet « Français, bougez-vous le Q »

En ce qui me concerne, pour passer à l'action, je vous propose le projet « Français, bougez-vous le Q ». Pardon aux âmes sensibles d'employer le langage des textos en fin de titre. En

Vous trouverez les bases de ce projet expliquées sur mon site, www.christianmeunier.com, à la rubrique "Projet BvQ". Il s’adresse aux citoyens, aux journalistes politiques et aux candidats aux élections pour leur proposer de signer une charte les concernant, et ce afin de les responsabiliser.

En octobre paraitra mon livre : Français, bougez-vous le Q / La France malade de ses citoyens. Ce livre pose le problème, fait le bilan des domaines les plus importants, et propose des solutions. Vous en trouverez le sommaire sur le site www.christianmeunier.com, à la rubrique "bougez-vous le Q".

A partir du 1er octobre paraîtra une série de plus de vingt articles, tous les samedis, sur mon Blog, sur une Edition de Médiapart si possible, pour vous proposer des sujets de réflexion et de discussion. La liste vous en sera proposée le 24.09 .

Enfin, nous enverrons aux candidats aux élections présidentielles une série de questions en rapport avec ses sujets. Nous nous adresserons également aux journalistes politiques susceptibles de les interviewer, pour qu’il le fassent en conscience, sans haine, mais aussi sans complaisance ni compromission.

L’important, pour moi, c’est de convaincre mes concitoyens de s’investir dans une reconquête de la République par ses citoyens. Je suis conscient de ce que je ne suis qu’un petit poisson. Mais il est connu que plusieurs petits poissons nageant en formation sont capables d’effrayer un requin. Alors, je compte sur vous pour que vous nagiez avec moi.

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