Monsieur le Ministre.
Le 21 septembre 2012, vous avez installé à Marseille un nouveau préfet des Bouches-du-Rhône. On peut lire dans le Parisien.fr de la même date:
“ Vendredi matin, l'installation du nouveau préfet des Bouches-du-Rhône par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a été célébrée en grande pompe à l'hôtel de ville. À 62 ans, l'ancien préfet de l'Yonne Jean-Paul Bonnetain, nommé le 12 septembre, vient de prendre la place d'Alain Gardère au poste de garant de la sécurité dans le département.
«C'est un homme de terrain, pragmatique, fin connaisseur des questions de sécurité, qui a toutes les compétences et qualités pour relever une mission difficile qui le passionne déjà», a déclaré Manuel Valls devant un parterre d'élus, de magistrats, de policiers et de gendarmes.“
1. La valse des préfets
Chose intéressante, le préfet poussé vers la sortie, Alain Gardère, avait été installé le 29 août 2011 à peine par M. Guéant, remplaçant lui-même un autre préfet éphémère, Gilles Leclair, nommé 8 mois plus tôt à peine.
La ville de Marseille semble donc user prématurément les préfets, avant même qu’ils aient eu le temps de donner la mesure de leur compétence.
Vous avez certainement reçu, Monsieur le Ministre, plusieurs rapports de vos services de police et de gendarmerie. Vous avez reçu l’appel de Mme Ghali, députée socialiste, demandant l’intervention de l’armée, confondant la France avec l’Afghanistan ou le Nord Mali.
Le seul rapport qui vous manque, me semble-t-il, c’est celui d’un citoyen vivant à Marseille, mais qui, ayant vécu 33 ans en Allemagne (eh oui, encore l’Allemagne...), a connu une autre sorte de police, une autre sorte de citoyens, et a pu, au cours des 6 années qu’il a passées dans cette ville, analyser les problèmes de la cité vus du côté d’un citoyen de base.
2. Faits divers
Tout Marseillais s’intéressant quelque peu à la vie de ses concitoyens les plus proches connait plusieurs personnes ayant été victimes de vol avec violence, quelquefois même en bande organisée, et ce, en pleine ville, souvent en plein jour, au vu et au su de tous.
Vous avez sûrement lu dans la presse, le récit de la mort du buraliste, tué à l’arme blanche le 9 novembre 2012 par un assassin en voulant à sa caisse.
Les journaux ont relaté aussi l'assassinat d'un chauffeur de car par balle, perpétré le 26 novembre 2012, dans le but de lui dérober sa sacoche. Ce crime a été commis à Mazargue, dans un quartier réputé tranquille.
Mais vous n'avez rien pu lire sur les faits divers suivants, survenus ces temps derniers à des gens que je connais personnellement.
Octobre 2012: Mme Marie A., âgée de 70 ans, allant voir sa mère en maison de retraite, se fait violemment plaquer contre un mur par un jeune homme essayant de lui arracher son sac qui l'avait suivie depuis l'arrêt du bus. Comme la dame s'accroche désespérément à son sac, et qu'elle se met à crier « au secours », il se contente de lui arracher son bracelet, cadeau de son défunt mari. Outre la perte d'un objet cher, irremplaçable pour elle, Mme A. se retrouve victime d'un traumatisme. Désormais elle ne prendra plus les transports en commun que la peur au ventre, rasera les murs en se rendant chez sa mère.
Novembre 2012 : Mme X, mère de famille âgée d'une quarantaine d'années, et habitant dans le quartier de Bonneveine dans une paisible résidence , va chercher son véhicule, comme tous les matins, pour se rendre à son travail, dans un garage souterrain. Au moment de sortir du garage au volant de son véhicule, elle voit sur sa gauche un homme armé d'un pistolet brandi à hauteur de sa tête, qui lui intime l'ordre de s'arrêter et de descendre du véhicule. Un autre homme surgit, ouvre la portière et la tire de force hors du véhicule. Complètement désemparée, elle abandonne à ses deux agresseurs le véhicule, les clés et les papiers. Elle aussi est traumatisée depuis cet événement et n'ose plus aller seule dans un parking.
Décembre 2012 : la collaboratrice de mon épouse sort du métro à la station Périer, dans un quartier réputé tranquille. Elle a son sac sur l'épaule, et à la main, un sac à commissions dans lequel se trouve son ordinateur portable. Vu de l'extérieur, rien ne montre qu'elle a un iPhone dans le sac, ni qu'elle transporte un MacBook. Lorsqu'elle se trouve sur l'escalator, un jeune homme la double en courant, la bouscule rudement, la faisant tomber. Il continue son chemin comme si de rien n'était. Un second arrive immédiatement par-derrière, se saisit des deux sacs et détale. La jeune femme reste là, sans rien. À force de chercher, elle finit par rencontrer le responsable de la sécurité de la station, qui lui montre les vidéos tournées par les caméras. Elle se voit descendre du métro, reconnaît ses deux agresseurs, qui la suivent, et revoit l'agression. Les caméras ont tout enregistré, mais cela n'a pas pu empêcher l'agression. Elles ne serviront sans doute pas à identifier les agresseurs, qui cachent leurs traits sous un capuchon. Elle pourra tout juste se faire donner une copie de la bande et la conserver avec ses photos de vacances...
Lundi 7 janvier 2013 : Mon épouse entend crier une femme dans la rue « Au voleur ! Il m'a pris mon sac! » Regardant par la fenêtre, elle voit une femme d'une quarantaine d'années courant derrière un jeune homme. Celui-ci passe au milieu de jeunes gens assis sur le muret du square voisin. Tout le monde voit ce qui se passe, mais personne n'intervient. Il longe ensuite la terrasse du café qui se trouve sur la place: les hommes attablés sur la terrasse voient tout, mais n'interviennent pas. La dame, à bout de souffle, arrête sa poursuite. Il lui reste juste assez d'air pour demander pourquoi personne ne lui est venu en aide. Les descendants apathiques des sans-culottes et des vaillants poilus de 14/18 n'ont apparemment pas hérité du courage de leurs ancêtres. Quant aux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ils sont morts sans descendance. Et tout cela s'est passé dans le 6e, c'est-à-dire dans un quartier réputé calme.
Je vous passe le cas du jeune garçon, agressé par des adolescents et délesté de son portable dans le quartier de Bonneveine. Ou celui d'un autre, qui s'est fait voler son blouson. Également le cas d'un homme pourtant costaud, qui a été agressé une fois dans le parking souterrain du Centre Bourse, une autre fois dans le parking du Carrefour de Bonneveine, par des gens qui en voulaient à sa sacoche. Grâce à sa forte carrure, il a réussi à mettre en fuite ses agresseurs. La prochaine fois, ils s'en prendront de préférence à des femmes ou à des enfants, ou alors, ils auront recours à une arme et graviront un échelon dans l'ascension vers les sommets du gangstérisme.
3. Que fait la police?
On ne peut pas, bien sûr, mettre un policier derrière chaque citoyen, mais à Marseille, on en est loin.
Quel que soit le préfet, on peut comparer la police à l'Arlésienne d'Alphonse Daudet: on en parle tout le temps, mais on ne la voit jamais, en tout cas, pas quand on en a besoin.
Lorsque l'on voit de nombreux policiers, c'est le signe que le ministre de l'Intérieur vient nous voir. Ou bien le Premier ministre, voire même le Président de la République. Alors, on découvre un nombre impressionnant de policiers ou de CRS, un nombre que l'on n'aurait jamais soupçonné dans cette ville.
Une fois la Grosse Légume rentrée chez elle, on retourne au pain sec et à l'eau. Quand une voiture de police passe, c'est généralement gyrophare allumé et sirène hurlante. Même lorsqu'ils rentrent dans leur commissariat, les policiers le font en fanfare.
On les voit aussi massés dans un car, au lieu de se mêler à la foule pour être sur place le cas échéant, le car étant garé en bordure de la zone à protéger. Ainsi, en cas de besoin, il faut parcourir jusqu'à un kilomètre pour aller chercher de l'aide. L'avantage est qu'en été, les policiers sont proches de leurs boissons, et qu'en hiver, ils sont au chaud. C'est en particulier le cas tous les samedis, dans la rue Saint-Ferréol, où les voleurs à l'arraché s'en donnent à cœur joie.
Quand on en voit à pied, ils vont le plus souvent par trois ( dans ma jeunesse, ils circulaient encore par deux), et soit ils vont à la boulangerie s'acheter à manger, soit ils assurent la sécurité du Magasin Virgin en déambulant entre les rayons, même si le magasin dispose de ses propres vigiles et n'a donc pas besoin de protection supplémentaire.
Lorsque le policier part en mission, il poursuit un but précis. Par exemple, j'ai vu une voiture de police qui remontait la rue Paradis. Un scooter est arrivé en sens inverse, en sens interdit. Cela n'a aucunement dérangé les policiers qui avaient failli le heurter. Ils ont continué leur chemin, le conducteur de scooter poursuivant le sien. Arrêter quelqu'un roulant en sens interdit ne faisait pas partie de leur mission.
Dans la rue Saint-Suffren, au coin de la rue Edmond Rostand, se trouve un passage pour piétons qui attire voitures, camionnettes et scooters. C'est le cas pour tous les passages pour piétons du quartier, mais celui-ci est mûr pour le livre des records. Je n'ai pu résister au plaisir de vous envoyer une photo. Il faut savoir que ce passage sert de parking aux clients du café voisin, et des magasins kasher de la rue. En revanche, il devrait servir de passage aux élèves des écoles voisines, à qui il devrait offrir le moyen de traverser en toute sécurité. Or, les élèves doivent louvoyer le long des véhicules, et déboulent sur la chaussée sans aucune visibilité, ni pour eux-mêmes, ni pour les automobilistes. Voici quelques jours, c'est à grand peine qu'une voiture de la police s'est frayé un chemin entre toutes ces voitures mal garées. Mais il faut croire que les policiers avaient un plus noble but que celui d'assurer la sécurité d'enfants sortant de l'école. Ils sont passés sans réagir. On aurait pu penser qu'ils auraient alerté par radio des collègues qui poursuivraient ce but. Mais non.
Chacun sait, sauf les Préfets successifs des Bouches-du-Rhône, qu'une police efficace doit assurer trois fonctions de base:
• La prévention, pour faire en sorte que le coupable éventuel ne passe pas à l'acte, ou que la victime potentielle évite de se mettre en danger;
• La dissuasion, en particulier une présence visible de policiers en uniformes, pour dissuader les voleurs de commettre leur forfait.
• La répression, une fois le forfait commis.
Les deux premières fonctions sont quasiment absentes du programme de la police en centre-ville. Quant à la troisième, chacun sait que, les voleurs étant très jeunes, même arrêtés, même récidivistes, ils seront à peine punis et n'auront plus qu'à recommencer très vite.
Pour la société, en matière de délit, il vaut mieux prévenir ou dissuader que punir. On fait l'économie d'un délit, d'une perte et d'un traumatisme, ce qui est loin d'être négligeable.
4. Des antilopes poursuivies par des lionnes
Une cité où la police ne joue pas son rôle rappelle la savane, où des troupeaux entiers d'antilopes sont poursuivis par une ou plusieurs lionnes.
L'antilope étant dépourvue de moyens de défense, il ne lui reste plus qu'à se mettre à courir et à espérer que la lionne se jettera sur une autre antilope, ce qui lui permettra de sauver sa peau, pour cette fois-ci en tout cas. Ainsi, ce sont les antilopes les plus rapides, les plus fortes, qui survivront jusqu'à ce que, du fait de l'âge, elles s'affaiblissent, devenant alors une proie potentielle.
Tant que le nombre de prédateurs est assez faible par rapport à celui des antilopes, on aura des chances de conserver l'espèce. Mais si le nombre de prédateurs s'accroît, ou si ces prédateurs arrivaient à augmenter leur efficacité, alors, l'espèce serait en danger.
Nos dirigeants nous considèrent sans doute comme des antilopes. Le problème est que nos prédateurs ont la possibilité d'augmenter leur efficacité en s'armant.
En outre, les citoyens-antilopes, lassés d'être abandonnés par ceux qui sont chargés de les protéger, peuvent très bien réagir et organiser leur défense eux-mêmes. C'est déjà le cas de jeunes gens qui s'inscrivent dans des clubs de jiu-jitsu ou de karaté, pour se défendre sans arme, ou de citoyens organisant des milices, armés de fusils de chasse. L'inaction de la police génère alors ce que chacun aimerait éviter: la loi de la jungle et la justice hors la loi.
D'ailleurs, on peut se demander si les dirigeants, qui sont chargés de la protection des antilopes, mais aussi des lionnes, ne laisseraient pas courir les choses pour assurer un revenu minimum à ces jeunes délinquants, achetant ainsi, aux frais des citoyens contribuables, un semblant de paix sociale.
5. Qu'attend le citoyen de la police qu'il finance par ses impôts?
Le citoyen contribuable, qui finance cette police pour être protégé par elle, est bien mal payé de retour à Marseille, Centre-Ville.
5.1. Le citoyen n'a pas besoin d'une police sans autorité
D'abord, il y a conflit entre la police nationale ( la seule, la vraie), et la police municipale, qui n'est pas armée. Dimanche 20.01.13, sur M6, l'émission « Enquête exclusive » consacrée aux polices municipales nous a démontré les relations exécrables entre la police municipale de Miramas et la police nationale d'Istres. La municipale voulant savoir si une voiture arrêtée par ses soins, et dont le conducteur n'avait pas de carte grise, était volée ou non, elle a appelé la police nationale, qui lui a fait savoir qu'elle la rappellerait quand elle aurait le renseignement. La municipale attend toujours la réponse. Mais comme elle a à peu près autant de droits que moi, elle a dû laisser partir la voiture non sans avoir dit au conducteur de venir au plus vite présenter le document au commissariat.
Dans une autre ville, la municipale a poursuivi en voiture une moto cross « non conforme » pilotée par un jeune homme. Le jeune homme s'est faufilé dans un passage étroit pratiqué dans un mur menant à une cité, et les poursuivants se sont retrouvés bien marris devant ce passage top étroit pour leur voiture. De loin, ils ont vu le jeune homme descendre de moto. Ils ont donc quitté leur véhicule, mais le temps qu'ils arrivent à hauteur du fugitif, celui-ci, aidé par d'autres jeunes, avait eu le temps de faire disparaître la moto.
Il n'y avait plus rien à constater, et ils ont dû partir, la rage au ventre, laissant les jeunes hilares, qui ont expliqué aux journalistes qu'ils attiraient les policiers régulièrement sur leur terrain, et qu'ils se moquaient d'eux parce qu'ils étaient plus rapides qu'eux. Et c'est alors qu'est tombé le verdict: « ils n'ont aucune autorité. »
Il est évident que ces jeunes avaient plus le sens de la stratégie et de la tactique que les policiers. En un mot, ils ont fait preuve de plus d'intelligence. Les policiers municipaux ont peu de droits, et ils manquent de chefs qui dirigent la manœuvre. Même s'ils font preuve de bonne volonté, ils ne font pas le poids en face de ces jeunes vifs et délurés, et errent un peu trop souvent comme des poules sans tête.
Vous objecterez que la police nationale, elle, dispose de cette tête et qu'elle a de l'autorité.
5.2. Elle n'a pas besoin d'une police sans efficacité
La même émission de la semaine d'avant était consacrée aux vols de portables. On a pu y voir un groupe de policiers de la police nationale en civil, qui poursuivaient depuis 4 mois un groupe de quelques jeunes voleurs de portables. Les policiers espéraient bien, ce jour-là, « serrer » ce groupe en le prenant en flagrant délit.
Plusieurs jeunes portant capuchon, ce qui rendait impossible leur identification, déambulaient sur le quai du métro. Ils ont baladé ainsi pendant plusieurs heures les policiers qui attendaient avec impatience le moment du triomphe.
Un des policiers est arrivé, très ému, auprès de ces collègues en disant que l'un des jeunes l'avait regardé d'un drôle d'air, et qu'il ne voulait plus y retourner parce qu'il avait peur que, le revoyant, le jeune se sente observé et s'en aille. On ne peut s'empêcher de se dire, après coup, que si cela s'était passé ainsi, cela aurait eu un effet dissuasif ( dissuasion = deuxième fonction de la police) et que cela aurait évité un certain nombre de malheurs, comme on va le voir.
Au bout d'un moment, un métro arrivant, l'un des jeunes se met à longer les wagons et , tout à coup, se jette sur une femme en train de téléphoner, la frappe à la tête, lui prend son portable, et part en courant. La victime le poursuivant en criant, il se lance vers un escalator. Au bas de celui-ci, un homme bien bâti pose son sac. On sent qu'il a tout compris et qu'il va essayer de retenir l'agresseur. Celui-ci s'en rend compte et rebrousse chemin, bousculant la victime une deuxième fois. Courant vite, il arrive à échapper à ses poursuivants, y compris les policiers qui sont sortis de leur cachette. Ils n'avaient à première vue pas pensé à se poster à chacune des sorties, et à communiquer par radio. Il ne leur reste plus qu'à ravaler leur déception.
Plus tard, ils parviendront à retrouver l'un des jeunes. Ils iront même perquisitionner chez lui. La seule chose qu'ils trouveront, c'est une veste à capuchon qui ressemble fortement à celle que portait le voleur de portable. Le jeune, lui, nie farouchement les faits.
On nous explique alors que ce jeune de 19 ans, donc majeur, risquait pour vol avec violence en bande organisée 5 ans de prison. Il écopera d'un mois avec sursis, autant dire de rien.
Si l'on réfléchit à cet épisode, on se dit que l'opération ne valait pas la peine:
1. Une équipe de plusieurs policiers a été mobilisée pendant 4 mois.
2. Le résultat est pratiquement égal à zéro.
3. Il ne reste plus aux voleurs qu'à poursuivre leurs coupables activités, avec un sentiment d'impunité.
4. Quoiqu'on leur dise, les policiers vont garder leur sentiment d'échec.
5.3. Des lueurs d'espoir
La police possède quelques motifs de satisfaction si l'on cherche bien.
5.3.1. L'UPU
Dans son article du 27.12.2012, la journaliste de Mediapart Louise Fessard présente une étude de Serge Supersac sur l'UPU (Unité de prévention urbaine) qui, avec de faibles effectifs, mais beaucoup d'intelligence, a réussi à établir le dialogue entre la population et la police. On considère que c'est elle qui a empêché que les cités marseillaise brûlent lors de l'embrasement de l'ensemble des cités.
Lisez son article, et vous verrez qu'on peut faire bien pour pas cher.
5.3.2. La BAC de Marseille Centre
Il n'y a pas que des ripoux à la Bac de Marseille. Il y a aussi des policiers motivés et compétents, prêts à aider le citoyen.
Il y a deux ans, rue Saint-Ferréol, face à la Préfecture et à 50 m du Commissariat du 6e, ma femme s'est fait arracher un collier par un jeune homme. Je l'ai fait tomber d'un croc-en-jambe, par un vieux réflexe de judoka. Mais il s'est relevé tout de suite et il a détalé. Impossible, avec mes 63 ans, de le rattraper.
Nous avons téléphoné tout de suite à la police. La dame de garde nous a dit d'aller porter plainte au commissariat. Sur les conseils d'un commerçant sorti de son magasin, nous avons insisté pour donner le signalement de l'agresseur. À force d'insister, nous avons réussi à lui faire donner le signalement à la Bac. Les policiers de la Bac sont arrivés quelques minutes plus tard, m'ont embarqué avec eux pour reconnaître le coupable. Ils m'ont emmené dans une petite rue: une autre voiture de la Bac était là. Le voleur avait été arrêté, le collier à la main.
Ceci démontre l'efficacité d'une police pourvu qu'on lui donne l'occasion de montrer ce qu'elle sait faire, vu sa connaissance du terrain et sa motivation.
Pour arriver à ce résultat, il faut triompher de l'habitude des standardistes à considérer le commissariat comme une simple chambre d'enregistrement des plaintes ou mains courantes, un lieu d'enterrement d'affaires peu valorisantes.
5.4. Ce qu'attend le citoyen
Le citoyen a besoin d'une police qui assure ses trois fonctions de base, si nécessaire en travaillant avec d'autres domaines, tels que la justice ou l'éducation nationale.
5.4.1. La prévention
En s'inspirant du travail de l'UPU, la police doit rétablir le contact avec la population.
Il faudrait travailler à ce que le délinquant potentiel ne glisse pas vers la délinquance. Parallèlement à cela, il faudrait sensibiliser la victime potentielle par une campagne régulière dans la presse et à la télé pour lui apprendre à prendre les précautions de base.
5.4.2. La dissuasion
À Marseille, il y a du travail pour la police : la criminalité, la circulation difficile, les incivilités de toutes sortes: la voiture garée sur le trottoir, devant l'arrêt d'autobus ou sur le passage pour piéton, le scooter roulant sur le trottoir pour remonter les sens interdits, les voitures et scooters qui ne respectent pas les feux rouges ni les piétons traversant sur les passages pour piétons, les piétons traversant n'importe où et n'importe quand, les chiens laissant leurs déjections partout, les gens se réservant une place de stationnement en utilisant des chaises ou des chaines, etc.
Pour cela, il faut faire sortir les policiers de leur commissariat. On doit voir les uniformes partout où il peut se passer quelque chose. C'est le cas à Berlin, Munich, Milan ou New York, où le policier en uniforme fait partie du paysage, et s'adresse aux citoyens en citoyen.
5.4.3. La répression
Lorsque les deux premières phases ne suffisent pas, il reste la répression.
Celle-ci peut aller de la simple remarque ou réprimande jusqu'à l'arrestation, en passant par la contravention.
Le policier ne doit rien laisser passer de ce qui empoisonne la vie du citoyen de base.
5.4.4. Le recrutement et la formation des policiers
Le policier étant détenteur d'autorité et porteur d'une arme, il est nécessaire qu'il soit digne de confiance, conscient de ses prérogatives et de ses devoirs, motivé.
Le recrutement et la formation des policiers jouent un rôle central si l'on veut une police citoyenne, respectable et respectée.
6. Qu'attend la société de ses citoyens ?
Bien sûr, si le policier est respectable, il faut qu'il soit respecté. Les Français ont une forte tendance à détester les uniformes. Or, ne pas respecter l'autorité, c'est se tirer une balle dans le pied.
Si le citoyen ne respecte pas sa propre police, celle qui est chargée de sa protection, il est évident qu'il l'affaiblit face à ceux qui ne respectent pas les lois.
En outre, le citoyen doit être prêt à prêter main forte à tout concitoyen qui a besoin d'aide, en particulier à retenir le voleur poursuivi par la victime. Si ce voleur est armé d'un pistolet, évidemment, il vaut mieux le laisser passer. Mais s'il a les mains nues, qu'est-ce qui empêche les témoins, qui sont nombreux, à retenir un voleur tout seul, au moins à l'obliger à rendre ce qu'il a volé? C'est parce qu'ils savent que le public est lâche, et que les gens regarderont ailleurs, que les voleurs sont si téméraires.
Enfin, ci le citoyen marseillais faisait preuve de plus de sens civique, la vie en commun serait plus facile.
Voilà, Monsieur le Ministre, pourquoi la vie devient si difficile dans cette ville. Il vous revient de revoir le système mis en place et de motiver vos troupes.
Je sais que vos prédécesseurs immédiats vous ont laissé une situation peu enviable en négligeant la prévention et la dissuasion, et en liant la répression au culte du chiffre, ce qui a amené certains policiers dans les commissariats à dissuader certains citoyens de porter plainte, les taux d'élucidation des vols à l'arraché étant très faibles.
Mais, quatre mois après la nomination de notre dernier préfet, tels sœur Anne, nous ne voyons rien venir, ne sentons pas le moindre frémissement.