Paris, dans un café, à 8h du matin.
Les nouvelles tournent en boucle sur l'écran plat au fond de la salle. On y parle de Mossoul, des ponts repris sur le Tigre. J'ai déjà la tête ailleurs. Le Tigre, je vais le traverser d'ici peu. Retour à mon café. Ma caméra bippe. La carte mémoire est vidée. Je rassemble mes papiers, je vérifie pour la millième fois mes documents de voyage.

Agrandissement : Illustration 1

Jour 1 - "Welcome to Rojava"
Peshrabour, KRG, à midi.
Le passage se fait relativement sans emcombres, on patiente un peu, le temps que la voiture apporte les bagages. Le bateau est amarré de façon sommaire, on se passe les paquets, les valises, les enfants les plus petits. Des familles vont se faire soigner en Syrie - le traitement y est moins cher, d'autres apportent des provisions à leurs proches le temps d'une visite. La barge tangue sur le Tigre, peu commode à cette période de l'année. En quelques minutes, on a traversé. Les bagages sont fouillés un par un par les asayis, un homme pour les hommes, une femme pour les femmes. Elle porte un foulard vert uni sur ses cheveux, complément de son uniforme. Les femmes Asayis(l'équivalrnt de la police) musulmanes peuvent porter le voile si elle le souhaitent, tout comme les YPJ (le leur est noir uni). La liberté religieuse est de rigueur.
Il faut ensuite aller retirer notre visa au bureau de Semalka. Nous sommes chaudement accueillis, avec du thé et des cigarettes. C'est difficile de se croire au coeur d'une zone de conflit, tant tout est fait pour être efficace et agréable. Ensuite direction Amuda, par Qamishlo, pour poser nos sacs et se mettre au travail. La route est longue, souvent parsemée de nids de poule, ou plutôt de canyons de poule. On passse le plus souvent par la piste en parallèle, tellement la route est mauvaise. Le conducteur est un as de la route, malgré les flaques d'hydrocarbure qui manquent de nous envoyer dans le décor. D'ailleurs, il nous faut du carburant pour parcourir les 160km entre Semalka et Amuda. Nous essayons dans un village, la pompe est vide. Dans un deuxième, on nous indique un petit garage qui vend de l'essence, sans doute au marché noir. On en profite pour faire une pause cigarette et le conducteur va acheter des pâtisseries pour la route. Les montagnes défilent, les plaines immenses encore vertes se déroulent à l'infini, entreoupées de villages en reconstruction. Arrivés à Qamishlo, nous nous faufilons entre les check points des Asayis, en évitant soigneusement les quarties tenus par le régime d'Assad. La ville est littéralement coupée en deux, par des blocs de béton et des bâtiments en ruine. La traversée se fait sans encombres, rythmée par les check points kurdes, et enfin nous reprenons la route. Il est tard quand ous arrivons enfin à Amuda, un petit tour au media center pour avoir nos badges, et enfin un peu de repos à la guest house du PYD. Nous sommes accueillis, une fois de plus, avec du thé et des cigarettes. On nous explique le fonctionnement de la maison, nous avons une salle de bain commune, les repas sont pris en commun. Il est dangereux de sortir seule le soir, j'ai une escorte si besoin. La maison est gardée en permanence, pour notre sécurité. Malgré tout, tout est fait pour que nous nous sentions à la maison. Après un copieux dîner, nous pouvons découvrir nos chambres et avoir un peu de repos. Mon compagnon de voyage sort acheter une carte SIM, il est déjà trop tard pour moi pour sortir. Pas de problème, je découvrirai la ville demain.
Demain, si j'ai du wifi, je vous parlerai de Nesrin Abdullah, du fonctionnement du canton et un peu de politique aussi. Bonne nuit !