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Billet de blog 3 octobre 2014

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De l’oubli à la violence : rompre le cycle en République centrafricaine

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« Cette fois la Centrafrique a touché le fond » entend-on souvent. A chaque fois elle est tombée encore un peu plus bas. Aujourd’hui la situation reste critique et la Centrafrique risque de tomber dans l’oubli. Encore plus bas. Encore une fois.

S’il y a aujourd’hui encore 200 à 300 000 personnes déplacées dans le pays et plus de 400 000 réfugiés dans les pays frontaliers, notamment au Tchad et au Cameroun, c’est bien sûr la conséquence immédiate des violences effroyables qui ont suivi le coup d’état de mars 2013 et qui ont connu un paroxysme en décembre l’an dernier. Mais ne nous trompons pas sur les causes de la situation actuelle en Centrafrique : c’est dans les décennies d’instabilité, l’absence de gouvernance et la pauvreté extrême que l’on trouve les raisons de ce chaos.  

Les problèmes sont nombreux et complexes, l’analyse en revanche est simple. Pour faire cesser les violences il ne suffira pas de déployer des milliers de casques bleus. Il faut en priorité lutter contre la pauvreté, reconstruire l’Etat et encourager la société civile. C’est aussi le rôle des organisations humanitaires de contribuer à la revitaliser et soutenir l’émergence de solutions pérennes à l’échelle des communautés. Si la communauté internationale reprend les solutions à court terme qui ont été proposées jusqu’à maintenant nous sommes condamnés à voir le passé se répéter.  

La violence a certes diminué, notamment à Bangui, mais la situation est loin d’être stabilisée. La crise politique n’est pas encore résolue, elle se double d’une crise sanitaire avec l’effondrement de l’accès aux soins et l’incapacité des pouvoirs publics à rétablir les services les plus élémentaires. C’est une crise aigüe, majeure, dans laquelle le pays s’enfonce, et dont les conséquences se greffent à la crise silencieuse et oubliée que la Centrafrique connaissait depuis des années. Résultat ? On en sait encore moins qu’avant sur les fragilités et les vulnérabilités des populations, en particulier dans les zones rurales. On voit le nombre d’enfants atteints de malnutrition aigüe augmenter dans les centres où nous pouvons les soigner.

Mais qu’en est-il dans les zones inaccessibles du pays ? C’est que malgré le déploiement des forces internationales, des groupes porteurs d’armes continuent de circuler librement dans certaines zones et poursuivent leurs œuvres de prédation et de violence. Il y a encore des centaines de milliers de familles qui ne peuvent retourner chez elles, et encore des milliers de famille qui continuent de se déplacer, faute de pouvoir assurer leur sécurité, ou subvenir à leurs besoins les plus primaires. Ces familles forcées à fuir n’ont pas pu travailler la terre, s’occuper de leur bétail ou de leur commerce. Cette année la production agricole sera encore significativement amputée, ajoutera à l’insécurité la pression de pourvoir aux besoins alimentaires de base, et verra des pans entiers de la population sombrer dans une précarité encore plus grande. Renforçant ainsi les mêmes maux qui avaient entraîné la crise de 2013.

Rester audible dans un contexte de multiplication des crises est un défi. Après avoir occupé un temps l’espace médiatique et obtenu l’attention de la communauté internationale à la faveur funeste des violences qui l’ont secouée, la Centrafrique risque de sombrer dans l’oubli une fois de plus. Dans l’immédiat il faut continuer  le nécessaire travail d’assistance face aux besoins encore urgents en santé, accès à l’eau et à la nourriture. On estime que 2,5 millions de personnes, la moitié de la population !, ont encore besoin d’aide d’urgence et le Plan de Réponse Stratégique des Nations-Unies n’est financé qu’à hauteur de 50%. Action Contre la Faim, présente en Centrafrique depuis 2006, se concentre notamment sur la prise en charge des cas de malnutrition aigüe sévère pour les enfants de moins de 5 ans en appui au ministère de la santé, et ses équipes se déploient dans les zones rurales pour distribuer des kits d’urgence aux familles déplacées. Ces activités sont de l’ordre de la survie et permettent d’alléger les souffrances et souvent de sauver des vies. Tout en les maintenant il faut aussi investir maintenant dans l’économie et l’Etat pour redonner du travail, une gouvernance visible et permettre la stabilité du pays. Ce sont les engagements qui ont été pris au plus fort de la crise, en janvier 2014 à Bruxelles. C’est maintenant qu’il faut les tenir.

Alexandre Le Cuziat, directeur régional des opérations en Afrique centrale et de l'ouest.

Photographies: William Daniels /Panos

#NuitNoire Centrafrique: http://blog.actioncontrelafaim.org/nuit-noire/

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