Peggy Pascal fait le bilan d’une semaine de négociations préalables à la Conférence Paris Climat 2015 qui doit aboutir à la conclusion d’un accord mondial. Chargée de plaidoyer pour Action contre la Faim, elle a participé aux échanges internationaux qui se tiennent à Bonn, Allemagne, depuis le 1er juin. Et partage ses observations.
Moins de 200 jours avant Paris.
Plus que 200 jours pour inverser la tendance. Tic Tac, le bruit du temps qui passe est assourdissant. 193 pays sont ensemble depuis 5 jours, les représentants boivent des cafés et avalent des bretzels, discutent dans les couloirs et passent d’une réunion à l’autre. On s’essaye depuis le début de la semaine à un exercice de lissage du texte pour éliminer les options qui se répètent comme les co-chairs leur ont demandé en début de semaine.
L’objectif est double : réduire la longueur du texte qui sera sur la table à Paris en décembre - 90 pages pour l’instant alors qu’il faudrait un texte de 20 à 30 pages -, mais aussi le rendre négociable, ce qui, dans le jargon des négociateurs, signifie ne plus avoir d’options qui se contredisent.
La première semaine de négociations s’achève et il ne restera alors que 4 jours de discussions.
Bilan de la première semaine : les négociations piétinent et le texte n’a perdu que 4 ou 5 pages. Pire, tous les points « chauds » n’ont pas encore été abordés puisque la plupart des négociateurs n’ont pas reçu de mandat politique de leurs gouvernements. « Ne touchez à rien, gardez les options insérées dans le texte à Genève, nous verrons plus tard ! » , tel semble être le message que la plupart des délégations ont reçu. Le rappel à l’ordre de la France dès l’ouverture des négociations en début de semaine, qui appelait les pays à mettre sur la table un texte négociable dès octobre, n’a pas été entendu.
Beaucoup de discussions ont lieu loin des salles de négociations, mais pas de sentiment d’urgence chez la plupart des négociateurs. Peut - être en deuxième semaine, les choses se débloqueront et que l’on commencera, bien tard, à négocier pour de bon.
A force de discuter s’il faudrait ou non insérer tel ou tel signe de ponctuation entre crochet, c’est l’avenir de l’humanité que les 193 pays mettent entre parenthèses. Celui des 600 millions de personnes supplémentaires qui souffriront de la faim en 2080 ou des milliers de réfugiés climatiques qui s’exilent déjà de leurs terres natales, payant très cher la note des fautes qu’ils n’ont pas commises. Leurs voix doivent être entendu et leurs poings taper sur les tables du centre de négociations, pour rappeler aux Etats qu’ils ont une responsabilité colossale, celle de l’avenir de l’humanité, et pas dans 10, 15 ou 2 ans, mais ici et maintenant.
On aurait attendu de la France, présidente, qu’elle envoie des signaux positifs à l’égard des pays du Sud qui se sentent peu écoutés dans ces négociations. Or en annonçant cette semaine la baisse de son aide pour le développement (APD) de 9%, elle ne participe certainement pas à bâtir la confiance. Avec la réunion du G7 qui se déroule ce week-end à quelques centaines de kilomètres de Bonn, on attend des Etats qu’ils rappellent dès demain, haut et fort l’urgence qui pèse sur ces négociations. Nous avons besoin de signaux politiques forts pour qu’enfin les négociateurs présents à Bonn entrent dans la partie. Et aux politiques de marteler que l’échec n’est pas une option.