Claire Even, chargée de plaidoyer Changement climatique et Faim, était à Bonn pour les négociations qui mènent au texte de la COP21. Retour sur une semaine animée.
Vendredi, 18h, session de clôture de l’ADP 2.10, l'interssession de négociations sur les accords climat. On se presse pour monter dans le dernier Thalys de la journée, la semaine a été longue. On en sort avec une petite boule au fond de la gorge, se disant qu’au vu des avancées de la semaine, les nuits seront courtes d’ici à décembre si on souhaite avoir quelque chose à mettre sur la table à Paris.
5 jours de négociations dans un centre de conférence réduit de moitié par rapport à la session de juin. On nous a coupé l’accès au jardin car moins de négociateurs et moins d’observateurs aussi. Comme si on essayait de nous faire comprendre que la distraction ne peut plus durer.
De tous les côtés, dans toutes les sessions, on ne cesse de souligner encore et encore qu’il faut avancer, qu’on n’a plus le temps, qu’il ne reste que 6 jours de négociations avant le début de la COP 21 !!! Mais c’est bien le blocage général qui prédomine…
La team « Food sec » était à nouveau sur le qui-vive, et la première journée nous a rendu tout feu tout flamme. Le Salvador, au nom des pays du SICA -système d’intégration centraméricain- annonce dès la plénière d’ouverture que la sécurité alimentaire doit être au cœur de l’Accord qui sera signé à Paris. Puis c’est au tour de l’Union européenne d’affirmer que la sécurité alimentaire et les droits humains doivent être des principes directeurs de l’Accord climat ! Surfant sur la vague, l’Angola s’exprime à son tour, au nom du groupe des PMA (les pays les moins avancés), pour aller dans le même sens. Trois groupes de pays, représentant le Sud et le Nord, dans une seule et même journée, de quoi nous donner de l’énergie !
Et pourtant, cette effervescence du début s’est vite dissipée. Les grands points de dissension reprennent rapidement le pas : que fait-on de la différentiation entre pays développés et en développement, des responsabilités historiques des uns, du calendrier de révisions des contributions nationales… et surtout, qui va payer ?
Lors d’un échange avec le négociateur du Salvador, il ne peut cacher son désarroi. Seul représentant de son pays, il doit suivre toutes les sessions de négociations, les spin offs meetings -discussions informelles pour consolider des propositions-, les réunions des groupes de travail. De la finance, à l’atténuation, en passant par le capacity bulding. A côté, la délégation française compte 60 personnes, sans parler des USA… Mais le négociateur du Salvador lui ne lâche rien : « je continuerai à porter la sécurité alimentaire. La production agricole ce n’est pas suffisant, c’est faire la part belle aux multinationales agroindustrielles, mais ça n’assure en rien que nos populations soient à l’abri de la faim. »
Les signaux politiques extérieurs ne cessent de se multiplier depuis des mois. A quelques jours du lancement des ODD, il serait plus que temps que tous les Etats Parties entendent (ou écoutent !) ces mots.
La sécurité alimentaire doit être au cœur de l’Accord de Paris. Lutter contre la faim et les changements climatiques sont deux combats indissociables, une seule et même urgence.
A ceux qui l’ont porté haut et fort et courageusement cette semaine : nous non plus on ne lâchera rien !