ACF France a été auditionnée mercredi 6 mai à l’Assemblée Nationale par le groupe d’étude parlementaire « coopération et aide au développement ». L’occasion d’aborder le sujet des financements innovants pour le développement et les besoins financiers dans la lutte contre la faim et la sous-nutrition.
La lutte contre la faim et la sous-nutrition est sous-financée par l’aide internationale
Aujourd’hui encore, plus de 805 millions d’êtres humains souffrent de la faim dans le monde et la sous-nutrition est responsable de près de la moitié des décès des enfants de moins de 5 ans.
Cette situation est d’autant plus indigne que les solutions pour lutter contre la sous-nutrition ont fait la preuve de leur efficacité[1] et que les besoins ont été précisément chiffrés. Pourtant, le manque de financement demeure le principal frein aux ambitions affichées dans ce domaine par les pays en voie de développement.
La lutte contre la faim et la sous-nutrition accuse un déficit de financement considérable par rapport à l’ampleur de son impact avec seulement 1% de l’aide publique au développement (APD) mondiale qui lui est consacré. Le Rapport Mondial sur la Nutrition 2014 (GNR) a estimé les besoins additionnels à environ 70 milliards de dollars[2] pour couvrir 90% des besoins spécifiques à l’horizon 2020. Or la communauté internationale n’a couvert que 0,7% de ces besoins en 2012, soit 480 millions de dollars. En comparaison, plus d’un milliard de dollars a été engagé en quelques mois pour répondre à une situation d’urgence dans le cadre de l’épidémie d’Ebola. Il s’agit d’un effort important qui souligne la capacité internationale à se mobiliser. Dans le cadre de son action diplomatique, la France a su également dégager plusieurs milliards d’euros pour des actions militaires de sécurité à l’étranger.
Cette capacité à se mobiliser face à des circonstances exceptionnelles devrait également concerner les fléaux chroniques, comme la faim et la sous-nutrition. Dans le dessous des cartes de la pauvreté, on retrouve très souvent la sous-nutrition. Financer la lutte contre la sous-nutrition c’est, d’une part, contribuer à la prospérité et à la sécurité des prochaines générations et, d’autre part, répondre à l’exigence d’une aide publique internationale efficiente[3]. Or, l’aide publique française a baissé de presque 2 milliards d’euros depuis 2012. Il est donc urgent de mobiliser de nouveaux fonds en faveur du développement et en particulier de la nutrition.
Les financements innovants incarnent une opportunité unique et immédiate
Face aux contraintes budgétaires de nombreux états traditionnels bailleurs de l’aide, les financements innovants sont une formidable occasion de mobiliser des ressources additionnelles pour la nutrition. Ils sont un complément indispensable aux côtés des investissements internationaux, largement insuffisants. Aussi, pour relever les enjeux de long terme de la faim et de la sous-nutrition et, renforcer de façon pérenne les systèmes de prévention et de prise en charge, ces financements doivent être stables, prévisibles et dirigés vers les besoins prioritaires.
La France a joué un rôle majeur dans la promotion des financements innovants au travers notamment de la taxe sur les billets d’avion, dites taxe Chirac. Alors qu’un récent rapport entend remettre en cause cette taxe, la France ne peut pas renoncer à jouer sa part dans le financement du développement. ACF souhaite que la France reprenne ce leadership en faveur des financements innovants, notamment en faveur d’une taxe sur les transactions financières (TFF) européennes et ainsi dégager les ressources financières nécessaires pour lutter contre la pauvreté et la sous-nutrition.
Outre la TTF, susceptible de dégager plusieurs dizaines de milliards d’euros au niveau européen, une contribution du secteur agroalimentaire sur la vente de produits gras, sucrés et salés représenterait un financement emblématique pour lutter contre la malnutrition en France et dans le monde. La France pourrait décider d’accroitre les infimes taxes en vigueur, sans que cela n’affecte le pouvoir d’achat des Français, et ainsi dégager plusieurs millions d’euros chaque année pour l’affecter à la lutte contre la sous-nutrition[4].
Mobiliser ces financements innovants additionnels est une nécessité impérieuse si la communauté internationale souhaite éradiquer la faim et la sous-nutrition d’ici à 2030. ACF invite donc la France, pionnière des financements innovants, à être ambitieuse en la matière lors de la 3ème conférence internationale d’Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet prochain et, au niveau national, à l’occasion des futurs débats du projet de loi de finances 2016.
Pour en savoir plus : www.actioncontrelafaim.org/sites/default/files/articles/fichier/noteinnvfinancingfinalfr.pdf
[1] La revue médicale de référence The Lancet a identifié en 2013 « un ensemble de dix interventions directes à l’efficacité prouvée qui, si elles faisaient l’objet d’une mise à l’échelle pour couvrir 90% des besoins, éviterait près de 900 000 décès d’enfants de moins de cinq ans dans les 34 pays à forte prévalence de la sous-nutrition – dans lesquels vivent 90% des enfants souffrant de malnutrition chronique ».
[2] Il s’agit d’une estimation basse qui ne tient pas compte des investissements dans les secteurs contribuant à la lutte contre la sous-nutrition comme l’agriculture, l’eau et l’assainissement ou encore la gouvernance.
[3] Le Global Nutrition Report 2014 rappelle les effets multiplicateurs pour chaque dollar investi dans la nutrition. En moyenne, 1 dollar investi dans la sous-nutrition « rapporte » un bénéfice de 16 dollars.
[4] La taxe en France concerne les produits sucrés et édulcorés pour les boissons et sodas a rapporté 288 millions d’euros en 2013 : http://www.senat.fr/rap/r13-399/r13-3997.html