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Billet de blog 11 juin 2015

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Peut-on encore compter sur le G7 pour lutter contre la faim ?

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Quelques jours avant la réunion des chefs d’états du G7, la FAO annonçait que 795 millions de personnes souffraient encore de la faim soit une baisse de 10 millions de personnes par rapport à l’année précédente. Sans rentrer dans des débats sur le mode de comptabilisation de ces chiffres, il importe de rappeler que  nous produisons aujourd’hui de quoi nourrir plus de 12 milliards de personnes tandis qu’une personne sur 9 souffre de la faim. Les perspectives ne nous permettent pas d’être optimiste puisque nous savons qu’en 2050, même si nous restons sous la barre des 2°C de réchauffement, la moitié de la population mondiale sera exposée à la faim. Chiffres terrifiants qui montrent une fois de plus que faim et climat relèvent d’un seul et même combat, d’une seule et même urgence et d’un seul et même agenda. 

Lundi dernier, les chefs d’état du G7 se sont réunis en Allemagne pour se mettre d’accord sur les grands axes de leurs politiques communes. L’année 2015 est une année clef pour le développement : les résultats de la conférence sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet, des futurs objectifs de développement durable adoptés en septembre puis la COP21 en décembre à Paris, dessineront en bonne partie le monde de demain.

Ces derniers mois, la présidence allemande, multipliait les efforts pour pousser le G7 à repartir sur une approche globale impliquant des engagements politiques et  financiers publiques, pour la lutte contre la faim et la sous nutrition. A voir les efforts déployés par la chancelière allemande quelques jours avant le G7, on attendait de bonnes nouvelles, un engagement résolu à lutter contre la faim en optant pour une agriculture durable capable de nourrir les hommes et les femmes tout en étant sobre en carbone. 

On peut se réjouir que le G7 reconnaisse le combat contre la faim comme l’un des combats majeurs pour la réalisation des futurs objectifs pour le développement et pour la sécurité mondiale. Hélas les motifs de satisfaction s’arrêtent là. Si les Etats ont défini une cible de 500 millions de personne à sortir de la faim et de la malnutrition d’ici à 2030, aucun engagement financier n’est avancé, aucune cible financière définie, et on ne sait pas comment le G7 compte s’y prendre. Alors que ses membres appellent à des investissements privés, et des investissements nationaux de la part des pays du Sud, ils sont peu loquaces quant aux volumes d’aide publique au développement (APD). En ce qui concerne la France, le volume de l’APD ne cesse de décroitre depuis 4 ans. A quelques jours du G7, la publication des chiffres de l’OCDE montrait un baisse de 9% de l’APD ce qui correspond à un niveau historiquement bas de 0,36 %, moitié moins que l’engagement initial de 0,70%. On sait pourtant que les fonds privés sont largement insuffisants lorsqu’ il s’agit de lutter contre l’extrême pauvreté et la faim. 

De même si les chefs d’état reconnaissent les impacts négatifs des changements climatiques sur la sécurité alimentaire et la nutrition[1] (Annexes, p11), la réponse proposée (augmenter la production, la productivité et les revenus) est caduque et obsolète. Nous savons que la faim dans le monde est plus liée à un problème d’accès à l’alimentation qu’à une question de production alimentaire globale. Alors qu’un quart des émissions de gaz à effet de serre provient du secteur agricole, nous regrettons que les Etats ne reconnaissent pas le besoin de favoriser des modèles agricoles peu émetteurs et favorables aux petits agriculteurs. Au contraire, ils font explicitement fasse référence à une fausse solution dénoncée depuis le départ par une grande partie de la société civile : l’agriculture intelligente face au climat et son Alliance globale (GACSA). Cette alliance, présente par exemple les OGM, les pesticides ou les agro carburants comme des « solutions intelligentes face au climat ». L’agriculture intelligente face au climat est un concept beaucoup trop imprécis, pourtant il est déjà dans toutes les bouches et de plus en plus de textes ou de stratégies de financement s’y réfèrent. Mot valise, ce concept fait du climat un alibi pour faire l’apologie d’un modèle agricole néfaste aux petits producteurs et à l’environnement.

Elément phare de communication des Etats du G7/8 en 2012 et 2013, l’initiative de la « nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition » « NASAN » n’est pas mentionnée dans le communiqué officiel. Dénoncée haut et forts par une très grande partie de la société civile du nord et du sud, la NASAN est une initiative néfaste à la sécurité alimentaire et à la nutrition des agriculteurs de 10 pays africains. Elle porte atteinte aux droits à l’alimentation et porte atteinte aux droits des paysans. Des cas concrets d’accaparement de terres financés par les banques de certains pays du G7 sont largement documentés. Alors que quelques jours auparavant se réunissaient l’organe de gouvernance de la NASAN,  il faut se référer à l’annexe pour voir la NASAN citée une première fois parmi d’autres initiatives multilatérales. Faut-il y voir enfin un désaveu ? 

Nous pouvons en finir avec la faim et ce depuis des années. Les engagements financiers des membres du G7 auraient – à minima – du être renouvelés dans un cadre de redevabilité ouvert et transparent afin d’éradiquer la faim d’ici à 2030. La faim dans le monde est due d’abord et avant tout à une question d’accès aux ressources, de pauvreté et d’un injuste partage : des combats que les 7 pays les plus puissants de la planète n’ont pas réellement choisi de relever à Elmau ce 3 juin 2015.


[1] Voir à ce sujet l’appel des organisations de la société civile

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