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Billet de blog 16 février 2015

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«Climat» d’apaisement à Genève: jusqu’à quand?

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Peggy Pascal fait le bilan de la semaine des négociations préalables à la Conférence Paris Climat 2015 qui doit aboutir à la conclusion d’un accord mondial. Chargée de plaidoyer pour Action contre la Faim, elle a participé aux échanges internationaux qui se tiennent à Genève depuis le 8 février. Et partage ses observations.

Sous l’égide des Nations Unies, les négociations sur le climat ont repris dimanche dernier au Palais des Nations à Genève. Depuis Lima, c’est la première fois que les 195 Etats qui siègent à l’ONU se retrouvent pour continuer à avancer sur le texte qui devrait être adopté à Paris en décembre prochain lors de la COP21 sur le climat. (Conférence des Parties)

Nous avons un problème. Un problème inédit, où l’échec ne peut pas être une option. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, 195 Etats doivent faire front ensemble à un problème qui est l’une des plus grandes menaces qui n’a jamais pesé sur l’avenir de l’humanité.

Rappelons que depuis 2005 et la signature du protocole de Kyoto, qui impose aux pays riches des objectifs contraignants pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les 195 Etats ne sont jamais parvenus à s’entendre sur un texte universel qui permettrait de limiter la hausse de la température en deçà de 2 °C d’ici à la fin de ce siècle. Car au-delà de 2 degrés de réchauffement, la situation sera dangereuse voire hors de contrôle selon les conclusions des scientifiques. Et le dernier rapport du GIEC prévient : la hausse de la température atteindra entre 3,7 °C et 4,8 °C d’ici à 2100, si le monde ne se détourne pas d’urgence des énergies fossiles. A Lima, déjà, je me demandais si nous serions capables de sortir de notre état d’apathie, celui de la grenouille en train de rôtir dans une casserole d’eau chaude – sans ciller. Hélas, après cette semaine de négociations à Genève, je n’ai pas encore la réponse.

Je repense à ce négociateur camerounais qui apostrophait un délégué européen en lui disant qu’il fallait reposer le débat et que tous les pays ne regardaient pas le problème avec les mêmes lunettes. Il rappelait que pour l’Afrique, le problème ne peut pas être posé en termes de « plus ou moins de carbone ». Changement climatique et développement sont indissociables. « Pour parler du changement climatique, il faut parler du développement de nos pays, et de la pauvreté. Est-ce qu’on peut mettre un garde derrière chaque arbre pour empêcher les gens de couper l’arbre ? non ! si les gens ont faim, ils coupent et ils plantent. C’est tout. » Et je me dis que finalement, la grande difficulté de ces négos, en plus des intérêts nationaux qui ne concordent pas, c’est que nos réalités n’ont pas les mêmes reflets, que le « tictactictac » ne résonne pas avec la même urgence partout. L’un des délégués marocains m’expliquait hier qu’au Maroc ils ont intégré la composante changement climatique dans tous leurs plans sectoriels et que 20 milliards d’euros ont été mis sur la table pour l’adaptation. « Cela va tellement changer notre quotidien, que nous n’avons pas d’autres choix que d’en faire un pilier, plutôt qu’une contrainte – de nos politiques de développement » me disait-il.

Je suis quand même plus optimiste qu’en quittant Lima. Dès le premier jour, dans les couloirs, on soulignait le « bon esprit » dans lesquelles ces négociations avaient débutées. A la demande des deux nouveaux présidents -un algérien et un américain-, les pays ont été encouragés à partager leurs propositions d’additions au texte afin que toutes les idées et points de vus puissent être exprimés. Faire en sorte que toutes les propositions soient sur la table, pour pouvoir par la suite, négocier, élaguer… bref, avancer. En quelques jours, nous sommes passés d’un texte de 38 pages à un texte d’environ 80 pages : a priori un pense-bête pour les pays puisqu’il est censé rassembler l’ensemble des idées et propositions. Du coup, certains paragraphes du texte regroupent 10 ou 11 options différentes.

La grande satisfaction de la semaine, pour moi, c’est que la sécurité alimentaire ait enfin fait son apparition dans le texte à trois niveaux différents -préambule et chapitre adaptation au changement climatique. C’est un beau succès, mais ce n’est pas une victoire, car il va s’agir maintenant de raccourcir le texte pour qu’il soit négociable. Ces options-là pourraient bien disparaître lors de la prochaine étape des négociations en juin à Bonn.

L’exercice cette fois sera sûrement bien plus compliqué et bien plus tendu car il faudra faire des choix, fusionner certaines options et en supprimer d’autres. Le risque demeure que, sous couvert de recherche de consensus, on hérite d’un texte flou et peu ambitieux. L’autre danger est que l’on rentre dans une phase de « marchandage sauvage ».

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