Plus de 190 Etats se sont réunis du 13 au 16 juillet à Addis-Abeba à l’occasion de la troisième conférence internationale sur le financement du développement. L’enjeu : mobiliser les ressources financières et technologiques pour la mise en œuvre des futurs objectifs de développement durable et encadrer la financiarisation de l’économie. Raté ! A défaut d’accord, la Conférence débouche sur un « agenda d’actions », synonyme d’échec dans le vocabulaire onusien. Le texte final de la Conférence est un compromis de faible ambition. Le financement de la lutte contre la sous-nutrition a lui bénéficié d’une certaine attention… en attendant des moyens concrets.
Reculs sur l’aide publique au développement et les financements innovants
Les pays développés, dont la France, ont renouvelé leur engagement à dédier 0,7% de leur richesse au développement. Toutefois, aucun calendrier contraignant n’est mentionné, tandis que seuls cinq pays en 2014 ont honoré cette promesse qui remonte aux années 1970. Le texte affirme la nécessité d’affecter 50% de l’aide publique au développement (APD) aux pays les moins avancés. Mais là encore, les bailleurs n’ont aucune obligation de respecter cette recommandation. Les financements innovants, qui ont permis de mobiliser plus de 7,5 milliards de dollars depuis 2002[1], perdent en reconnaissance par rapport aux précédents accords. Les références aux taxes de solidarité pour le développement, comme la taxe dite Chirac sur les billets d’avion ou la taxe sur les transactions financières, ne sont même pas mentionnées. Or, ces fonds publics internationaux sont incontournables pour financer les services essentiels, appuyer les Etats fragiles et sortir les plus vulnérables de la pauvreté.
Indispensable pour lever les milliers de milliards nécessaires pour le développement, le secteur privé est quant à lui fortement courtisé mais sans mesures précises d’encadrement ou de régulations. Enfin, malgré une forte mobilisation de la société civile, l’organisme onusien de règlementation fiscale ne sera pas mise en œuvre.
En marge de ces négociations officielles, plus de 200 side events (sessions parallèles) ont permis de présenter les principaux enjeux du financement du développement sous toutes ses formes. Parmi les investissements du développement aux plus forts potentiels humain et économique, le financement de la lutte contre la sous-nutrition a été l’objet de plusieurs annonces prometteuses.
Des avancées en faveur du financement de la lutte contre la sous-nutrition à concrétiser
La conférence a été l’occasion pour l’Union Africaine de lancer officiellement la « Stratégie régionale de l’Afrique pour la nutrition » pour accélérer la mobilisation en vue d’atteindre les cibles de l’Assemblée mondiale de la santé en matière de nutrition. La Banque Mondiale a quant à elle officiellement lancé son nouveau mécanisme de financement public-privé pour des programmes de santé à destination des mères et des enfants. Les engagements du Canada, de la Norvège, des Etats-Unis, du Japon ou encore de la fondation Bill & Melinda Gates s’élèvent à 1 milliard de dollars. Et chaque dollar investi est supposé lever 3 à 5 dollars de fonds privés. Une bonne nouvelle a priori pour les interventions nutritionnelles, qui figurent parmi les priorités de ce dispositif.
Ces nouveaux financements sont d’autant plus nécessaires si l’on veut réduire de 40% la sous-nutrition chronique dans le monde. De nouvelles évaluations estiment que 50 milliards de dollars seront nécessaires d’ici à 2025 pour atteindre cet objectif, et les bailleurs ont un rôle fondamental à jouer pour impulser au plus vite la mobilisation de nouvelles ressources.
Unitlife fait partie des moyens prometteurs dans la lutte contre la sous-nutrition. Cette initiative sera financée à partir d’une infime contribution sur les activités extractives (pétrole, gaz ou minerais). Le Mali est le premier pays à s’engager avec une taxe de 20 centimes pour chaque gramme d’or extrait, ce qui représente un potentiel annuel de 10 à 20 millions de dollars par an en faveur de la lutte contre la sous-nutrition. D’autres pays du Sud devraient prochainement s’engager, avant le lancement officiel d’Unitlife en septembre, lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
La France a les moyens de faire mieux
Quant à la France, elle est venue les poches vides. Certes, la Secrétaire d’Etat au développement Annick Girardin a rappelé l’importance d’accroitre l’aide publique au développement et les taxes de solidarité. L’enjeu du financement climat et notamment l’adaptation dans la perspective de la CoP 21 ont également été mentionnés. Mais cela peut paraitre incantatoire lorsque l’on sait que l’APD française a baissé de 20% depuis 2012 pour tomber à 0,36%, son plus bas niveau depuis 13 ans. Ces discours sans moyens ne suffisent plus à compenser la perte d’influence française dans le domaine du développement, où les financements et le soft power anglais ou allemand ont pris le dessus.
Sans renoncer à augmenter son APD et appuyer la mise en place d’une taxe européenne ambitieuse sur les transactions financières, la France a l’opportunité de corriger ces baisses en soutenant les pays du Sud dans le financement d’Unitlife. Le secteur des industries extractives compte plusieurs grandes entreprises françaises qui y contribuent fortement. A l’image du Mali, pourquoi la France n’utiliserait pas ce formidable gisement de financement pour accroitre son aide à la nutrition et ainsi redistribuer les bénéfices de ce secteur économique mondialisé au profit d’investissements à fort impact de développement ?
Pour en savoir plus
« Agir pour le développement, c’est investir dans la nutrition »
[1] Selon la revue des initiatives existantes produite par le Groupe pilote en 2014.