Pourquoi voudriez-vous qu'à l'heure où tout se paye je ne puisse grâce à mes bons revenus offrir à mes enfants un diplôme qui rapporte un bon job bien rémunéré ?
Tant que le fils de pharmacien (de notaire ou d'ingénieur « Grandes écoles » .. etc) peut tranquillement et raisonnablement espérer être pharmacien, parce que le nombre de pharmacies est en constante progression, le système de formation et de production des positions socio-professionnelles reste acceptable. En effet, quelques fils et filles de milieux défavorisés peuvent, sans gêner les classes favorisées, prendre les nouvelles places offertes.
Qui veut redescendre par l'escalier ?
Mais quand le nombre de « bonnes » positions socio-professionnelles plafonnent, voire diminuent, alors, pour que des enfants des classes « inférieures » puissent accéder à de bonnes places, il faut qu'un certain nombre d'enfants des classes supérieures redescendent par l'escalier... et c'est ce qui est tout à fait inacceptable, du moins pour ceux qui appartiennent à la classe des favorisés : Alors ils ne leur reste plus, pour contrer ce phénomène « malheureux » qu'à utiliser leur position sociale (et donc relationnelle) et leur puissance de frappe « financière ».
Il ferait beau voir tout de même qu'avec argent et relations on puisse tout acheter … sauf une bonne situation pour ses enfants :
Avouons-le, ce serait une incroyable exception à la règle, une intrusion anormale, quasi monstrueuse, de l'égalité de droit et de fait, une espèce d'ilot de « non droit » de l'argent dans un monde où il règne, et en plus dans un domaine très stratégique, puisqu'il s'agit du maintien de la situation sociale d'une génération à l'autre, bref de sa reproduction.
L'ascenseur en fonctionne plus pour les enfants des classes sociales supérieures ...
Tant que le système d'éducation et de formation n'a pas contesté trop fortement la reproduction des positions acquises sur le plan socio-professionnel, on pouvait continuer, qu'on soit de droite ou de gauche, à parler de la « promotion au mérite », de « démocratisation » de « l'égalité des chances ». Le développement économique autorisant une croissance des qualifications a pu permettre que fonctionne l'ascenseur social tirant vers le haut le plus grand nombre sans qu'il soit obligé d'en faire trop redescendre. Donc la « massification » de l'éducation des années 50 à 80 et surtout dans les années 60/70 n'a pas posé de problème et on a pu croire à une certaine démocratisation.
Mais dans les années 80, il est devenu impossible d'accepter le fonctionnement de l'ascenseur social, sauf à devoir admettre qu'il ne redescende plus à vide, mais chargé des fils et des filles des classes favorisées. Inacceptable !
… preuve que le système éducatif est a réformer !
Le phénomène à surtout touché les classes moyennes supérieures Du coup celle-ci c'est mis à contester le système éducatif. Les membres de cette classe ont la parole, osent la prendre, et leur analyse et des plus simples. Si nos enfants ne peuvent plus grimper dans l'échelle sociale, c'est que le système éducatif est « malade ».
Mais au lieu de le soigner, ils vont imaginer et/ou accepter les remèdes qui tuent le malade avec le mal dont il souffre.
Exemple de réforme … exemplaire : celle de la sectorisation
Souvenez-vous, la sectorisation ne fonctionnait pas parfaitement, victime essentiellement de l'aménagement du territoire en ghetto d'habitations. Il y avait donc des établissements défavorisés parce que fréquentés par un « surplus » d'élèves issus des classes défavorisées. Alors que faire ? Plutôt que de travailler sur la raison de fond qui pénalise la sectorisation, on supprime la sectorisation. Conclusion , c'est pire : l'écart entre les établissements se creusent évidemment, donc le phénomène empire et touche d'abord... ceux qui ne peuvent y échapper. En revanche, la classe moyenne supérieure espère pouvoir, en mobilisant quelque peu ses relations et ses moyens financiers, échapper aux méfaits de la sectorisation. Elle le croit, donc elle se tait et laisse passer la réforme.
Remettre l'argent en jeu comme moyen de sélection
Cet exemple est emblématique, il montre de quelle manière les classes favorisées, un moment menacées, entendent reprendre la main : Désormais toutes les « réformes » du système de formation ont un fil conducteur commun, une logique de fond qui est de remettre en jeu l'argent comme moyen de tri, de discrimination et in fine de sélection pour l'accès aux meilleures places socio-professionnelles.
Bien sûr le système « américain » est dans cette perspective un bon exemple à suivre, et les « réformes » une à une nous mettent sur son chemin, par petites touches successives, mais parfaitement bien coordonnées.
Conseil aux jeunes parents et futurs jeunes parents
Jeunes parents, vous qui n'avez pas de gros moyens et avez pourtant de l'ambition pour vos enfant, comme la plupart des familles américaines, ouvrez à chacun de vos enfants, dès leur naissance, un compte épargne «études ».
Pour un(e) futur(e) infirmier-ère provisionnez environ 30 000 €, pour un(e) futur(e) ingénieur(e), cela dépendra de l'école, comptez entre 50 000 et 150 000 €. Votre banquier vous dira combien mettre tous les mois sur ce compte. Ensuite si les prix n'ont pas trop changés, si la banque auprès de laquelle vous avez souscrit le compte épargne n'a pas fait de trop mauvaises affaires, vous pourrez espérer que vos enfants puissent faire les études que vous aviez prévues pour eux. Voyez, poue le conseil en orientation, votre banquier fera l'affaire !
Bien sûr vous pourrez emprunter au dernier moment de l'argent supplémentaire auprès de votre banque, d'ailleurs ce sera sans doute nécessaire, car ce que vous aurez provisionné ne suffira pas, à cause de l'inflation, etc. On vous prêtera à un taux , évidemment préférentiel, faites confiance à votre banquier !
Vous me direz que ça va mal tomber car votre retraite ne sera pas terrible, elle-même en baisse.
Ecoutez moi bien, dans ce cas, essayez de voir si vos enfants ne peuvent pas tout simplement faire des études d'employés spécialisés ? C'est quoi ? Exemple travailler à la caisse d'un supermarché avec de bons horaires, y compris le dimanche.
Encore que, ne fantasmez pas trop sur cet emploi, car d'ici là on aura bien, grâce à la puce implantée dans notre carte d'identité voire sur le dos de votre main, trouvé le moyen de vous faire passer devant une caisse totalement automatique.
Mais il y aura sans doute d'autres « nouveaux » emplois tout aussi intéressants que je ne peux hélas pas vous décrire, mais il y en aura... pas pour tous le monde sans doute, mais il y en aura. Ah, ne venez pas encore vous plaindre qu'il faudra peut-être se battre pour que vos enfants les obtiennent : enfin, pourquoi voudriez-vous que vos enfants échappent à la logique de la compétition et soient dispensés d'avoir à se battre pour avoir une place, quand même les enfants des couches supérieures de la société sont obligés eux aussi de se battre, avec les armes qui sont les leurs et celles de leur parents : l'argent. Normal, chacun se bat avec les armes dont il dispose, non ?
Aveugle ? Complice ? Plus dans la course ?
Ne pas examiner ce qui fondent les réformes du système d'éducation et de formation sous cet angle « financier » c'est me semble-t-il passer à coté du sujet, c'est faire preuve d'aveuglement ou de complicité. Ou simplement se croire encore dans la course !
Mais il faut ici faire une remarque navrante : les acteurs du système éducatif, les acteurs principaux de ce système appartiennent pour une part non négligeable à cette classe qui escompte par ses relations et ses moyens financiers faire que la sélection par l'argent ne les pénalise pas, voire les avantage. Ce fut d'ailleurs vrai, du moins jusqu'à un certain point. Nul n'ignore que les fils et filles de professeurs s'en sont toujours plutôt mieux tirés dans le système. Quand ce ne sera plus du tout le cas, il sera trop tard pour qu'une mobilisation de ces acteurs qui puisse encore sauver l'école républicaine, celle qui a (avait ?) pour ambition de redistribuer les position sociales.
Un système mûr pour être cueilli par la pieuvre de la finance
J'ose ici regretter que ces acteurs (les professeurs d'abord) aient manifesté une forme de conservatisme qui, les années passant, a fait que le système a muri de telle manière qu'il peut désormais être cueilli, réformes après réformes, par la logique de l'argent, par la finance devrais-je dire. Car il faut bien observer que parmi les gros budgets que la pieuvre de la finance espère capter dans les années qui viennent, celui de l'éducation et de la formation est l'un des 2 plus prometteur, l'autre étant le marché de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
NB Dans ces deux secteurs, on s'organise, on concentre, pour capter d'un coté les sommes mis en jeu par l'éducation et la formation des jeunes (environ 20 à 25 % des dépenses des ménages, si on ajoute les dépenses directes et celles indirectes provenant de l'affectation de l'impôt) et de l'autre la récupération de l'épargnes (fond de pension pour les retraites comprises) de ceux qui essaient de s'assurer une maison de retraite décente pour leur vieux jours. Le néo capitalisme financier a donc de beaux jours devant lui,
« Nous sommes tous des grecs » : même vous !
Mais peut-être la classe moyenne va-t-elle se réveiller, utiliser son bulletin de vote, faire de la politique et ne pas suivre simplement la loi de la finance, issue de pseudo lois de l'économie qui depuis le début des années 80 nous fait croire qu'il n'y a toujours qu'une seule solution, et qui bien que nous ayant conduit en face d'un mur 30 ans plus tard, insiste et persiste à nous expliquer qu'il n'y a toujours pas d'autres solutions.
En 1961, Kennedy a pu dire « je suis un berlinois » et plus tard en 1968 d'autres l'ont pastiché en criant « nous sommes tous des juifs allemands » plus tard encore nous avons ont pu entendre dire après le 11 septembre, « nous sommes tous américains ».
Je propose à la classe moyenne de ne pas trop se faire d'illusion et de se réveiller en clamant « nous sommes tous grecs ». Ceux qui rêvent encore de gagner le peloton des nantis à l'abri de tout, ou simplement qui espère encore rester dans la queue de ce peloton se font des illusions … l équipe financière du néo-libéralisme, bien dopée par les sacrifices du plus grand nombre, mène un train d'enfer en tête et va laisser au bord de la route le plus gros de la troupe, la classe moyenne et moyenne supérieur avec.
Ce n'est plus la peine de rouler pour la finance ! Vous ne faites pas ou plus partie de son monde. Réveillez-vous