Ce mardi soir, alors que je regardais l'interview de Jean-Luc Mélenchon par Bruce Toussaint sur une chaîne bien aimée des électeurs de gauche, je fut frappé par l'une des réflexions du journaliste :
JLM : Si les gens veulent voter blanc, ils en ont le droit.
BT : Vous pourrez vivre avec ?
Voilà sûrement le niveau le plus nauseabond de négation de la démocratie. Cet échange intervient après de longues minutes où l'éditorialiste a demandé à l'insoumis s'il "regrettait" le vote blanc, si le vote blanc ne risquait pas "d'avantager Marine Le Pen". Le député de Marseille fut donc culpabilisé de ne pas appeler à voter Macron mais de laisser le choix aux électeurs et pire encore, d'accepter que ceux-ci puissent voter blanc. Comment un journaliste se disant plutôt démocrate peut-il désirer culpabiliser ainsi le vote blanc, les Français sont-ils libres de leur choix ?
Des médias qui tirent tous dans le même sens
Nous sommes tombés bien bas. Les citoyens sont constamment appelés à voter pour Emmanuel Macron, que ce soit les médias de droite, du centre mais aussi de gauche. Ces derniers jours Médiapart tape fort - et de manière argumentée - sur Marine Le Pen. Ayant toujours voté à gauche, il m'arrive d'essayer de me mettre à la place des électeurs attirés par Le Pen. Sont-ils tous racistes ? Certains le sont, d'autres pas du tout. Pourquoi votent-ils alors pour une représentante d'un camp fasciste qui ne dit pas son nom ? Ils le font sûrement car c'est la manière la plus directe de manifester leur mécontentement.
Les politiques néolibérales menées depuis quarante ans ont touché fortement la population en créant une grande catégorie de perdants. Ces citoyens pouvaient avant se tourner vers une gauche radicale qui a disparue au moment où les hollandistes ont abandonné le camp des travailleurs. Oubliés et relégués pour beaucoup à une ruralité laissée à l'écart, leur choix se porte sur Marine Le Pen. Comment cela pourrait-il être autrement ?
Les abandonnés de la Mondialisation
Les médias dominants vantent en choeur les réussites du Président néolibéral alors que ces mêmes politiques aboutissent à l'abandon de leurs territoires. Habitant dans une petite commune d'un département rural, j'ai vu les maternités fermer, les médecins disparaître et ne prendre aucun nouveau patient, les entreprises partir emportant avec eux certains travailleurs et laissant la misère.
On a dressé alors un danger, la Gauche qui voudrait supprimer toute identité française, culpabiliser la France sur son passé, contraignant leur vie avec l'Ecologie et défigurant leurs campagnes avec les éoliennes.
Quel choix reste-t-il ? Le PS et LR ? Ils ont mené la même politique. Le seul choix est alors celui pour lequel il est dit qu'il ne faut jamais voter. Un peu lorsqu'on vous dit de ne surtout pas penser à un éléphant et que cette idée est omniprésente dans votre esprit. Quand on interdit quelque chose, il est évident que les citoyens vont se tourner vers ce choix.
La droite plus responsable que jamais
Les médias en l'interdisant ont nourri le vote FN (désormais RN). D'un côté ils l'ont interdit, de l'autre ils ont propagé les idées d'extrême droite matin, midi et soir. Ce glissement des idées d'extrême droite opéré par les médias a été suivi très largement par les politiques de droite. Plutôt que de dresser un projet philosophique et économique, la droite a suivi le sens du vent reprenant toujours plus les idées de l'extrême droite quitte à aller dans la caricature. Qui s'étonne aujourd'hui des positions d'Eric Ciotti si compatible avec Zemmour.
La chasse aux sorcières menées contre l' «islamogauchisme» est éclairante dans ce glissement. Un directeur de recherche du CNRS avait très bien montré comment ce thème avait émergé de l'extrême droite avant d'être repris par Les Républicains puis par une ministre ! Le thème ne prenant pas, le gouvernement Macron se tourna alors vers le «wokisme» danger tout aussi gazeux qu'invisible.
Il est tout à fait inutile de rappeler les propos du ministre de l'Intérieur sur Le Pen, d'évoquer l'attitude honteuse du gouvernement envers les migrants. Comment accepter que le bloc macronniste culpabilise la Gauche de peiner à voter pour le Président après tout cela ?
Conclusion : des médias et la droite dans le rôle des responsables
Car là est la vérité. Ce sont les médias dominants qui par leurs choix éditoriaux, leur dédiabolisation du FN qui ont provoqué cette montée de l'extrême droite. Ce sont ces hommes politiques de droite (de LR au PS hollandistes en passant par Macron) qui - en faisant les mêmes politiques néolibérales - ont poussé les électeurs les plus délaissés à exprimer leur colère via le vote FN. Ce sont enfin les électeurs qui votent pour ce parti fasciste - souvent sans en connaître le programme - qui sont responsables des résultats.
Soyons clairs. Si dimanche, Le Pen l'emporte, ce ne sera ni la faute des abstentionnistes, ni des votes blancs et nuls. Si l'extrême droite arrive au pouvoir ce sera la faute des médias, des politiques de droite et des électeurs frontistes.
Les premiers ont construit cette société de sondages qui limite le débat d'idées et transforme la démocratie en une course de petits chevaux.
Les suivants ont suivi le sens du vent (nauséabond) pour se maintenir au pouvoir.
Les derniers ne se renseignent pas et utilisent leur vote comme un marteau.
Le seul espoir des autres électeurs est une cohabitation avec une victoire de la Gauche aux législatives.