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Billet de blog 10 septembre 2024

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Insoumission poétique. Le surrealisme à Paris après 1969

A l'occasion du Centenaire du Surréalisme (1924-2024), cet article fait un bref récit des inventions et activités de surréalistes à Paris après 1969, année de la pretendue "dissolution" du mouvement.

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"INSOUMISSION POÉTIQUE".

 LE SURRÉALISME À PARIS APRÈS 1969

Michael Löwy

      Un récit s’est installé selon lequel le surréalisme est "mort" à Paris en 1969 : comme nous tenterons de le montrer dans les pages suivantes, le mouvement surréaliste est resté vitalement actif dans la capitale française depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui.  Nous ne proposons pas ici un essai universitaire, mais plutôt d'un récit personnel de certaines des activités les plus importantes du mouvement surréaliste à Paris depuis 1969.  Pour cette raison, il y a plusieurs références à mes propres activités après 1975, lorsque j'ai rejoint le groupe surréaliste. Elles se trouvent dans les notes de bas de page.[1] Le style non conventionnel et non académique de cet essai est un choix délibéré : le mouvement est vu de l'intérieur, au lieu d'une perspective plus objective et distanciée.  Mais comme je suis aussi un universitaire - directeur de recherche émérite au CNRS- cet autre personnage se glisse parfois dans le récit... 

      En 1969, quelques figures de proue du groupe surréaliste parisien, comme Jean Schuster, Gérard Legrand et José Pierre, décident que, compte tenu de la mort d'André Breton en 1966, il est préférable de dissoudre le groupe. Le 4 octobre 1969, Schuster publie dans le quotidien Le Monde un document intitulé Le Quatrième Chant, qui annonce solennellement la fin du mouvement surréaliste en tant qu'activité collective organisée. Cette conclusion est cependant rejetée par de nombreux autres surréalistes qui décident de poursuivre l'aventure. Vincent Bounoure prend l'initiative en écrivant en octobre 1969 une réponse à Schuster intitulée "Rien ou quoi". Tiré à cent exemplaires, le texte circule à Paris et à Prague et suscite de nombreuses réponses, le plus souvent positives, qui sont rassemblées en mars 1970 dans une brochure intitulée : "Pour communication : Réponses à l'enquête "Rien ou quoi ?".  Parmi ceux qui ont répondu favorablement au choix de poursuivre l'aventure, on peut citer Jean-Louis Bédouin, Jean Benoît, Guy Cabanel, Bernard Caburet, Jorge Camacho, Adrien Dax, Hervé Delabarre, Jean Pierre Guillon, Marianne Van Hirtum, Jehan Mayoux, Mimi Parent, Michel Zimbacca.  Il y avait également une réponse collective du Groupe surréaliste de Prague, signée par Vratislav Effenberger, Albert Marencin, Martin Stejskal, Ludvik Svab et d'autres. 

            Malheureusement, la plupart des comptes rendus académiques ou grand public sur le surréalisme prennent pour acquis que le groupe s'est dissous en 1969. Comme le fait remarquer Bounoure, les historiens ont essayé de décréter la fin du surréalisme pendant des années, même du vivant d'André Breton. Pour la plupart d'entre eux, le surréalisme n'était rien d'autre qu'une des innombrables avant-gardes artistiques, comme le cubisme ou le futurisme, qui ont eu une durée de vie très courte.

         Vincent Bounoure (1928-1996) est celui qui a donné l'impulsion à la nouvelle période d'activité surréaliste, et il est resté une figure inspirante jusqu'à son dernier jour. Poète doué et essayiste brillant, mais parfois difficile, il était, comme sa compagne Micheline, fasciné par l'art océanien de Nouvelle-Guinée. Il collectionna des statues, des masques et des objets des civilisations océaniennes et devint un expert de cet art, rédigeant des catalogues pour des expositions. Il a également écrit plusieurs essais sur l'art océanien. Pendant quelques années, les surréalistes se réunissaient à l'appartement des Bounoure : l'art océanien était partout, y compris une très longue pièce suspendue au plafond, où l'on se faisait souvent mal à la tête...[2]

       L'autre figure clé du groupe après 1969 fut Michel Zimbacca (1924-2021), poète, peintre, cinéaste et homme de charme. Son documentaire sur l'art sauvage, L'Invention du monde (1952), est considéré comme l'un des rares films véritablement surréalistes. Benjamin Péret a écrit le texte mytho-poétique qui commente les images. Bounoure et Zimbacca étaient le lien vivant entre le mouvement surréaliste de l'après-1969 et le groupe fondé par Breton en 1924.[3]

          Pendant plusieurs années, le groupe s'est réuni au Café La Tour Saint Jacques, situé juste en face de la Tour Saint-Jacques. On pense que Nicolas Flamel, le célèbre alchimiste du XIVe siècle, vivait à proximité avec sa femme Pernelle. La tour est devenue un symbole de l'alchimie et a donc eu une signification particulière pour les surréalistes.  

Au cours des réunions, les participants échangeaient des informations sur des publications, des expositions d'art ou des films ; la correspondance et les déclarations de groupe des surréalistes d'autres pays étaient discutés, de même que les revues surréalistes. L'une des activités principales était les jeux collectifs, tels que le cadavre exquis ou d'autres jeux nouveaux et inattendus. Les jeux et les initiatives collectives s'inspiraient du célèbre passage de Lautréamont : "La poésie doit être faite par tous. Non par un". Ce communisme de la poésie a été et reste un trait essentiel de l'activité surréaliste. 

 Par exemple, Michel Zimbacca a proposé un jeu qui a pris une place importante dans la réflexion des surréalistes dans les années 1970 : le jeu des contraires. Le premier joueur écrit une proposition, le deuxième écrit un énoncé complètement opposé, le troisième annule le deuxième, et ainsi de suite. Après plusieurs expériences avec ce jeu, Vincent Bounoure a écrit une réflexion philosophique et poétique sur sa signification. Cette signification va de la puissance de la négativité au caractère sacré de la transgression, du rôle de la contradiction chez Lautréamont à la signification de la négation dans la psychanalyse de Freud.[4]

Quand ils ne se réunissaient pas dans un café, selon la tradition, ou chez Bounoure et Zimbacca, les surréalistes parisiens se retrouvaient parfois chez moi, ou dans l'appartement de Marianne van Hirtum (1935-1988) à Montparnasse, où elle vivait en compagnie d'une étonnante collection de petits reptiles vivants. Poète, écrivain et peintre, Marianne van Hirtum avait rejoint le mouvement surréaliste en 1958, et elle était une présence très vivante et joyeuse dans le groupe. 

             Au cours des années 1970-1976, les surréalistes parisiens qui refusaient d'abandonner se sont regroupés - en étroite relation avec leurs amis de Prague - autour d'une modeste revue, le Bulletin de Liaison Surréaliste (BLS). Dans les dix numéros du BLS ont figuré, entre autres, les noms suivants : Jacques Abeille, Jean Louis-Bédouin, Micheline et Vincent Bounoure, Guy Cabanel, Bernard Caburet, Jorge Camacho, Aurélien Dauguet, Gabriel Der Kervorkian, Vratislav Effenberger, Marianne van Hirtum, Robert Lebel, Joyce Mansour, Jehan Mayoux, Georges-Henri Morin, Mimi Parent, Renaud, Franklin Rosemont, Ludvik Svab, Jan Švankmajer, Eva Švankmajerová, Jean Terrossian et Michel Zimbacca.

            Dans l'éditorial du premier numéro de la BLS, l'accent est mis sur l'anti-autoritarisme : la nécessité de créer "un climat de liberté totale", car "il n'appartient à personne de définir une 'ligne' surréaliste et encore moins d'en imposer le tracé. » (Bulletin de liaison surréaliste, 1977 : 2 ).[5] En lisant le Bulletin, on peut s'initier au jeu des contraires, aux récits parallèles. On participe aussi au débat sur le surréalisme et la révolution avec Herbert Marcuse. Parmi de nombreux autres joyaux, on trouve un article de l'anthropologue Renaud en soutien aux Indiens des Etats-Unis réunis à Standing Rock en juillet 1974.

        Dans le dernier numéro de la BLS, en avril 1976, une déclaration collective est publiée en faveur d'un jeune cinéaste surréaliste brésilien et militant revolutionnaire, Paulo Paranagua, et de sa compagne, Maria Regina Pilla, arrêtés en Argentine. Initié par les surréalistes, l'appel a été publié par Maurice Nadeau dans La Quinzaine Littéraire, et signé également par des intellectuels français de renom, tels que Deleuze, Mandiargues, Foucault et Leiris (BLS 10l (avril 1976) : 25).[6]

            Les surréalistes parisiens entretenaient des relations étroites avec le groupe de Prague, qui vivait dans une semi-clandestinité sous le régime stalinien imposé à la Tchécoslovaquie après l'invasion soviétique de 1968. En 1976, à l'initiative de Vincent Bounoure, les surréalistes de Paris et de Prague publient ensemble en France (Éditions Payot) un recueil d'essais, La Civilisation surréaliste, avec la collaboration de René Alleau, Jean-Louis Bédouin, Bernard Caburet, Vratislav Effenberger, Robert Guyon, Robert Lebel, Jean Markale, Renaud, Martin Stejskal et Jan Švankmajer. 

            Alors que Bernard Caburet dénonce la "civilisation excrémentielle" dans laquelle les êtres humains deviennent "les plus belles têtes du bétail économique pour les chambres froides du futur", Vincent Bounoure et Vratislav Effenberger affirment, dans un article commun ("De 24 à 75") que, contre "la résignation rationaliste et l'irrationalisme métaphysique qui continuent de rythmer l'action", le surréalisme appelle à "mettre fin aux effets dévastateurs du conflit entre principe de plaisir et principe de réalité"( Bounoure, ed.,  1976 : 26, 164-165).[7]      

        Alors que le BLS n'avait qu'une diffusion très limitée, en 1977-78, deux numéros d'une revue plus ample, intitulée Surréalisme, ont été publiés par Savelli. Surréalisme est joyeusement illustré de dessins et de peintures de Jacques Abeille, Karol Baron, Gabriel Der Kervorkian, Guy Hallart, Marianne van Hirtum, Albert Marencin, Pierre Molinier, Martin Stejskal, Jan Švankmajer, Eva Švankmajerová,  Philip West, Marie Wilson, et Halina Zelmanowicz.  On y trouve notamment un superbe texte de Joyce Mansour ("Le casier vierge ou la traversée de la Mer Rouge"), et des images du jeu des collages parallèles (réalisés à partir de stocks d'images identiques distribués aux participants). On n'oubliera pas non plus un débat entre Michel Lequenne et Vincent Bounoure sur "Perversion et Révolution" et l'invention, par Michel Zimbacca, de trente-six verbes d'amour  : "cosmordre", "asphojouir", "prismaginer", "soiffamer"...

            Peu après, les surréalistes de Paris et de Prague ont présenté une exposition commune, Le Collage Surrealiste en 1978, à la galerie Le Triskèle à Paris.          Peu d'activités publiques ont été organisées par le groupe de Paris pendant la période 1979-1989. Plusieurs membres s'éloignent et Jean-Louis Bédouin, qui avait joué un rôle important au début des années 70, quitte le groupe en raison de désaccords politiques (il s'est lassé des idées révolutionnaires). L'une des rares initiatives de cette période fut la réponse, en 1987, au philosophe Jürgen Habermas.   Habermas considèrait que la rébéllion surréaliste contre l'institutionnalisation de l'art avait échoué ; dans leur réponse, les surréalistes rappellent que le surréalisme ne se révolte pas seulement contre la condition institutionnelle de l'art, mais contre toutes les institutions dominantes de notre civilisation.  Quant à l’échec,  "tant que certains esprits obstinés refuseront de se soumettre au pouvoir total de la raison instrumentale, il sera trop tôt pour parler d'"échec" de la révolte surréaliste" (Löwy, 1986/87 : 503-505).[8]

            En 1990, un groupe de jeunes autour d'Alexandre Pierrepont décide de rejoindre le groupe surréaliste. Ils sont rejoints par deux autres personnes qui joueront un rôle très important dans les années à venir : la poète Dominique Massoni et le peintre, poète et essayiste Guy Girard. C'est un nouveau départ pour le mouvement. 

L'une des premières expressions de cette nouvelle période a été un tract intitulé "La femme de chambre et les policiers", datant de juin 1990. Le tract comparait deux événements survenus cette année-là : deux policiers qui avaient tué un étudiant (Malik Oussekine) lors des grandes manifestations étudiantes de 1986 et n'avaient été condamnés qu'à des peines avec sursis, tandis qu'une femme de chambre d'origine africaine qui avait tué le patron qui l'avait violée à plusieurs reprises, avait été condamnée à vingt ans de réclusion criminelle. Les surréalistes protestent contre une justice "aveugle à tout, sauf aux préjugés de classe, de race et de sexe ; et sourde à tout, sauf aux privilèges d'immunité de la police". Elle est signée par le groupe surréaliste de Paris, mais elle reçoit aussi le soutien du mouvement trotskiste issu de Mai 68 (Daniel Bensaïd, Alain Krivine), de la Fédération anarchiste (Maurice Joyeux), du mouvement féministe (Claire Bataille, Josette Trat) et de plusieurs intellectuels de renom (Etienne Balibar, Monique Gadant, Gilles Perrault, Chantal Rogerat parmi beaucoup d'autres) ("La Bonne et les gendarmes", 2011 : 45-46). L'auteur de la déclaration est Michel Lequenne (1921-2020), un dirigeant historique de la Quatrième Internationale (trotskiste), qui s'est intéressé toute sa vie au surréalisme et a rejoint le groupe dans les années 1970. Il était connu parmi ses camarades comme "le surréaliste du Comité central".

            Depuis 1924, le groupe surréaliste a toujours été très politique. Après 1969, cela reste vrai, mais cela ne veut pas dire qu’il a adhéré aux organisations politiques existantes. Quelques membres ont participé à des organisations trotskistes (Ligue communiste révolutionnaire, section française de la Quatrième Internationale), d'autres à la Fédération anarchiste ou à la CNT anarcho-syndicaliste. Mais la plupart des surréalistes parisiens n'appartiennent à aucune organisation ; l'esprit commun est anti-autoritaire et révolutionnaire, avec une tendance libertaire dominante. C'est cet esprit qui a inspiré leurs activités et les déclarations communes au cours de ces années. 

La même année, une  déclaration en soutien aux communautés indigènes Mohawk qui luttent pour leurs terres contre l'État canadien a été publiée. Plusieurs autres déclarations favorables aux mouvements indigènes veront le jour au cours des prochaines années. Ceci est bien sûr lié à la tradition anti-autoritaire et anti-colonialiste du mouvement, et à son rejet de la civilisation occidentale moderne. Cette empathie et ce vif intérêt pour la culture indigène sont  l'expression d'un état d'esprit romantique/révolutionnaire anticapitaliste : les surréalistes pensaient - comme le premier romantique, Jean-Jacques Rousseau, qui louait la liberté des Caraïbes - que l'on pouvait trouver dans ces cultures "sauvages" (les surréalistes n'aimaient pas le mot "primitif") des valeurs humaines et des modes de vie qui étaient, à bien des égards, supérieurs à ceux de la civilisation impérialiste occidentale. Les légendes, les mythes et les objets rituels de ces "sauvages" étaient très appréciés, non seulement par Vincent Bounoure et Michel Zimbacca, mais par l'ensemble du groupe surréaliste. 

                   Une autre initiative fut la publication du premier numéro du Bulletin surréaliste international à Stockholm, comprenant des contributions des groupes de Paris, Prague, Stockholm, Chicago, Madrid et Buenos Aires à une enquête sur la tâche actuelle du surréalisme. Le groupe de Paris insiste dans sa réponse sur le fait que "le surréalisme n'est pas un ensemble de recettes esthétiques ou ludiques, mais un principe permanent de refus et de négativité, nourri aux sources magiques du désir, de la révolte, de la poésie (...) Ni Dieu ni maître : plus que jamais cette vieille devise révolutionnaire nous semble pertinente. Elle est inscrite en lettres de feu sur les portes qui mènent, au-delà de la civilisation industrielle, à l'action surréaliste, dont le but est le réenchantement (et la réérotisation) du monde " (Girard, éd., 2011 : 58).

             Pour protester contre les célébrations pompeuses du cinquième centenaire de la soi-disant "découverte des Amériques" (1992), les surréalistes ont publié cette année-là le deuxième numéro du Bulletin surréaliste international, avec une déclaration commune signée par les groupes surréalistes d'Australie, de Buenos Aires, du Danemark, de Grande-Bretagne, de Madrid, de Paris, des Pays-Bas, de Prague, de São Paulo, de Stockholm et des États-Unis. Inspiré d'un essai écrit par notre amie argentine Silvia Grenier, ce document célèbre l'affinité élective du surréalisme avec les peuples indigènes contre la civilisation occidentale qui les a opprimés et a tenté de détruire leurs cultures. Le Bulletin est publié en trois langues - anglais, français et espagnol - par les surréalistes de Chicago, qui fournissent en couverture un collage de Franklin et Penelope Rosemont représentant Colomb en Père Ubu d'Alfred Jarry (Girard, éd., 2011 : 66).[9]

            Le même essai de Silvia Grénier a inspiré en 1993 une exposition collective du groupe parisien à la galerie du Sablier, sous le titre "Terre Intérieure". Plusieurs artistes sympathisants du mouvement ont participé à ces expositions ou aux revues publiées par les surréalistes : Jean Benoît, Mimi Parent, Aube Elléouët (fille de Breton), Jean Terrossian, Gabriel der Kervorkian ; quelques autres sont actifs dans le groupe lui-même : Michel Zimbacca, Guy Girard - de loin l'artiste le plus doué de la nouvelle génération - et deux merveilleuses femmes-artistes, Michèle Bachelet et Ody Saban.

      En mars de la même année, un groupe d'anciens surréalistes (dont Jean Bédouin et Gérard Legrand) a voulu célébrer la mémoire de Benjamin Péret au Centre Pompidou, en projettant  le film L'Invention du monde de Michel Zimbacca, dont le texte avait été écrit par Péret. Michel Zimbacca protesta, insistant sur le fait que Péret n'accepterait jamais un tel "hommage" sous le patronage de Pompidou. Les organisateurs décident néanmoins de montrer le film, après une table ronde de leur cru. Zimbacca et quelques autres membres du groupe surréaliste décident de saboter cette initiative inopportune en organisant un pique-nique sur la scène, en mangeant les plats préférés de Péret…

       Le soulèvement indigène de janvier 1994 au Chiapas, au Mexique, sous la direction de l'Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional (EZLN), est accueilli avec enthousiasme par les surréalistes. Marie-Dominique Massoni prend l'initiative, avec son ami Dominique Paul, de publier une vraie-fausse déclaration d'Octavio Paz en faveur des zapatistes. Paz, qui avait été un ami d'André Breton et avait participé à certaines activités surréalistes, était devenu un "libéral" tiède et avait publié en 1994 une déclaration contre le soulèvement du Chiapas. Le texte de Massoni a été composé à partir d'un recueil d'écrits subversifs antérieurs de Paz. Quelques mois plus tard, une déclaration collective des surréalistes parisiens (rédigée par moi) est publiée sous le titre "Viva Zapata" : Recettes de cuisine" :

Emiliano Zapata pourrait faire partie, comme Pancho Villa, du jeu de cartes surréaliste de Marseille. C'est parce qu'il représente le plus pur esprit d'insoumission, libre de toute compromission avec le pudding gluant de la raison d'État, ou la pâtisserie flasque de la merdonité.  (In Girard, 2011 : 88)

          À la même époque, le groupe surréaliste prend une initiative marquante : l'impression de quatre affiches - avec des dessins et des devises poétiques d'Aurélien Dauguet, Emmanuel Fenet, Guy Girard et Bertrand Schmitt - qui seront collées sur les murs de Paris. L'une d'entre elles affirmait : "Le merveilleux est sexuellement transmissible" (Girard, éd., 2011 : 90).

           Quelques surréalistes prennent l'initiative de lancer une enquête internationale sur "Le surréalisme et l'avenir de la révolution", qui aurait dû devenir un troisième bulletin international. Le bulletin ne parut pas, mais les Parisiens répondirent par une déclaration collective signée par Luc Barbaro, Anny Bonin, Thérèse Boujon, Vincent Bounoure, Jean Christophe Belotti, Philippe Clérambault, Aurélien Dauguet, Gabriel Der Kervorkian, Guy Girard, Jean-Pierre Guillon, Michel Lequenne, Michael Löwy, Marie-Dominique Massoni, Thomas Mordan, Emmanuel Fenet, Alexandre Pierrepont, Dominique Paul, Ody Saban, Bertrand Schmitt, Daniel Vassaux et Michel Zimbacca. Il appelle à un " mouvement libre et harmonique vers une civilisation de l'attraction passionnée " et ajoute : " l'utopie révolutionnaire est l'énergie musicale de ce mouvement " (Girard, éd., 2011 : 121).

            En septembre 1995, une autre exposition collective a lieu : au local du mouvement anarcho-syndicaliste CNT (Confédération Nationale du Travail), sous le titre "La marelle de la rébellion". Quelques mois plus tard, les surréalistes participent à un colloque organisé par l'éditeur anarchiste Atelier de Création Libertaire dans la ville de Grenoble. Ces événements et d'autres encore témoignent des relations étroites qu'entretiennent les surréalistes parisiens avec les représentants d'une tradition révolutionnaire anti-autoritaire.

       Malgré cet accord commun sur les perspectives révolutionnaires, Alexandre Pierrepont et plusieurs autres jeunes quittent le groupe, professant des désaccords personnels, politiques et philosophiques avec les autres membres (certains de ces transfuges reviendront plus tard). Quelques mois plus tard, en janvier 1996, Vincent Bounoure, qui avait été l'âme du surréalisme parisien pendant des décennies, décède. Une déclaration collective rend hommage à sa contribution : "Si le talisman surréaliste est encore actif, c'est grâce à l'obstination indomptable d'un poète" (Girard, éd., 2011 : 118).[10]  C'est une lourde perte, mais avec l'aide de Michel Zimbacca, la jeune génération a pu poursuivre le mouvement collectif.

        Parmi les nouveaux venus dans le groupe en 1996, il faut mentionner Joël Gayraud, poète, philosophe et essayiste, qui avait été proche du mouvement situationniste pendant un certain temps, mais avait décidé de rejoindre les surréalistes. Admirateur des anciennes cultures païennes et ennemi juré de toutes les religions, Joël est un héritier moderne de la tradition anticléricale du surréalisme. Sa première contribution fut une pièce frappante, en 1997, contre la visite du pape Wojtyla en France, écrite en latin, une langue qu'il maîtrisait parfaitement. Le titre était Peregrinatur Foetidas Sua (Les voyages de Sa Puanteur) et la conclusion était la suivante : "Nobis vobisque sit gaudium et fervida ration affirmandi universum ab inutile notione Dei liberum" (Pour nous, pour vous, le plaisir et la raison brûlante de proclamer un monde émancipé de l'inutile idée de Dieu). Elle fut publiée en français par le Journal Chimères ; la version latine - la première dans une telle langue dans l'histoire du surréalisme - fut faxée au Vatican… (Girard, éd., 2011 : 134-135)

        En été 1997, les surréalistes parisiens ont participé à une exposition organisée au siège de la CNT à Barcelone, par la Fondation d'études anarcho-syndicalistes. Au nom des surréalistes, Marie-Dominique Massoni et Guy Girard rédigent un document, Insoumission poétique : "Notre venue à Barcelone a pour nous un fort poids émotionnel. Ascaso, Durruti, Péret ont toujours été nos compagnons d'espérance" (Girard, éd., 2011 : 145).

     Une nouvelle revue est apparue en 1996 appelée SURR. Surréalisme, Utopie, Rêve, Révolte, qui sera publiée jusqu'en 2005, avec cinq numéros au total. Durant cette décennie, Marie-Dominique Massoni, poète, astrologue, franc-maçonne et anti-autoritaire (elle est passée du trotskisme à l'anarchisme), a été, avec l'aide de Guy Girard et de Michel Zimbacca, la principale rédactrice de la revue et la principale initiatrice des activités du collectif. Les numéros de la revue traitent de sujets tels que "la géographie passionnelle", "la transmutation du langage", ou "le corps et la volupté".  Les cinq numéros de SURR ont été abondamment illustrés par des œuvres de Jorge Camacho, Guy Girard, André Bernard, Kathleen Fox, Katerina Pinosova, Eva Švankmajerová, Peter Wood, Jean Terrossian et bien d'autres.

            En 1999, le groupe surréaliste a participé à une grande exposition surréaliste internationale à Prague, la première depuis 1968. Sous le titre "Sacrilège", elle a eu lieu devant le Château de Prague, malgré les protestations de plusieurs institutions religieuses et/ou conservatrices. Elle fut l'occasion d'une rencontre entre les groupes surréalistes de Prague, Paris, Madrid, Leeds et Stockholm. Il y a eu un échange d'opinions sur "le pouvoir des images",  et il a été décidé qu'un nouveau Bulletin surréaliste international les recueillerait. Cela n'a pas eu lieu, mais les réponses ont été publiées dans un numéro spécial de la revue surréaliste tchèque Analogon.[11]

            Depuis son renouveau en 1970, le groupe surréaliste de Paris a toujours eu une relation très forte avec le groupe de Prague ; mais il y a eu aussi des échanges animés et des rencontres personnelles avec les surréalistes de Madrid, Stockholm, Leeds et Chicago. Le groupe de Paris n'avait pas la prétention d'être le "centre" du mouvement surréaliste mondial.[12]

       Le Musée d'art moderne de Paris (Centre Georges Pompidou) a ouvert une grande exposition d'art surréaliste au printemps 2002, sous le titre "Révolution surréaliste". L'exposition n'avait en fait aucune signification "révolutionnaire" et tentait de présenter le surréalisme comme une expérience purement "artistique", utilisant de "nouvelles techniques". À l'entrée du musée, les visiteurs pouvaient prendre gratuitement un dépliant de quatre pages, qui expliquait que "le mouvement surréaliste voulait prendre une part active à l'organisation de la société" - quoi que cela veuille dire - et qu'il avait une grande influence sur "la publicité et les vidéoclips". Agacé par ce conformisme, Guy Girard propose au groupe surréaliste de Paris de préparer un tract alternatif, sur un même 4 pages, avec des lettres similaires, mais un contenu complètement différent : le surréalisme y est décrit comme un mouvement révolutionnaire dont l'aspiration à la liberté et l'imagination subversive visent à "abattre la domination capitaliste" ; le tract est illustré d'images de femmes artistes - comme Toyen ou Leonora Carrington - quasiment absentes de l'exposition, ainsi que d'une photo historique datant de 1927 :  "Notre collaborateur Benjamin Péret insultant un prêtre". Les membres du groupe ont ensuite soigneusement déposé une pile du dépliant surréaliste sur le dépliant "officiel", afin que les visiteurs le prennent en main. Le plus drôle, c'est que les commissaires de l'exposition, interpellés par le tract surréaliste, ont retiré leur propre pièce futile, et l'ont remplacée par une nouvelle, qui tentait de prendre en compte le fait que le surréalisme était un mouvement subversif anti-autoritaire qui dénonçait "la famille, l'église, la patrie, l'armée et le colonialisme" (Girard, éd., 2011 : 172-174).[13]

        Au printemps 2003, George Bush déclenche la deuxième guerre du Golfe en envahissant l'Irak. Les surréalistes parisiens ont réagi en lançant un ultimatum à Bush, reproduisant, dans un style parodique, le propre ultimatum de Bush au dirigeant irakien.  Nous reproduisons ici ce petit morceau d'humour noir surréaliste anti-autoritaire :

LE PEUPLE AMÉRICAIN MÉRITE D'ÊTRE LIBÉRÉ DE LA TYRANNIE

Ultimatum du surréalisme international

Télégramme à M. George W. Bush

Président des États-Unis d'Amérique

Washington

                Cher Monsieur Bush

               Considérant que :

1) Votre pouvoir est illégal et tyrannique, puisque vous n'avez pas été élu démocratiquement par la majorité du peuple américain ;   2) Vous possédez des armes de destruction massive (nucléaires, chimiques et biologiques) que vous refusez de détruire ;  3) Vous n'acceptez pas de désarmer ou d'être surveillé par les inspecteurs de l'ONU ;  4) Vous bombardez et envahissez d'autres pays au nom de la "guerre préventive" et constituez donc une menace pour les peuples du monde.

       Nous, surréalistes de différents pays, solennellement réunis en Assemblée générale, vous donnons quarante-huit heures pour abandonner le pouvoir et quitter les Etats-Unis. Vous êtes encerclés par nos forces et n'avez aucune chance. Rendez-vous et nous vous garantissons la vie sauve et l'asile politique en Afghanistan.

18.III.2003

Surréalisme international

       Ce tract était illustré par un puissant collage, Destruction of a Map, de Haifa Zangana, artiste surréaliste irakienne vivant à Londres. Il a été distribué lors des manifestations contre la guerre dans les rues de Paris. Il a également été publié dans le quotidien Le Monde et dans le mensuel anarchiste Le Monde libertaire (Girard, éd., 2011 : 197).[14]

        Un soulèvement populaire a eu lieu en 2006 dans la ville d'Oaxaca, où une coalition de communautés indigènes, de syndicalistes et d'enseignants a pris le pouvoir. Cette "Commune de Oaxaca" a été de courte durée, mais la lutte s'est poursuivie pendant une longue période. Au printemps, j'ai envoyé un message personnel de solidarité à l'Association des peuples de Oaxaca, avec le soutien de mes amis du groupe surréaliste. Il se terminait par ces mots : "Renouvelant la lutte de Zapata et Villa, vous êtes la pointe de diamant du rêve, la pointe d'obsidienne de l'utopie, la pointe d'émeraude de la rébellion". La lettre a été traduite au Mexique par les partisans du mouvement de Oaxaca (Girard, éd., 2011 : 244).

        Les différents tracts et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste ont finalement été publiés dans le livre Insoumission Poétique : Tracts, affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste 1970-2010. Guy Girard a édité le livre, rassemblé le matériel et les illustrations, et rédigé une brève présentation pour chaque document. Massoni a rédigé une brève introduction historique. Le livre a été partiellement traduit en russe et en portugais. 

       Peu après, Massoni décide, pour des raisons personnelles, de quitter le groupe mais des nouveaux venus arrivent. Parmi eux, deux femmes remarquables : la jeune philosophe et poète Sylwia Chrostowska, et l'artiste Virginia Tentindo, née en Argentine mais vivant en France depuis 1953, internationalement connue pour ses sculptures érotiques.[15]

        Entre 2019 et 2022, trois numéros d'une nouvelle revue parisienne ont vu le jour : Alcheringa : Le surréalisme aujourd'hui. " Alcheringa " est un mot issu d'une langue aborigène d'Australie, signifiant " Le temps des rêves ", mentionné par André Breton dans son essai Main première (1962). Les trois numéros d'Alcheringa contiennent des poèmes, des jeux collectifs, des déclarations collectives, des essais, et sont richement illustrés par des œuvres, entre autres, d'Elise Aru, de Michel Zimbacca (décédé en 2021), de Virginia Tentindo, de Guy Girard, de Sylwia Chrostowska, de Yoan Armand Gil, de Michèle Bachelet, de Rik Lina, de Ludwig Zeller, d'Ody Saban, de John Welson et de Massimo Borghese. Dans l'éditorial du premier numéro, Guy Girard rappelle l'opposition surréaliste à la civilisation capitaliste, à toutes les religions, au pouvoir de l'État, au patriarcat et à "un mode de pensée qui, déchiré entre le délire irrationnel et la rationalité instrumentale superficielle, a toujours combattu l'imagination créatrice" (Alcheringa 1, 2019 : 1-3).[16] Et dans un essai du troisième numéro, Sylwia Chrostowska définit le surréalisme comme un "art du rêve", un art qui inclut non seulement les rêves nocturnes mais aussi les rêves utopiques (Chrostowska, 2022 : 2-5)

        Cent ans après le Premier Manifeste d'André Breton, pourquoi le surréalisme est-il toujours d'actualité ?   Tant qu'il y aura des gens, quelque part dans le monde, qui croient en la nécessité de transformer le monde (Marx) et de changer la vie (Rimbaud) - comme le soutenait Breton en 1935 - le surréalisme sera d'actualité.

(Paru dans Contretemps, N° 62,  Juillet 2024)

Références

Alcheringa 1 (janvier 2019):1-3.

"La Bonne et les gendarmes" (1990), Insoumission Poétique : Tracts, affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste 1970-2010, ed. Guy Girard, Paris, Le Temps des Cerises, 2011, 45-46.

Bounoure, Vincent. "Rien ou quoi ?", Moments du surréalisme, Paris, L'Harmattan, 1999, 30-58.

Bounoure, Vincent. Le Surréalisme et les arts sauvages (Paris : L'Harmattan, 2001).

Bounoure, Vincent. Visions d'Océanie (Paris : Dapper, 1992).

Bounoure, Vincent, éd. La Civilisation Surréaliste (Paris : Éditions Payot, 1976,). 

Breton, André. Manifestes du surréalisme (Paris : Gallimard, 1967).

Bulletin de liaison surréaliste, ré-édition intégrale 1970-76 (Paris : Savelli, 1977). 

Chrostowska, Sylwia. "Ni Commencement, ni Commandement, Juste un Rêve", Alcheringa 3(2022) : 2-5.

Girard, Guy, ed. Insoumission Poétique : Tracts, affiches et déclarations du groupe de Paris du mouvement surréaliste 1970-2010, Paris, Le Temps des Cerises, 2011.

Habermas, Jürgen. "Questions et contre-questions", Praxis International, vol. 4, n° 3, (1984) : 229-249.

Löwy, Michael. "L'oiseau hermétique : Surrealists' Answer to Jürgen Habermas", Praxis International, vol. 6, n° 4, (1986/87) : 503-505.

Löwy, Michael. Etoile du matin.  Surréalisme et marxisme,  Paris,  Ed. Syllepse,  2000.

Löwy, Michael. "Savage Art : L'Invention du monde de Michel Zimbacca", Surréalisme and cinéma after 1945 : Absolutely Modern Mysteries, eds. Kristoffer Noheden et Abigail Susik (Manchester : Manchester University Press, 2021), 43-53.

[1]   J'ai publié quelques livres sur le surréalisme : Morning Star.  Surrealism, Marxism, Anarchism, Situationism, Austin, Texas University Press, 2009 et La comète incandescente. Romantisme, surréalisme, subversion , Orange, Editions le Retrait, 2020 ; récemment est sorti au Brésil un recueil de mes dessins et collages, Luz Negra, Sâo Paulo, Editora cem cabeças, 2023.  

[2] Dans un hommage publié après sa mort, j'ai écrit : "Pendant quarante ans, Vincent Bounoure a incarné le refus du surréalisme de s'accommoder, de se réconcilier avec le monde ou de disparaître." (Löwy, 2009 : 83).

[3] J'ai publié un article sur le film de Zimbacca : Löwy, 2021.

[4] Voir le Bulletin de Liaison Surréaliste (BLS) n°1 (novembre 1970) : 5, et n°4 (décembre 1971) : 22-31.

[5] J'ai organisé la réédition du BLS en 1977 et rédigé une courte introduction : "par son rêve libertaire de subversion totale de l'être social, l'art surréaliste dépasse les limites de l'esthétique pour devenir une Weltanschauung (vision du monde), un mode de vie, un projet de civilisation. »

[6] Le couple brésilien a été libéré en janvier 1977 après avoir été torturé par la police argentine. J'ai rencontré Vincent Bounoure et les surréalistes parisiens pour la première fois en 1975, alors que j'essayais d'organiser une campagne pour Paranagua.  Nous sommes devenus amis et Bounoure m'a invité à venir aux réunions du groupe surréaliste au café. 

[7] J'ai publié une critique de ce livre dans l'hebdomadaire (trotskiste) Rouge en juin 1976 : "Ce livre manifeste toute la diversité, la richesse et l'inspiration libertaire du message surréaliste. C'est avant tout une protestation passionnée, une déclaration d'"écart absolu" (expression de Fourier citée par Breton) à l'égard de la civilisation capitaliste-industrielle et de sa vision mercantile, rationnelle-positiviste".

[8] Ce tract (écrit par moi) a également été signé par les surréalistes de Paris, Prague et Buenos Aires. 

[9] J'ai rencontré Silvia Grénier, la principale anima du groupe de Buenos Aires, lors d'un séjour en Argentine dans les années 1980, et nous sommes devenues amies. J'ai été profondément impressionné par un essai contre le colonialisme occidental qu'elle avait écrit, "Tierra Adentro" (Terre intérieure). J'ai proposé de prendre cet essai comme base de notre déclaration commune en 1992, et j'ai élaboré une version abrégée et révisée, qui a été adoptée sous le titre "1492-1992. Tant que les voyeurs parviendront à se substituer aux voyants".

[10] J'étais devenu l'un des amis les plus proches de Bounoure. Le groupe surréaliste m'a demandé d'écrire cet hommage.

[11] Lors de la réunion, qui s'est déroulée dans un café de Prague, j'ai proposé un jeu à propos  d'une bête mythologique brésilienne : "la mule sans tête qui crache du feu par les narines", et chaque participant a ajouté un dessin sur une grande feuille de papier, représentant le monstre.

[12] J'ai développé des étroites relations personnelles avec des surréalistes de Chicago (Franklin et Penelope Rosemont), d'Athènes (Nikos Stabakis), de Madrid (Eugenio Castro), de São Paulo, au Brésil (Sergio Lima, Alex Januario) et de Buenos Aires  (Silvia Grénier) ;  lors de mes visites dans ces pays, j'ai participé aux activités des groupes surréalistes locaux. 

[13] J'ai écrit un article racontant cette histoire, qui a été publié par Le Monde, en avril 1999 : "La révolution surréaliste est-elle soluble dans la cire des musées ? ».

[14] J'ai écrit l'article, qui a été approuvé par le groupe. Le rédacteur en chef du Monde était Edwy Plenel, un ancien trotskiste qui avait de fortes sympathies surréalistes. Peu après, il a été contraint de démissionner du journal. 

[15] Un film sur la vie et l'œuvre de Virginia Tentindo a été réalisé par Fabrice Maze (monteur, Jean-François Rabain) en 2010 : Minimes innocentes, et un livre richement illustré par Christophe Dauphin et Odile Cohen-Abbas a été publié en 2021 : Virginia Tentindo : Les mains de feu sous la cendre (Les Hommes sans Epaules). Les essais philosophiques de Sylwia Chrostowska, tels que Utopia in the Age of Survival : Between Myth and Politics (Stanford : Stanford University Press, 2021) ne sont pas sans lien avec sa sensibilité surréaliste.

[16] Mes contributions à Alcheringa  :  un bref article sur le Chiapas et le Rojava, "une constellation rouge et noire" dans Alcheringa 1 (2019), un essai sur le surréalisme et l'écologie, inspiré d'un célèbre tableau de Max Ernst, Le Jardin gobe avions dans Alcheringa 2 (2021),  un article sur les nouveaux visages du fascisme dans le monde, "Le Père Ubu est de retour" dans Alcheringa 3 (2022) et un essai sur les affinités entre l'alchimie et la kabbale dans Alcheringa 4, ( 2023).

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