Hurlement intérieur.
Ce sont ces deux mots qui caractérisent le mieux ce que j'ai pu ressentir à la lecture des articles de Mediapart sur le cri d'alarme des équipes médicales à Gaza. La sensation d'avoir du mal à respirer aussi, d'étouffer. Et ce hurlement intérieur face à l'horreur, face à ce génocide devenu possible grâce à la complicité de ces pays dits riches, développés, civilisés. Notre complicité. Notre complicité ? Je ne me sens pas complice. Qui le serait ? A minima notre cher gouvernement et président qui clament leur soutien à ce gouvernement Israélien fasciste et criminel, invoquant leur droit à se "défendre" et qui n'a pas même la décence d'appeler à un cessez-le-feu. Ce gouvernement qui est censé nous représenter. Voilà qui me révulse, me révolte. J'en arracherai des pavés en hurlant, comme un exutoire, l'exutoire de ce crime contre l'humanité qui m'est insupportable. Les mots ne suffisent d'ailleurs plus. J'aimerai pouvoir HURLER. HURLER. HURLER. Hurler de toute la force de mes poumons, à me les arracher ; hurler pour me libérer de tout ce qui est enfoui en moi ; hurler pour tout ce peuple martyr qui a toutes les raisons d'hurler mais qu'on bâillonne si ce n'est à l'échelle internationale du moins en Europe et a fortiori en France.
Pas complice, mais responsable. Comme tout citoyen français. Et cette responsabilité me fait hurler elle aussi. Qu'ai-je fait pour les palestiniens depuis mes 13-14 ans et cet âge auquel je voyais pour la 1ère fois de ma vie les images de Gaza se faire bombarder, avec son cortège de morts, d'enfants tués, blessés, mutilés ? Qu'ai-je fait depuis cet âge où je m'étais juré de les aider ? Rien. Rien. Rien.
Pire. Je les ai oubliés. J'ai détourné la tête, me suis caché les yeux et me suis enfermé dans ce monde virtuel et cette société du divertissement. Moi qui recopiait pourtant sur Facebook à mes 17-18 ans cette phrase d'Hegel, restée enfouie quelque part en moi : « Pour rendre supportable la douleur infligée par le spectacle de la misère et de la guerre, ou pour nous arracher à son emprise, nous nous disons : « il en a été ainsi ; c'est le destin ; on n'y peut rien changer » et fuyant la tristesse de cette douloureuse réflexion, nous nous retirons dans nos affaires, nos buts et nos intérêts présents, bref, dans l'égoïsme qui, sur la rive tranquille, jouit en sûreté du spectacle lointain de la masse confuse des ruines. ».
A minima, je me serai trouvé des excuses si notre gouvernement avait protesté contre ce génocide méthodiquement orchestré. Mais non. Et ma responsabilité individuelle n'en est que plus grande, mon hurlement intérieur que plus déchirant. Ce hurlement qui exprime toute la dissonance de ma situation personnelle et de mon environnement. Une vie de bourgeois préoccupé par son travail et ses propres peurs, entouré de gens qui se plaignent des 3 dernières semaines de pluies, décrites comme un "enfer". "C'est l'enfer", "mais quel enfer", "c'est vraiment l'enfer". Combien de fois entends-je ce genre d'expressions devenues à la mode et utilisées pour tous les misérables problèmes du quotidien ? Elles me donnent envie de hurler. Non, l'enfer c'est à Gaza. Dissonance totale. Dissociation totale. Il y a le moi du bureau. Le moi à la maison qui tente de faire bonne figure. Et le moi qui hurle.
Mais assez de hurlement intérieur. Il est grand temps de sortir de l'inaction, de l'apathie et de ce rôle insupportable de spectateur torturé. Il est grand temps de prendre ses responsabilités de citoyen français. À commencer par lire, écrire, parler, manifester. Voilà qui sera l'expression positive et constructive de ce hurlement intérieur. Et parce qu'essayer de faire taire ce hurlement, de le cacher, de l'étouffer, c'est sombrer. C'est laisser les ténèbres se faire et s'assombrir avec. C'est devenir aussi sombre que les ténèbres elles-mêmes. C'est laisser ce gouvernement français complice et lâche gagner. Et ce n'est pas aider les palestiniens.
Ô vous, palestiniens. Pardonnez-moi. Aujourd'hui j'ai honte de ma France, honte plus que tout de son gouvernement et honte de son peuple plus prompt à manifester pour sa retraite que contre le génocide d'un peuple frère. Mais une minorité est là qui vous reconnait dans votre existence et votre souffrance. Il faut s'y raccrocher.