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Billet de blog 11 novembre 2023

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Silence.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Silence.

Après le hurlement, le silence.

Silence de sidération. Silence d'abattement. Silence face à notre propre vacuité. Silence face à notre propre impuissance. Silence face à notre confusion intérieure. Silence face à la multitude des émotions qui nous traversent, nous assaillent, nous hantent. Silence face à la dissonance de nos vies et de celles qui se perdent là-bas. Silence pour eux. Silence, silence, silence.

Oui, silence. Mais silence nécessaire, à bien y réfléchir.

Face à la cacophonie générale, face au vacarme assourdissant des réseaux sociaux et des médias, face à cette surinformation, désinformation, propagande des uns, propagande des autres, silence.

Silence, silence, silence !


Je m'interroge sur mon rôle à jouer, ma place et mes responsabilités à prendre, face à la catastrophe en cours. Comme beaucoup, me voilà pris au piège de cette "surinformation" et de tout ce qu'elle provoque d'émotions en moi, dans un mouvement d'oscillations entre révolte et abattement. Il y a la tentation de céder à l'impuissance ; d'aller chercher l'oubli par les mille façons qu'offre notre société, notre système. De tourner la page, de fermer les yeux. Mais je ne peux pas, je ne peux plus. La responsabilité est trop grande. Alors il faut lutter. Comment ? Que faire ?

Le 1er réflexe est d'aller "consommer" de l'information. Voilà qui est tout naturel. Elle est si abondante, si facile à trouver cette information. Moins facile à vérifier, retenir, digérer. Et puis voilà : en consommant cette information, on en vient à souffrir et une part de nous se complaît dans cette souffrance : "je souffre un peu moi aussi face à cette souffrance générale, me voilà solidaire".

Mais malheureusement, voilà qui n'avance à rien. Je souffre mais ceux qui souffrent vraiment souffrent toujours. Et plus je souffre, plus ma propre souffrance me devient intolérable, ingérable, n'aide toujours pas ceux qui souffrent là-bas et me remet droit au mur devant la question initiale : que faire pour ne pas détourner la tête sans devenir fou, sans sombrer dans l'impuissance ?

Une seule voie s'offre à moi : celle du combat intérieur, contre moi-même. Il faut s'affronter soi-même. La paix me paraît maintenant un équilibre fragile qui aurait le paradoxe de devoir se conquérir et se maintenir par le combat, a minima le combat contre soi-même.

Aujourd'hui, je me bats contre cette pulsion à vouloir consommer de l'information en continu toute la journée. Si j'y cède, je lis des dizaines d'articles de presse dans la journée, y passe des heures, regarde des dizaines de vidéos youtube dans la journée, y passe des heures. Et c'est sans compter les heures de travail, les heures dédiées à la famille et les heures de tout autre responsabilité de la vie quotidienne à laquelle on ne peut échapper.

En cédant à ce déluge d'informations, c'est l'insomnie, la crise de panique et l'impuissance assurées. Et l'amer constat venu le lendemain au réveil de se dire : "qu'ai-je lu, vu et appris hier ? Je ne sais plus."

Pareil train de vie ne se maintient pas sur la durée. Voilà qui n'aident pas ceux là-bas. Et voilà qui fait gagner les forces des ténèbres, de la guerre et de l'obscurantisme.

Résister de notre côté, c'est d'abord résister à ce flot continu d'informations et cette tentation de s'y noyer. C'est se donner une rigueur, une discipline quant à la façon dont on s'informe. Je ne dis pas qu'il ne faut pas s'informer, bien au contraire ! La paix se conquiert et se maintient par la connaissance éclairée et éclairante. Informons nous donc dans un objectif de clarté, de discernement, de compréhension globale et approfondie, et de façon à en ressortir un peu plus armé pour combattre la propagande, l'inaction et l'impuissance.

Et pour ce faire, pas meilleur moyen que de cultiver le silence de façon à digérer l'information, la mettre en doute si besoin, la retenir, accueillir les émotions qu'elle pourrait soulever, et se demander comment l'utiliser pour paver le long et difficile chemin vers la paix. Pour ma part, je cultive ce silence en marchant. De façon à échapper à ce piège de l'instantanéité dans lequel nous pousse le système actuel. Piégés dans l'instant présent, sans passé ni futur, nous ne sommes plus que bêtes asservis à la merci de ce système qui fonce vers sa propre destruction.

Silence !

(Mais pas trop quand même : amis humanistes, il est de notre responsabilité d'aller manifester pour ce CESSER LE FEU.)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.