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Billet de blog 28 novembre 2023

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Pour la paix

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est l'histoire de deux femmes, de deux mères, qui se connaissent depuis maintenant 23 ans, ont vu certains de leurs enfants grandirent ensemble, s'apprécient mutuellement et partagent peut-être ce qu'on peut appeler un lien d'amitié. Tout du moins, un lien d'humanité.

Ces deux femmes, ces deux mères, se retrouvent après quelques mois sans s'être côtoyées, pour une promenade en pleine nature, au milieu des vignes, sans la moindre voiture. Mamans bavardes, elles rattrapent le temps perdu, se racontent leur vie mutuelle, ce que deviennent les enfants, les uns, les autres. Quand soudain...

"- ... ton fils continue d'aller si souvent à la montagne ?

- eh non, plus en ce moment. Il est occupé à manifester pour les palestiniens chaque week-end maintenant, tu sais.

- ah."

Réponse inattendue. Gêne de l'une. Puis gêne de l'autre. Silence embarrassant. Malaise. Changement de discussion.


Je suis le fils en question. Et ce silence me fait mal. Il me fait mal parce que plein de sous-entendus se cachent derrière lui. Des sous-entendus que je m'imagine et que je m'imagine à cause du climat délétère qui règne aujourd'hui en France. Parce que je soutiens les palestiniens, serai-je devenu la victime d'une propagande islamiste ? Serai-je devenu un terroriste ? Serai-je devenu antisémite ? Contre les juifs ? Pour leur extermination ?

Voilà les sous-entendus qui peuplent mon imaginaire face à ce silence embarrassé. Mais peut-être que c'est simplement mon imaginaire.

Toujours est-il que ce silence m'oblige à clarifier ma position, mes revendications. Celles d'un citoyen d'humanité, pour l'humanité. Pour la paix.

Oui, je soutiens les palestiniens dans leur situation actuelle. Oui, je suis contre l'État politique Israélien actuel, dirigé par une extrême droite qui pratique la colonisation et l'apartheid (ce n'est pas moi qui le dit, c'est Amnesty International ou encore Ilan Pappé, historien juif israélien exilé aux États-Unis) et qui n'hésite pas à bombarder 2 millions de civils (des "animaux humains" d'après leur ministre de la défense) dans la plus grande impunité.

Mais non, je ne suis pas contre le peuple israélien (au demeurant constitué de 20% d'arabes).

Mais non, je ne suis pas contre les juifs israéliens. Ni contre n'importe quel juif du monde.

Oui, mon cœur pleure en pensant aux civils palestiniens tués par les bombardements et à ceux qui respirent toujours et vivent un enfer.

Mais mon cœur pleure aussi en pensant aux civils israéliens innocents qui ont pu être tués le 7 octobre dernier et avant.

Oui, mon cœur souffre pour ces palestiniens qui voudraient vivre enfin en paix comme tout un chacun sur cette planète.

Mais mon cœur souffre aussi pour ces israéliens qui ne sont pas d'accord avec la politique mortifère de leur gouvernement qui sème le chaos, la terreur et la souffrance. Ces israéliens existent, qu'ils soient athées, chrétiens, juifs, musulmans ou d'une autre appartenance. Et ces israéliens vivent probablement dans la peur. Probablement la peur d'être réprimés et opprimés par un gouvernement d'extrême droite. Probablement la peur d'être arrêtés. Ou muselés. Ou humiliés. Mis au ban de la société. Pour vouloir vivre en paix avec les palestiniens.

Une vie vaut une vie. Cette même vie que Rony Brauman, ancien directeur de Médecins sans Frontières, né à Jérusalem et fils d'un militant sioniste, s'est employé à défendre tout sa vie, tout en signant un ouvrage intitulé "Manifeste pour les Palestiniens".

Cette même vie à laquelle tout le monde aspire : faite de joie, de lumière, de moments passés en famille, entre amis, collègues, dans la paix et la sérénité. Cette même vie qui nous unit tous. En une et une seule humanité.

Mais aujourd'hui, la vie d'un palestinien n'a pas l'air d'avoir la même valeur que la vie d'un israélien. Ou d'un ukrainien. La vie enlevée d'un palestinien n'a pas l'air de valoir son recueillement ou sa minute de silence honorée. Seulement un silence embarrassé.

Je suis un fils de la République. Celle supposément des Lumières. L'École Laïque m'a appris à faire face aux horreurs de l'Histoire. Elle m'a appris à m'horrifier devant la Shoah. À pleurer la souffrance et la mort de tous ces innocents. À pratiquer le devoir de mémoire. De façon à faire en sorte que la vie d'innocents soit toujours préservée ou tout du moins pleurée de la même façon et ce, quelque soit l'innocent et sa couleur de peau, sa religion, sa culture, son genre, son sexe ou tout autre appartenance.

Mais aujourd'hui, l'innocent palestinien n'est pas pleuré comme les autres.

Alors oui, je le soutiens.

En toute humanité et au nom de cette même humanité que je chéris. Pour la paix.

Shalom.

Salam.

Paix.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.