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Billet de blog 15 juin 2024

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Emmanuel Macron, cet Enfant-Roi

Sénateur socialiste de la Moselle, je tire un portrait amère de 7 années de macronisme. Un Enfant-Roi sur le point de perdre son jouet, révélant toute l'étendue de sa folie dimanche dernier.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est en juin 2016 que je croise pour la première fois Emmanuel Macron. Comme beaucoup de socialistes, je suis invité au Ministère de l’Economie où il nous fait son numéro de charme. Beaucoup de camarades sont séduits, je reste moi-même perturbé par son regard, ce voile d’insincérité, ce regard glacial, ce grand parolier, cet Enfant-Roi m’inquiète dès cet instant.

Nous voilà aujourd’hui au début de la fin du macronisme. Une théorie politique sans contenu, indéfinissable comme l’est le personnage, le journaliste Thomas Legrand le répète à l’envie.

La conférence de presse donnée par Emmanuel Macron ce 12 juin est la preuve la plus pure de son complet décalage. Il est le seul responsable de la situation et cherche désespérément à séduire une fois de plus ceux qu’il a soigneusement méprisé. Aujourd’hui le problème n’est même pas sa politique, c’est devenu sa personne. Tout son entourage l’a compris, tous ses soutiens le supplient de se faire discret pour espérer sauver les meubles. Après avoir humilié ses Premiers Ministres, méprisé la Présidente de l’Assemblée, négligé ses parlementaires, affaibli les corps intermédiaires ; le voilà seul, assiégé dans son palais entouré de la dernière garde, à gesticuler comme Louis XVI avant de disparaître haï. Là où avant lui les Présidents avaient marqué l’Histoire par de grands travaux, de grandes décisions, de grands textes de lois, de grandes réformes, lui marquera l’histoire par la puérilité de son exercice du pouvoir. Car c’est bien de cela dont il s’agit ! Emmanuel Macron ou le symptôme de l’Enfant-Roi.

En 2017, Emmanuel Macron, sans troupes, sans contenu, sans programme se cherche une majorité. Il se tourne sans convictions vers la gauche, là où il trouve quelques compétences au service du jouet qu’il vient brillamment d’acquérir : le pouvoir.  Il récupère les troupes, siphonne l’électorat, les cadres et cache par ce biais sa propre faiblesse politique. Mais très vite les masques commencent à tomber. Dès l’été il touche aux APL, pourtant utiles pour les plus fragiles. Il affaiblit l’assise des parlementaires sur les territoires par la suppression de l’enveloppe parlementaire, il agace les élus locaux par son mépris de la fonction d’élus sur les territoires. L’Enfant-Roi hôte de l’Elysée, se nourrit de la presse sans sortir de son palais. Sourd aux messages des corps intermédiaires et des élus qui s’alarment de l’ambiance au sein du peuple, il traite d’abord avec mépris ces gens qui expriment leur détresse lors de la crise des gilets jaunes. Nous sommes en novembre 2018, 18 mois après son arrivée, le pays est au bord de l’insurrection.

Incapable déjà d’une quelconque autocritique, incapable d’empathie, ni d’humilité ; il cherche à contourner tous ceux qui l’avaient pourtant alerté au sujet de l’ambiance générale. Pour contourner la démocratie tout en donnant l’impression de consulter le peuple il créé le Grand Débat National qui n’est rien de plus qu’une séance de séduction collective, où le talentueux orateur vient perturber les certitudes des manifestants en allant à leur rencontre.

Dans le même temps ses décisions économiques, elles aussi l’ont éloigné de la gauche qui avait permis son accession au pouvoir. Il supprime l’impôt sur la fortune, la taxe d’habitation, réduit l’assurance chômage, répond positivement à toutes les injonctions de ses amis du monde de la finance dont il est issu. De 2017 à 2020, l’Enfant-Roi est en fait un imposteur.

En 2020, à la veille des élections municipales la France est plongée dans l’épidémie de la COVID. Après le mensonge contraint éhonté de la ministre de la Santé, mensonge commandé par l’Élysée ; alors qu’il tarde à réagir, Emmanuel Macron sort une autre arme financière, pour acheter la paix sociale et semer ce qui causera notre déroute économique : le fameux « quoiqu’il en coûte ». Il aide les entreprises, toutes les entreprises. Sans discuter du bien-fondé de cette aide souvent nécessaire... Il aurait dû sortir de la crise en corrigeant par la fiscalité le trop indument perçu des entreprises, il n’en fera rien ! Aggravant alors de façon inconséquente les finances publiques. Inféodé à la grande finance il n’a pas le courage de s’en affranchir.

Il est temps alors d’entrer en campagne. Sans idées en 2017, il aborde la nouvelle campagne électorale de 2022 avec moins d’idées encore, c’est dire le vide sidéral de sa pensée. Sa seule ligne, surjouée, est de se poser en rempart à l’extrême droite, oubliant qu’ainsi il la légitimait comme une alternative politique à sa politique du vide.

En février 2022, l’Ukraine est envahie. Emmanuel Macron, montre alors l’autre face de l’Enfant-Roi. Celle de la naïveté de celui qui croit être aimé par les pires dictateurs. Il ménage Vladimir Poutine, son ami, musculator aussi glacial que lui mais beaucoup plus sournois et malin que notre Président. Ensemble ils s’appellent tous les jours, Poutine tentant de neutraliser cet enfant qui se croit si important mais qui a déjà tant affaibli la France sur la scène internationale et notamment en Afrique. Poutine a compris sa personnalité, et il en use, s’amusant ouvertement de la naïveté de notre Président. L’élection présidentielle approche, le temps des comptes arrivent. La gauche s’est détournée de lui, les Français s’interrogent. Il ne lui reste que deux solutions pour garder son jouet et continuer à en jouir. Calmer les français par un nouveau quoiqu’il en coûte, s’assurer que le RN sera son adversaire au second tour, se poser en rempart et siphonnant sa seule réserve de voix à droite.

RETRAITE

Son premier acte est de remettre en route un « quoi qu’il en coûte », justifié cette fois par la situation économique à la suite de la crise ukrainienne. Le déficit de la France explose, la part du PIB consacré à la dette croit de façon exponentielle. L’extrême droite est qualifiée pour le second tour. Après avoir dérouté la gauche progressiste, l’extrême gauche se réveille emmenée par un ancien trotskiste bel orateur. La digue a fonctionné, il gagne. Mais là commencent les ennuis. La droite républicaine a disparu, le peuple a fait barrage mais au fond il n’est plus aimé par son peuple, qui lui adresse un premier coup de semonce aux élections législatives. Elles sont un échec, une première dans la Vème République. Arrogant, à son habitude, il pense encore jouer du « en même temps », mais aucun gros poisson ne mord à son hameçon aussi alléchant soit-il. Tous ont compris que la fin est amorcée.  

Insensible à la situation, faisant la mauvaise analyse, oubliant qu’il avait été élu par résistance au RN, l’Enfant-Roi se lance dans la réforme des retraites. Malgré la résistance des syndicats, les millions de compatriotes dans la rue, le rejet par la classe politique et par une majorité de parlementaires ; l’antiparlementarisme du président Macron l’amène à demander le passage en force par 49 al. 3. Cet outil de la Constitution devient alors sa principale arme de gouvernement.  

Il se démène pour trouver des alliances, en calant la loi Immigration sur les désidératas de la droite, puis en inscrivant l’IVG dans la Constitution, espérant adoucir la gauche, enfin en lançant la loi sur la fin de vie. Les échecs se succèdent, la déroute s’accélère. Après avoir évité les multiples motions de censure vient le suffrage universel. Il aborde cette élection en méprisant les électeurs, et claironnant qu’elle n’aura aucun impact ni sur sa politique ni sur son gouvernement. Il surmobilise par ce positionnement politique, l’opposition grandissante. Le résultat est sans appel, il est terrassé par une défaite qui clous toute la majorité présidentielle à 15% des suffrages. L’Enfant-Roi vient de prendre une correction !

Jordan Bardella, pantin de l’extrême droite, exige la dissolution. Emmanuel Macron s’exécute. Il dissout l’Assemblée nationale, il infantilise tout journaliste, tout électeur, il accuse les oppositions incohérentes et sa majorité trop faible, il s’isole, il parle trop… il va perdre lourdement. Une fois de plus, inconscient de la situation qu’il a face à lui, il demande à son Premier Ministre, Gabriel Attal d’annoncer avant le 1er juillet un décret pour la réforme de l’assurance chômage. À se demander si, dans son for intérieur, il ne veut pas lui-même le chaos qu’il s’évertue à créer.

Quel est donc le bilan de ce qui pourrait être un roman politique ?

Emmanuel Macron savait depuis le début qu’il ne pouvait exister politiquement qu’à condition de tuer la gauche progressiste et la droite républicaine. Il l’a fait soigneusement. Mais, le -piètre- philosophe qu’il prétend être devrait savoir que la politique est aussi affaire d’alternances en démocratie. En construisant un large spectre politique, il pensait garder tranquillement le pouvoir entre ses mains avant de trouver un digne successeur. Mais coupé du monde, méprisant, arrogant, il a enfanté l’extrême gauche et l’extrême droite. Sa perte est inéluctable. Plus personne ne l’entend, plus personne ne l’écoute, plus personne n’est séduit, plus personne ne pense qu’il a un quelconque talent. Si fier d’avoir tué les partis traditionnels, il s’aperçoit aujourd’hui du piège dans lequel il s’est mis, des deux bêtes qu’il a enfantées et qui lui promettent des journées noires.

Emmanuel Macron, par manque de maturité, par vide idéologique est le seul responsable de la situation politique dans laquelle nous sommes. Celui qui s’était posé comme le rempart à l’extrême droite en est devenu aujourd’hui le principal marchepied.

J’ai toujours pensé qu’il ne pouvait poursuivre son mandat jusqu’en 2027 et qu’une dissolution était inéluctable, mais je ne l’attendais pas là, pas avant les JO, dans une telle précipitation. Son calcul est simple, c’est par ailleurs tout au plus un calcul et en aucun cas un acte politique. Son camp est démonétisé, dimanche soir, il pense que sa seule porte de sortie est d’affaiblir la gauche incohérente, mettre l’extrême droite au pouvoir pour se donner les 2 ans et demi restant à la décrédibiliser. Mais rien ne va arriver de tout cela. La gauche a commencé sa reconstruction, et elle s’accélère. Une partie de la France veut sincèrement du retour de la gauche progressiste écologiste et démocrate. Son geste politique permettra à la gauche de se réorganiser après les tensions et les divisions actuelles autour d’une nouvelle formation politique élargie qui repartira à la conquête du pouvoir. Par contre l’extrême droite, si elle arrive au pouvoir dissimulera son vrai visage tant qu’elle n’aura pas obtenu tous les pouvoirs, à savoir à l’Assemblée nationale et à la Présidence de la République.

Bientôt l’Enfant Roi aura cassé son jouet, bientôt il sera exclu de l’école, il partira alors faire du fric ! Il en rêve tellement...

C’est en entendant la conférence de presse de ce 12 juin qu’une colère sourde m’a saisi. Les hommes politiques ne devraient pas être analysés qu’au regard de leurs idées, de leurs convictions mais aussi de leur psychologie de leur comportement. Or, au pupitre, celui qui s’apprête à donner les clefs de la plus belle démocratie du monde à l’extrême droite, ne s’est pas comporté comme un homme politique responsable qui a conscience de la situation. A cette conférence de presse, il aurait dû commencer par reconnaitre ses erreurs politiques, puis rassurer les classes moyennes et les plus fragiles, il aurait du parler à ce grand peuple français, à notre cœur de démocrates. Au lieu de ça, on a eu le grand Emmanuel Macron arrogant, celui qui n’admet jamais aucune erreur. Il parle à la gauche progressiste et à la droite républicaine dans un dernier sursaut pour proposer aux uns et aux autres une fédération de projets. Sans aucune autocritique, il agresse ces mêmes potentiels partenaires sur les positions politiques qui sont les leurs, mettant dos à dos l’extrême droite et l’extrême gauche. Il ne propose pas l’union nationale, il prépare la guerre civile en multipliant les provocations. S’en suivra une hystérisation de la campagne législative l’extrême droite accusant la gauche d’un vote communautariste, la gauche dénonçant une extrême droite nationale socialiste.

L’élection est définitivement perdue pour la macronie. Le chef d’orchestre de cet ensemble baroque n’a plus les moyens d’harmoniser ses instruments, les traitres de 2017 commencent à quitter le navire, le livre va se fermer. Peut- être en 2024... au plus tard en 2027. Le bilan définitif d’Emmanuel Macron tend à se dessiner : une France qui n’est plus écoutée sur la scène internationale, un pays exsangue financièrement avec une dette de plus de 1.000 milliards d’euros qui sont de son fait, une injustice fiscale devenue la règle, un pays fracturé comme jamais, un pouvoir politique qui a perdu son exemplarité, une fiscalité sans dynamisme.

L’Enfant-Roi va perdre son jouet, il ne sera finalement jamais un adulte car c’est un jouisseur. Je l’ai toujours dit, tout cela finira mal !

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