Depuis le crash du vol Rio – Paris vers 02h30 UTC (04h30 heure française) il y a eu beaucoup de communications douteuses de la part des services officiels, mais aussi beaucoup de rumeurs et hypothèses rapportées dans les médias ou sur internet. Un petit retour critique sur la chronologie de la communication sur cette catastrophe.
Le 1er Juin 2009 :
On sait maintenant que l’avion a disparu vers 02h30 UTC. Il était attendu à 09h15 UTC (09h15 heure française ). Il était supposé contacter le centre de contrôle du trafic aérien du Sénégal à partir de 02h20 UTC, après le passage au dessus du waypoint TASIL (point de navigation virtuel). Vers 05h33 UTC, l’alerte est émise car aucune trace de l’avion sur les radars du contrôle aérien (Sénégal, Maroc, …) et aucun message radio de l’avion.
L’information transpire vers 06h00 UTC et les autorités, Air France (AF) et les Aéroport de Paris (ADP) établissent une cellule de crise à Roissy.
Sur ce point, il faut saluer la gestion humaine de cette catastrophe. Les autorités + AF + ADP ont protégé les proches des disparus de la meute journalistique qui n’a pas manqué de s’agglutiner à Roissy.
Un premier communiqué laconique signale que l’avion a disparu des écrans radar.
- Comme la zone est loin d’être couverte par les radars, la disparition de l’avion des radars du contrôle Aérien brésilien vers 01h30-01h50 était normale.
- Un communiqué plus factuel aurait été de dire « l’avion n’a plus contacté le contrôle aérien depuis X heures et n’a pas été localisé par les radars du contrôle aérien ».
- Passons c’est mineur.
Dans les rédactions (qui n’ont rien à ce mettre sous la dent) l’on commence à évoquer les zones orageuses, le pot au noir, …
Vers 12h00 UTC un premier communiqué officiel (DGAC et AF) fait état de l’hypothèse vraisemblable d’une panne électrique totale suite à un épisode orageux. L’on commence à parler de foudroiement. Des experts passent à la télé et nous expliquent combien la foudre est dangereuse ! L’on évoque les turbulences énormes des cumulo-nimbus du pot au noir !
· L’avion est déjà près de 3 heures en retard – Faute de carburant l’issue fatale est hautement probable (sauf atterrissage hyper discret sur une piste paumée !)
· AF à reçu les messages automatiques de maintenance (ACARS) depuis plus de 7 heures. On sait désormais qu’ils ne mentionnent pas de panne électrique totale (normal, il faut de l’électricité pour qu’ils puissent émettre !).
· Donc l’idée du foudroiement est totalement spéculative !
Vers 16h00 UTC, Jean Louis Borloo reprend la thèse du foudroiement. L’AFP et d’autres média convergent sur ce thème : C’est l’hypothèse officielle probable.
A 18h UTC (20h en France), le président de la république qui rend visite aux familles des disparus est beaucoup plus prudent et dit qu’ "à ce stade, nous avons quelques éléments, mais nous ne pouvons privilégier aucune piste ni en exclure aucune".
Le BEA, dans son communiqué est sur le même son de cloche : « Le BEA recommande, en de telles circonstances, d’éviter toute interprétation hâtive et spéculation sur la base d'informations parcellaires et non validées. » C’est néanmoins le genre de communiqué classique du BEA : Attendez les résultats de mon enquête.
Le 2 Juin 2009 :
Dans la nuit du 1 au 2 et la journée du 2 juin l’on apprend que les autres vols qui sont passé à proximité, ou avant ou après, de la zone supposée de la disparition n’ont pas rencontré de condition météorologique exceptionnelle !
Le bulletin météo de la zone (TEMSI) n’avait lui aussi rien prévu d’exceptionnel.
De nombreux experts et pilotes rappellent que le foudroiement d’un avion est assez classique (environ une fois tous les 1500h de vol en moyenne, sans conséquences sérieuses).
Sur Internet, un expert météo américain démarre une analyse hyper-sérieuse des conditions météo qu’à rencontré le vol AF 447. Rien d’exceptionnel mais néanmoins, potentiellement des turbulences sévères :
http://www.weathergraphics.com/tim/af447/
L’ONERA confirme la fréquence des foudroiements (environ un tous les 1500 h de vol).
Un satellite de la NASA (TRMM) a survolé pendant 90s la zone présumé du crash à 02h20 UTC soit 6 minutes après le dernier message reçu de l’avion. Il n’a détecté aucun éclair. C’est confirmé par un autre système d’analyse le WWNL qui étudie mondialement les éclairs d’orage en écoutant les signaux radio très basse fréquence que ceux-ci génèrent :
http://webflash.ess.washington.edu/
Formellement, rien ne permet d’exclure l’hypothèse d’un foudroiement exceptionnel mais de là à en faire le scénario privilégié ???
Cela ressemble à de la communication hâtive (ou alors on tombe dans la théorie du complot – le truc exceptionnel qui arrange tout le monde !).
Sur les média cela meuble et part dans tous les sens : influence du réchauffement climatique, …
Le même jour les autorités brésiliennes affirment avoir repéré des débris de l’avion (trace de kérosène, porte de soute ? …). Cela va se révéler être complètement faux (dégazage d’huile sauvage depuis un bateau, palettes et autres déchets flottants, …). Bon, ils se sont un peu précipités dans l’effet d’annonce mais à la lecture de ce qui précède vous conviendrez qu’en France, l’on n’a guère fait mieux. Peut être un peu de communication hâtive pour la fierté nationale ! Je ne vais pas leur faire la leçon car on ne fait pas mieux dans ce registre.
Au contraire, je tiens à saluer l’engagement total des ressources brésiliennes pour aider à élucider les causes de la catastrophe. Vu de France, cela peut paraître évident mais c’est quand même 1000 km au nord d’une zone assez déshéritée du Brésil donc ce n’est pas si simple.
Plus globalement, je salue tous les efforts déployés par les autorités Brésiliennes, Françaises, et Américaines pour aider à élucider les causes de cette catastrophe.
C’est loin, au milieu de l’océan mais tout le monde s’est mobilisé. Si ce billet est un peu caustique sur la communication officielle, il ne l’est certainement pas sur l’engagement des autorités et des hommes (pilotes, marins, sous-mariniers, …) pour recueillir un maximum de dépouilles, de débris et, espérons le, les « boites noires ».
Le 3 et 4 juin 2009 :
Comme le scénario du foudroiement a du plomb dans l’aile, et que des fuites partielles sur les messages de maintenance (ACARS) commencent à sortir, les média se tournent vers le givrage des sondes anémométriques (tubes de Pitot).
Avec bien évidemment le cortège d’experts, d’analystes, …, de scénarios.
Le 5 Juin 2009 :
Les messages de maintenance sortent officieusement. La défaillance des indicateurs de vitesse est confirmée.
Le BEA, dans un communiqué laconique reconnait une incohérence des indications de vitesse.
Airbus émet un rappel officiel, validé par le BEA, rappelant pour tous ses avions (pas que les A330) les procédures à suivre telle que décrites dans les manuels de vol lorsque les indications de vitesses sont erronées!
· Cela paraît un peu bizarre car c’est parmi les basiques du pilotage.
· Certains se demandent si ce n’est pas pour préparer le terrain à une éventuelle mise en cause de la responsabilité de l’équipage
Le 6 juin 2009 :
Le BEA, dans sa conférence de presse revient sur les orages, les turbulences, …, signale que rien ne permet de mettre en cause les sondes de vitesse, …
Les forces armées brésiliennes retrouvent les premiers corps et débris.
Météo France publie une analyse préliminaire des conditions rencontrées par le vol AF 447 (avec un cours sur la formation des cumulonimbus !!!!).
http://www.bea.aero/fr/enquetes/vol.af.447/presentation.meteo.france.pdf
Cette analyse préliminaire est bien tardive et très peu fouillée. A des années lumière de ce qu’a effectué Tim Wasquez dès le 2 juin sur : http://www.weathergraphics.com/tim/af447/
Néanmoins, elle confirme l’absence de conditions exceptionnelles.
Le 7 et 8 juin 2009 :
Les incidents précédents impliquant une défaillance des senseurs de vitesse (tubes de Pitots) finissent par sortir, en particulier ceux d’Air Caraïbes.
Les équipes de recherche retrouvent de plus en plus de corps et de débris.
La suite, vous la connaissez :
Sous, la pression des pilotes, et des média, Air France et de nombreuses autres compagnies décident de changer les senseurs de vitesse.
Leur faiblesse avait été signalée en septembre 2007. Néanmoins, formellement, ils ne peuvent être la cause unique du crash.
Je vous laisse méditer sur cette séquence de communication. J’y reviendrai dans un prochain billet.