Certains vont dire que la compagnie a craqué. Pour d'autres ce sera une remise en question salutaire, une volonté sérieuse d'améliorer les pratiques internes relatives à la sécurité aérienne.
Commençons par les faits. Air France à annoncé aujourd'hui, 17 Septembre 2009, qu'elle allait procéder à un audit externe sur ses pratiques et processus relatifs à la sécurité des vols.
Sur ce sujet, vous pouvez lire les brefs articles des journaux Le Monde ou Le Point. Evidemment, il y en a d'autres.
A mon avis, cet audit est une bonne initiative et ce pour plusieurs raisons.
- La plus importante, d'abord : Si cet audit découvre des pistes d'amélioration et que les recommandations sont suivies d'effet, la sécurité devrait s'améliorer au bénéfice des passagers d'Air France et de ses employés.
- Ensuite, le personnel d'Air France a été marqué par le crash du vol AF 447, dans la nuit du 30 mai au 1er juin. Rappelons le, 228 morts dont 3 pilotes (PNT) et 9 membres d'équipage en cabine (PNC) donc 12 membres du personnel de la compagnie.
- Enfin, l'Air France actuel est le résultat de la fusion de 4 compagnies en 1994 (Air France, Air Inter, UTA et Air Charter) le tout suivi d'une privatisation partielle en 1999 (pour les détails de son histoire, vous pouvez consulter Wikipedia ou le site officiel). Comme beaucoup de sociétés résultant de fusions, des problèmes de mélanges de culture d'entreprise se posent auxquels il faut ajouter ceux provoqués par le passage d'un statut public à un statut privé.
La situation sociale est donc compliquée avec des accrochages fréquents. La crise économique actuelle qui touche aussi durement le transport aérien ne fait qu'accroître le sentiment de malaise.
Le 28 octobre 2005, Air France avait déjà sollicité un audit externe.
Le résultat de cet audit est remis le 21 juin 2006. C'est le « Rapport Colin », du nom du principal auditeur, et désormais en ligne sur Mediapart. C'est un peut long (73 pages) mais la lecture est intéressante et transposable à d'autres domaines économiques. Après une analyse organisationnelle assez fouillée et moult recommandations, le rapport insiste sur trois points qui sont assez symptomatiques du fonctionnement ou des dysfonctionnements d'une entreprise et de ses relations à l'humain : « Simplifier, Impliquer, Donner du sens ». Peut être faudrait il que France Telecom s'en inspire.
Ce premier audit a-t-il été suivi d'effet ? Si l'on en croit cette interview, partiellement. A prendre avec prudence, néanmoins, le site web qui la publie n'est pas forcément très sérieux.
Y a-t-il des raisons objectives de se poser des questions sur la sécurité des vols chez Air France ?
Oui et non à la fois. Air France n'est certes pas une compagnie « poubelle » pour reprendre le qualificatif très (trop ?) rapidement attribué à Yemenia Airlines. Mais néanmoins le taux d'incidents et d'accidents y est quand même assez élevé.
Regardez cette étude statistique qui porte sur 20 ans d'exploitation, de janvier 1988 à décembre 2008 ! Cherchez Air France, elle est en position 65 sur 88 au niveau mondial, en position 21 sur 23 au niveau Européen. Ce n'est pas très brillant même si l'on critique - et elle est critiquable - la méthode de classement. Lorsque le crash de l'AF 447 va être pris en compte Air France va encore plonger ...
Si l'on regarde la tête du classement, on trouve 4 compagnies américaines d'envergure internationale, qui chacune ont effectuées entre deux et trois fois plus de vols qu'Air France sur la même période avec au pire un accident ! Cela interpelle quand même car 20 ans c'est long et l'on compte les vols par millions ! De plus ce sont toutes des compagnies privées. Donc où est le malaise ? Les autorités de régulation française ne font pas leur boulot ? Air France qui aurait des processus internes défaillants ?
Et les méthodes de formation des pilotes à l'Européenne comme l'évoque l'article du journal Le Point. Oui mais qui est numéro 5, la Lufthansa, compagnie allemande dont la méthode de recrutement et de formation des pilotes est très similaire à celle d'Air France. Néanmoins, ce point mérite d'être analysé car pour caricaturer, nous faisons dans la théorie là où les américains font dans l'expérience. Cela se retrouve aussi dans les approches de conception globale des avions. En Europe, chez Airbus, l'informatique règne sur le pilote. Aux USA, chez Boeing, le pilote à toujours la possibilité d'avoir le dernier mot. Mais rien en statistique ne permet de mettre en avant l'une ou l'autre des deux philosophies. De même certaines des compagnies américaines au top du classement mentionné ci-dessus utilisent majoritairement des Airbus. Il est donc difficile de trancher sur les gammes d'avion ce qui renvoie au processus internes des compagnies aériennes.
Donc oui à un audit, vu de l'extérieur, mais il faudra en tirer des leçons et les appliquer !
Ce ne sera pas simple, certes, et les résultats seront long à être perceptibles du fait du faible taux d'accidents. N'oubliez pas : si vous prenez un avion au hazard, chaque jour, statistiquement, il faudra 21000 ans avant qu'il vous arrive malheur !
Mais comme le disait déjà en 2006 le rapport Colin, « Simplifier, Impliquer, Donner du sens », ce n'est peut être pas idiot pour que les employés d'Air France se sentent mieux dans leur entreprise et que tout le monde collectivement contribue à une amélioration du bien vivre dans son travail et de la sécurité des personnes transportées. Un doux rêve probablement car les financiers rôdent