Le BEA (Bureau d'Enquête et d'Analyse) vient de publier aujourd'hui (17/12/09), à 12h, un deuxième rapport d'étape sur la disparition du vol Rio-Paris d'Air France.
La conférence de presse prévue a été reportée pour cause de neige! Ce vol, AF 447 s'est écrasé dans l'atlantique le 1er Juin 2009, vers 02h15 TU en faisant 228 victimes.
Le rapport de 106 pages détaille le résultat des analyses des débris retrouvés, des autopsies des corps des victimes et clarifie les messages de maintenance reçus qui étaient restés énigmatiques.
Il confirme les diverses analyses que j'avais déjà publiées sur ce blog, mais puisque les boites noires n'ont pas été retrouvées, il est pour l'instant impossible d'avoir une explication "fiable" de l'accident même si des scénarii hypothétiques se dessinent.
Certains éléments semblent désormais clairs.
Les capteurs qui permettent de mesurer la vitesse (les tubes Pitot) ont cessé de fonctionner correctement, provoquant une cascade d'évènements et de désengagements des automatismes de l'Airbus A330.
Les pilotes se sont donc retrouvés en mode de pilotage manuel. Ensuite, point d'interrogation, mais il est possible d'élaborer quelques hypothèses qui feront l'objet d'un autre billet car cela mérite une analyse approfondie.
L'avion est resté intègre, il n'y a pas eu de dépressurisation, etc : Il n'a pas explosé en vol.
Il semble qu'il n'y ait pas eu d'alerte ou que celle ci n'ait pas eu le temps d'être appliquée:
- On a identifié 50 corps. Ils étaient répartis un peu partout dans l'avion et probablement non attachés donc probablement aucune alerte de turbulence ou de crash imminent.
- Les gilets de sauvetage retrouvés sont tous dans leur emballage. Donc probablement aucune alerte de préparation à un amerrissage.
- L'avion était en configuration de vol normal. En particulier, les volets n'étaient pas déployés ce qui aurait été un signe que l'avion cherchait à atterrir ou amerrir.
C'est à croire qu'il n'y a eu aucune prise de conscience - ou manque de temps - ou ? - de se préparer à l'imminence d'un amerrisage d'urgence.
Le choc a été brutal mais l'avion avait une attitude normale (globalement à l'horizontale, le nez légèrement relevé). Par contre, son vecteur vitesse était important dans l'axe vertical (du genre à 45°, à moitié vers l'avant, à moitié vers le bas) tout en descendant "à plat"!.
- Les analyses structurelles des débris confirment ce point avec une force d'arrachement dans le sens vertical considérable (supérieure à 12 tonnes pour l'aileron de dérive).
- Les autopsies montrent que 43 des victimes repêchées ont subies des fractures du bassin et/ou de la colonne vertébrale symptomatiques d'un choc vertical important en position assise.
Tout cela ne fait que rendre plus glauque le mystère de cette catastrophe. C'est comme si rien n'avait été perçu en cabine alors que cela sonnait et flashait de tous les côtés dans le cockpit.
Tout cela mérite une analyse réfléchie car il y a des éléments nouveaux dans ce rapport, notamment sur les modes de désengagement de certains équipements d'origine USA pour lesquels il m'était difficile voire impossible d'en connaître les détails intimes de fonctionnement.
En l'absence des boites noires, l'analyse risque d'être impossible. Autour de ce sujet, le BEA avait annoncé une deuxième campagne de recherche de l'épave pour Octobre 2009. Cette campagne a été annulée mais, avec une coopération internationnale importante, une nouvelle campagne de recherche devrait démarrer en février ou mars pour une durée prévue de 2 mois. Pour moi cela n'est pas trop un sujet de polémique car les moyens d'exploration et de recherche à 3500 m de fond en environnement sous marin montagneux (dorsale atlantique) ne sont pas légion de par le monde et ne dorment pas sur étagère. Tout le monde s'y met (Fr, US, Ger, UK, Russie, ...) et c'est très bien.
Enfin, le BEA conclue par certaines recommendations assez évidentes telles que:
- Renforcer le processus de certification des sonde Pitot : Bien vu, on est sur une spé des années 1940 !
- Améliorer la durées de vie des beepers de localisation sous marine des boite noires (30 à 90j)
- etc
Pour conclure, c'est un rapport d'étape probablement très décevant pour ceux en quête d'explications, et je pense en priorité aux familles des victimes. Mais la difficulté de la tâche est immense et le sujet très complexe.
Il faut néanmoins rester vigilant car c'est le genre de problème que l'on cherche souvent à enterrer car beaucoup de monde et d'enjeux politicaux - industriels sont en général touchés. Si on n'arrive pas à l'enterrer, cela dure des dizaines d'années comme pour le Mont St Odille.
A suivre dans les prochains billets.