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Billet de blog 24 juillet 2010

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Haïti, l'invité surprise de 14 juillet

Ce 14 juillet 2010 était l'occasion pour la France de commémorer le 50ième anniversaire de l'indépendance de la majorité de ses ex-colonies, principalement sub-sahariennes. Donc Haïti n'était pas invité allez vous me dire. C'est vrai mais ce pays a néanmoins réussi à être présent et de fort belle manière même s'il n'y est pour rien.

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Ce 14 juillet 2010 était l'occasion pour la France de commémorer le 50ième anniversaire de l'indépendance de la majorité de ses ex-colonies, principalement sub-sahariennes. Donc Haïti n'était pas invité allez vous me dire. C'est vrai mais ce pays a néanmoins réussi à être présent et de fort belle manière même s'il n'y est pour rien.

Cela nécessite quelques explications. Commençons donc par un peu d'histoire.

Vers 1780, Haïti qui s'appelle alors Saint-Domingue est une des colonies françaises des Antilles, peuplée d'environ 30000 à 40000 immigrants français qui exploitent entre 400000 et 500000 esclaves importés d'Afrique noire. C'est le règne du code noir édicté sous Louis XIV.

Les idées de la révolution française provoquent la révolte des esclaves qui en 1791 contrôlent le nord de l'ile. En 1792 le gouvernement français envoie 3 commissaires et des troupes pour rétablir l'ordre dans la colonie. Mais en 1793, la guerre éclate entre la France et la Grande Bretagne et les anglais envahissent Saint-Domingue. Pour se défendre et réussir à s'allier avec les esclaves révoltés, les commissaires prennent un décret abolissant l'esclavage dans la colonie. Six mois plus tard, la Convention (jacobine) le valida et étendit son champ d'application à toutes les colonies.

Toussaint l'Ouverture, leader des ex-esclaves révoltés réussit à battre les envahisseurs (anglais et espagnols) et à reprendre le contrôle de toute la colonie mettant fin à la guerre civile. Il réussit aussi à restaurer la prospérité passée et le commerce, les anciens esclaves ayant repris le travail dans les plantations mais cette fois ci en tant qu'hommes libre même si leur condition restait toujours très difficile.

Mais en France, le gouvernement changeât et sous le lobby des planteurs et autres colons, il fut sérieusement envisagé de remettre en cause l'abolition de l'esclavage. Une constitution à tendance séparatiste prise par Toussait l'Ouverture fut le prétexte idéal. L'esclavage fut donc rétablit et Napoléon Bonaparte envoya une expédition de 20000 à 30000 soldats sous le commandement de son beau-frère, le général Leclerc. La mission était claire: reprendre l'ile, s'assurer de l'Ouverture et rétablir l'esclavage.

Après quelques succès initiaux le corps expéditionnaire français se trouva vite en situation difficile (fièvre jaune et résistance acharnée). Leclerc eu donc recours à la traitrise. Convié à une séance de pourparlers, Toussaint l'Ouverture fut kidnappé et envoyé en France. Emprisonné au Fort de Joux, il y meurt de malnutrition et de maladie en 1803. Un de ses généraux, Dessalines, reprend le flambeau et finit par battre définitivement les français de Rochambeau (malgré leurs renforts) à Vertières.

Après ce double combat pour l'émancipation et l'indépendance, cette dernière fut proclamée le 1er janvier 1804.

Le bilan fut lourd, estimé à 100000 noirs, 24000 colons, plus de 50000 soldats français dont 18 généraux. Il fut suivit d'un exode massif d'au moins 10000 personnes (métis, colons blanc ainsi que leurs esclaves résiduels). C'est à l'accession à l'indépendance que Saint-Domingue pris le nom d'Haïti, en l'honneur du nom de l'ile dans le langage de la tribu indigène des Taino.

Haïti n'en n'avait pas fini avec la France car cette déclaration d'indépendance était unilatérale et non reconnue par l'ancienne puissance coloniale. La menace persistante de la France était toujours là entraînant les haïtiens à construite un réseau de forteresses pour se défendre comme celle de Laferrière.

En juillet 1825, Charles X envoya 14 navires de guerre et plusieurs millier de soldats. Sous la pression, le président haïtien, Jean Pierre Boyer accepta un traité où la France reconnaissait l'indépendance d'Haïti en échange d'un dédommagement de 150 millions de francs Or, somme phénoménale pour l'époque, réduite à 90 millions de francs Or en 1838.

Cette somme était censée compenser la perte des propriétés et des revenus provoqués par l'indépendance et l'abolition de l'esclavage (toujours en vigueur dans les colonies françaises). La reconnaissance diplomatique d'Haïti par la France n'aura lieu qu'en 1834.

L'homme politique français et abolitionniste, Victor Schoelcher (1804-1893) a dit : "Imposer une indemnité aux esclaves victorieux était l'équivalent de leur faire payer avec de l'argent ce qu'ils avaient déjà payé avec leur sang".

C'est ce même Victor Schoelcher qui va enfin impulser l'abolition de l'esclavage par la France, dans un décret du 27 avril 1848 signé par Lamartine.

Tout ce qui précède n'était qu'un rappel historique pour remettre en contexte cette indemnité phénoménale de 90 millions de francs OR qu'Haïti va payer à la France entre 1825 et 1947, soit pendant 122 ans!

En 2003, le président Aristide, avant les commémoration des 200 ans de l'indépendance d'Haïti, va revenir sur le sujet en estimant que compte tenu des intérêts échus, cette somme indument payée représente 21 milliards de dollars que l'état français pourrait rembourser afin d'aider Haïti. Évidemment, cela ne va pas plaire à Paris (pour en savoir plus, lire ICI).

Mais je m'égare .... Revenons au 14 Juillet 2010.

Le 26 juin, un nom de domaine internet diplomatiegov.fr (ce n'est pas un lien car il est désormais KO) est acquis par Mr Toussaint Louverture, domicilié 75 quai d'Orsay, 75007 Paris. C'est bizarre car cela ressemble furieusement à l'adresse internet officielle du site du Ministère des Affaires Étrangères diplomatie.gouv.fr mais en soit rien d'étonnant car il habite à la bonne adresse postale (pour vérifier, c'est sur whois).

Au début, il ne se passe rien mais le 14 juillet l'adresse s'active et apparaît un site internet qui est un excellent plagiat du site officiel du Ministère des Affaires Étrangères. Néanmoins, il y a une différence car ce qui a tout l'air d'être un porte parole officiel du Ministère annonce le remboursement par la France des fameux 21 milliards de dollars (17 milliards d'Euros) versés par Haïti à la France entre 1825 et 1947.

Évidemment, cela ne plait pas à Paris qui s'active pour faire fermer le nom de domaine internet, chose faite le 16 juillet (toujours sur whois) ce qu'il peut faire car c'est dans le domaine internet .fr.

Oui mais on ne bâillonne pas comme cela un site internet. Dès le 17 juillet, il est en ligne sur diplomatiegov.info. Suivez le lien et écoutez la vidéo!

Évidemment, cela ne passe pas inaperçu notamment à l'étranger et le ministère doit même se fendre d'un démenti discret et de quelques menaces.

Bref, un beau coup de ces adeptes canadiens des Yes Men.

Entre temps, le président Nicolas Sarkozy, recevait des chefs d'états peu démocratiques de la francafrique indépendante depuis 50 ans.

Il leur faisait le grand honneur de faire défiler des troupes de ces pays dont les hommes et femmes ont longtemps fournit les contingents d'esclaves de nos ex colonies, comme Haïti.

Comme il fallait faire un grand geste pour ce 50ième anniversaire des indépendances, il a décidé que l'on allait enfin aligner les pensions des anciens combattants des ex-colonies (tirailleurs sénégalais, etc) sur celles des anciens combattants métropolitains. Le geste est tardif mais ce n'est pas sa faute. Il est aussi peu cher ... Ils sont presque tous morts.

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