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Billet de blog 20 février 2011

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La graphie de la lettre A : son histoire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La première lettre des différents alphabets, en usage aujourd'hui, est la lettre arabe | ('alif) prononcée comme une consonne aspirée fortement gutturale à l'attaque du son, le A grec (alpha), l'hébreu א ('alef) et le A latin.

Toutes les quatre se sont développées à partir d'un processus commun qui apparaît dans l'écriture protosinaïtique vers -1500 et qui représente la tête d'un bœuf .

Le mot cananéen pour bœuf était 'alp, mais l'image en tant que signe linguistique ne renvoyait pas au mot dans son entier mais uniquement au premier son qui était prononcé ; la tête de bœuf n'avait donc qu'une valeur acrophonique. Ainsi, l'image de la lettre ('alp) signifie le son consonantique ('), qui n'existe pas dans les langues européennes.

Avec le temps et une dimension trop souvent négligée dans l'évolution des langues, aussi bien à l'écrit qu'à l'oral, la divine paresse, la forme de l'image du bœuf se modifia. Dans la deuxième moitié du deuxième millénaire avec l'ère chrétienne, on peut observer dans l'écriture protocananéenne les modifications suivantes :

C'est à peu près vers -1000 qu'on trouve la forme classique du phénicien ('alef) :

Même la lettre ('alef) dans le sud de l'Arabie et en Ethiopie se sont développées à partir de l'image d'une tête de bœuf. De

et de

naquit progressivement le signe

en usage de nos jours encore.

Lorsque les Grecs vers -1100 adoptère l'alphabet protocananéen, la forme définitive des ('alef) n'était pas encore constituée. En grec ancien, vers les 8è et 7è siècles avant l'ère chrétienne, on trouve trois formes différentes de (alpha). L'une ressemble au phénicien ('alef) :

les deux autres opèrent comme un mouvement de rotation :

C'est cette dernière forme qui fut adoptée dans l'écriture grecque. Tous les autres peuples en dehors des Grecs qui adoptèrent le système d'écriture alphabétique, y compris les Romains, utilisèrent cette même forme. C'est ainsi que le A devint la première lettre de notre alphabet latin.

Mais les Grecs n'utilisèrent pas cette lettre comme consonne ('), qui n'existe que dans les langues sémitiques, mais comme signe de la voyelle A.

L'hébreu ancien ('alef) se développa de la manière suivante à partir de l'écriture phénicienne :

La dernière forme apparaît à la fin du 7è siècle ou au début du 6è siècle avant l'ère chrétienne et est attestée par exemple dans les manuscrits de la Mer Morte écrits en hébreu ancien. De cette lettre ('alef),

provient la lettre qu'on trouve dans l'hébreu samaritain, encore employé aujourd'hui :

L'araméen ('alef) apparaît également vers les 7è-6è siècles avant l'ère chrétienne emprunté au phénicien :

C'est à peu près au 5è siècle qu'il prit sa forme classique adoptée dans la nouvelle écriture hébraïque ;

à cette occasion la jambe gauche de la lettre fut rallongée. C'est sous cette forme qu'on la trouve dans les manuscrits de la Mer Morte :

déjà presque semblable à sa forme dans l'alphabet hébraïque moderne.

C'est de la forme araméenne de ('alef) :

que naquit encore sa forme nabatéenne (l'Arabie actuelle) selon le processus évolutif suivant :

C'est cette forme qu'on trouve déjà dans les documents d'origine nabatéenne d'écriture cursive au premier siècle après l'ère chrétienne et qui est utilisée dans l'alphabet arabe actuelle.

Inscription sur l'ossuaire de Caïphe, grand prêtre au Temple de Jérusalem de 18 à 36 de l'ère chrétienne, portant son nom (Ber Kaïpha).

L'ossuaire de Caïphe avec son nom gravé.

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