Michel ALBA (avatar)

Michel ALBA

Professeur de lettres, poète, rêveur

Abonné·e de Mediapart

82 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 février 2011

Michel ALBA (avatar)

Michel ALBA

Professeur de lettres, poète, rêveur

Abonné·e de Mediapart

SIONISME ET ACTUALITÉ : LA RÉVOLUTION SIONISTE EN MARCHE

Michel ALBA (avatar)

Michel ALBA

Professeur de lettres, poète, rêveur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

SIONISME ET ACTUALITE : La révolution sioniste en marche

Par 'Haim OUIZEMANN

Pour aschkel.info et lessakele.

Avec autorisation de l'auteur et du magazine Le Météor page 26

«Le Sionisme n'est pas un parti politique. L'on peut y adhérer quelle que soit l'appartenance à un camp politique… Le Sionisme, c'est le peuple juif en marche» (Benyamin Zeev Herzl- Premier Congrès sioniste - 1897)

Un consensus brisé ?

Barak Hussein Obama, Président des Etats-Unis, Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission européenne et Ban Ki-Moon, Secrétaire des Nations-Unies, redoublent d'efforts afin de contraindre Benyamin Netanyahou à accepter la frontière artificielle de la ligne verte et entériner un état de fait faisant fi de toute considération historique, imposé, cependant, par les accords d'armistice de 1949. Ces accords israélo-arabes, signés après la guerre d'Indépendance, ne constituent qu'une démarcation temporaire et non point des frontières définitives. Ainsi donc, les Juifs devraient renoncer à leurs grands centres spirituels: Hébron, Sichem (Naplouse), mais surtout Jérusalem, capitale éternelle du peuple juif, la Vieille Ville revenant à l'Autorité palestinienne qui s'acharne à nier le caractère juif de l'Etat d'Israël. Au même moment, le mouvement sioniste estudiantin «Im Tirzou», dirigé par Ronen Shoval, a invité l'ensemble des députés du parti travailliste (Avodah), à s'associer à une proposition de loi qui préserverait à la fois l'héritage d'Its'hak Rabin (Zal) sur la question de Jérusalem, la Capitale unifiée et indivisible du peuple d'Israël et l'unité nationale du peuple d'Israël. La réponse ne s'est pas fait attendre. Le parti travailliste, par la voix de ses députés, a refusé d'y apposer sa signature, alors qu'I. Rabin aurait pu en être lui-même l'initiateur et le digne signataire. En effet, Its'hak Rabin, natif de Jérusalem, reconnut «l'éternité de Jérusalem comme capitale d'Israël» et ajouta que «Jérusalem indivisible et unifiée fut et restera à jamais la capitale du peuple d'Israël sous souveraineté israélienne… Jérusalem n'est pas sujet à discussion» (Discours prononcé à la Knesset le 15 mai 1995). Le rêve de retour à Jérusalem, le cœur d'Eretz- Israël, chanté par le poète et philosophe Juda Halevi et déclamé dès la première strophe de la HaTikva (*1) ne serait-il plus qu'éphémère? Le consensus de Jérusalem comme entité indivisible n'est-il pas en voie d'imploser? La volonté tendant à satisfaire coûte que coûte les prétentions mensongères des Palestiniens pour des raisons d'étroite politique politicienne ne tend-t-elle point à ébranler l'idée sioniste et sa réalisation historique?

De Sion au Sionisme

Etre sioniste. Que recouvre l'idée sioniste aujourd'hui? Quelle importance revêt la présence juive en Eretz-Israël et comment l'appartenance à l'idéologie sioniste influe-t-elle sur l'identité juive? Comment revivifier le souffle sioniste qui animait tant les fondateurs de l'Etat hébreu dans une ère où il est de bon ton d'affirmer des thèses post-sionistes, en avançant un argument de taille: le souci de ne pas transformer un état sioniste incluant la Judée-Samarie (et la bande de Gaza) en un état à majorité palestinienne.

Le sionisme est un mouvement d'émancipation nationale juif qui, s'épanouissant vers la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle dans le contexte de l'émergence du principe du droit à l'autodétermination (*2) des peuples et de l'antisémitisme virulent sévissant en Europe occidentale (*3) et orientale (*4), prend son essor avec Théodore Herzl. Visionnaire moderne, celui-ci fonde les bases politiques du mouvement sioniste qui permettra en 1948, la naissance de l'Etat d'Israël, état juif et démocratique, entériné par les Nations. S'il est vrai que l'idéal porte l'homme, c'est Herzl qui, seul, portera l'idéal sioniste au faîte de son histoire. Là sera sa grandeur et son génie.

Le sionisme, loin d'être un mouvement homogène et uni, se compose dès ses origines, de multiples courants idéologiques s'opposant âprement sur la juste stratégie à mener afin de libérer le peuple juif de la vindicte des Nations. Après la Seconde guerre mondiale et l'ineffable tragédie de la Shoah (*5), tous ces mouvements vont finalement ou bien disparaître ou bien se fondre au sein de la principale mouvance politique dominée par Herzl. Moïse, vecteur de l'injonction divine: «Laisse partir mon peuple» (Ex. 10, 3)trouve un nouvel écho en la personne de Herzl.

Le sionisme politique: une révolution pacifique

Ce sionisme ne cesse d'être en marche, une marche inexorable. En quoi constitue-il une révolution à l'époque de Herzl et même jusqu'au jour d'aujourd'hui? Il s'agit bien d'une révolution car les religieux Juifs orthodoxes et les Juifs de l'Emancipation considèrent ce mouvement comme susceptible de menacer et de bouleverser leur vision du monde. En effet, ceux-ci ne vont point saisir le lien naturel et la continuité historique entre l'idée du Retour des Exilés promis par les prophètes d'Israël (Shivat Tsion: tradition du Judaïsme classique) et l'aspiration nationaliste exprimée par le sionisme. Cette crainte qui conduit au rejet du sionisme se fonde pour les premiers sur le principe selon lequel le Messie seul peut amorcer le retour sur la terre ancestrale, Messie toujours attendu, et pour les seconds, apparentés au mouvement de l'Emancipation et de la Réforme (la Haskalah), soucieux certes de préserver l'identité juive sous sa forme sécularisée, la légitimité d'une restauration politique nationale en Palestine constitue en soi un non-sens historique. La rédemption du peuple juif s'inscrit dans la reconnaissance des Nations en Diaspora, thèse que soutient alors le mouvement socialiste ouvrier du Bund.

Nombre de pionniers, à l'image de A.D Gordon, Yossef Haïm Brenner, Berl Katznelson, Ahad Ha'am (Asher Tzvi Ginsberg), David Ben Gourion (*6) vont voir dans la renaissance de la langue hébraïque et le respect de la tradition juive un élément majeur dans l'édification éthique, spirituelle et politique de l'Etat d'Israël en Eretz-Israël. S'opposant à Micha Josef Berdyczewski, partisan d'une totale coupure avec la tradition ancestrale, Berl Katznelson, socialiste et fervent sioniste déclare: «une génération aspirant à renouveler et à créer ne jette pas aux ordures l'héritage des générations… elle ressuscite l'antique tradition capable de vivifier l'âme de la génération en voie de renouvellement».

Cette révolution ne naît pas spontanément. Elle se fonde sur le génie, l'intuition et l'esprit qui anime les prophètes d'Israël au cours de l'histoire nationale d'Israël et ne constitue pas en son essence le simple contre-point de l'antisémitisme même si cela va, amplement, y contribuer. Comment imaginer qu'un peuple, le peuple d'Israël, dispersé depuis 2000 ans, imprégné de toutes les cultures dans lesquelles il s'est baigné au hasard de son histoire, puisse recouvrer son indépendance nationale, sa langue propre et édifier un état souverain en 50 ans? (*7) Rares sont ceux qui vont croire en la réalisation de cette utopie. Cela, pourtant, n'entravera pas des hommes comme Ben Gourion, le futur Premier ministre d'Israël, alors jeune pionnier (depuis 1904, Seconde Alyah) de croire à la continuité de la mission nationale et universelle d'Israël et d''œuvrer corps et âme afin que la révolution sioniste entamée par Herzl devienne réalité.

La naissance de l'état d'Israël: le rêve sioniste et sa réalisation

11 Mai 1942. Le leader de l'Agence juive, Ben Gourion, à la Conférence de Baltimore, conscient de l'émiettement et de la décadence de l'Empire britannique, déclare à la fois la nécessité de créer un «Commonwealth juif», autrement dit de poser les bases du futur «Etat juif souverain en Eretz-Israël» et invite ses voisins arabes à une collaboration fructueuse sur les plans économique, culturel et national. Le développement des pourparlers démontrent, si cela est encore nécessaire, l'inanité de cette dernière proposition. Ben Gourion se heurte, alors, à la critique non seulement de ses pairs de Ah'dout HaAvodah (dirigée par Isaac Tabenkin, représente le futur grand Mapai historique et l'actuel parti travailliste obsolescent) qui privilégiait la conquête physique de la terre d'Israël; mais aussi de la droite révisionniste (Jabotinsky) qui préférait le terme d'Etat à celui de communauté, redoutant une partition de la terre; et enfin, de la gauche radicale (Hashomer Hatsa'ir, l'actuel Meretz) partisan d'un Etat binational. Cette idée d'un état juif souverain n'est que justice rendue face à l'indignité et à l'avilissement des Juifs sous tous les régimes. En effet, si l'émancipation accorda en France l'égalité politique aux Juifs, celle-ci ne s'appliqua qu'aux individus et non à la nation juive. Clermont-Tonnerre proclame du haut de l'Assemblée nationale: «Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout leur accorder comme individus; il faut qu'ils ne fassent dans l'Etat ni un corps politique ni un ordre: il faut qu'ils soient individuellement citoyens». Si Herzl rêve d'octroyer aux Juifs un droit national qui ne peut s'épanouir ailleurs qu'en Eretz-Israël (*8), la mission pratique de sa réalisation en revient à Ben Gourion: «Etre sioniste, cela signifie lier son destin personnel à celui de Eretz-Israël, non point seulement son destin personnel mais aussi celui de sa propre famille et enfants. Seul celui qui vit, travaille en Eretz et y éduque ses fils et filles afin de bâtir et défendre Eretz-Israël est vraiment sioniste».

Une raison d'espérer: la révolution spirituelle ou l'identité sioniste d'Israël

La nouvelle révolution ne réside pas dans le bouleversement radical du temps présent et l'oubli de notre histoire mais bien au contraire dans la force de regagner les consciences afin qu'elles saisissent que l'avenir d'une nation qui ne reposerait pas sur les leçons du passé est destiné à l'anéantissement.

Le terme «sionisme» inventé en 1893 par le Docteur Nathan Birnbaum (1864-1937) n'est que difficilement adopté en hébreu. Il n'est prononcé pour la première fois par Herzl que lors du premier Congrès sioniste à Bâle (1897): «Le Sionisme c'est le peuple juif en marche». Cette phrase n'est pas sans rappeler l'injonction divine au Patriarche Abraham: «Marche pour toi» (Gen. 12, 1). Les pionniers socialistes du mouvement Bilou reprennent également cette vision de la marche d'un peuple souffrant mais confiant: «LeKhOU VeNeLKha» («Mettons-nous en Marche» Isaïe 2, 5). Dès cet instant, le mouvement Herzlien se démarque du mouvement 'Hibat Tsion (Les Amants de Sion) dont les membres, refusant la dimension politique, préfèrent poursuivre leur œuvre pratique d'implantation en Eretz-Israël.

A la lueur du message universel des prophètes d'Israël, le sionisme est destiné selon la vision Herzlienne, à devenir «un phare pour les Nations» et non point se limiter à un simple mouvement de libération nationale.

Les deux manifestes qui viennent de voir le jour, autant celui de R. Shouval intitulé «Si vous le voulez» («Im Tirtzou») que celui de Rohi Yarom de l'Institut de Stratégie sioniste «La Gauche sioniste» (*9) tentent de surmonter, comme réussira Herzl en son temps, les conflits idéologiques en révélant la nécessité de retourner aux racines de notre histoire sioniste (*10) et réconcilier la tradition juive au nationalisme sioniste en démontrant que leur rapport n'est en rien antinomique mais porteur d'espoir rédempteur. Israël ne pourra pas ad vitam eternam justifier sa présence à Jérusalem et en Judée-Samarie en s'appuyant essentiellement sur l'idée sécuritaire («Frontières de défense»). Elle se doit de rappeler fièrement que l'identité hébraïque et le maintien de l'indépendance nationale sont nécessairement liés à ces territoires où les pionniers d'aujourd'hui poursuivent courageusement l'œuvre de leurs prédécesseurs, n'en déplaise à la Gauche radicale. Ainsi Benyamin Netanyahou, aux diatribes révisionnistes de l'Unesco osant renier le lien historique entre le Tombeau des Patriarches à Hébron et le Tombeau de Rachel à Beit-Le'hem, déclare: «Il y a plus de 4000 ans que ce lien profond existe... Plus d'un milliard d'hommes connaissent ce lien inscrit dans le livre des livres, la Bible. Il n'est pas permis de déformer les faits historiques à des fins politiques». Ainsi la nouvelle proposition de loi de Ouri Ariel (I'houd Léoumi), signée par près d'une cinquantaine de députés tous appartenant à l'échiquier politique israélien (à l'exception du parti travailliste) a pour objectif de classer Jérusalem zone prioritaire nationale, afin d'accélérer le développement économique, éducatif, social, culturel et touristique de la Capitale d'Israël en vertu de «la loi de Jérusalem» (30-7-1980) et en préserver son caractère juif.

En 1966, l'année précédant la Guerre des Six Jours qui permet la réunification de Jérusalem, Shay Agnon déclare, devant la digne assemblée qui lui remet le prix Nobel de littérature: «Je suis né dans une des villes de Diaspora. Cependant, il m'a toujours et en tout temps semblé que j'étais natif de Jérusalem». Les gouvernements démocratiques, touchés de cécité historique, ne se montrent guère favorables à la cause sioniste. C'est pourquoi, Israël, seule parmi les nations, ne comptant que sur ses propres forces, doit agir dans le sens de l'esprit des premiers fondateurs. Toute révolution ne peut aboutir que si la vive détermination du peuple, uni dans la défense de son identité nationale, se fonde sur son inaliénable indépendance politique. Il n'est point de plus grande preuve que la présence d'Israël en Eretz-Israël. Chaque Juif se doit de proclamer haut et fort, à la manière du président Kennedy en visite à Berlin: « Ani Yéroushalmi» («Je suis Hiérosolomytain»).

Haim Ouizemann

(*1) «Nous n'avons pas encore perdu l'espoir, Espoir vieux de 2000 ans, D'être un peuple libre en notre pays, Le pays de Sion et Jérusalem».

(*2) Thomas Woodrow Wilson, Président des Etats-Unis, est l'initiateur du concept du droit à l'autodétermination («Les Quatorze Points», 1918).

(*3) L'antisémitisme éclate en Europe occidentale malgré l'émancipation accordée pour la première fois en Europe aux Juifs de France le 20 Septembre 1791.

(*4) En Europe orientale, les pogroms de 1881 sévissant après l'assassinat d'Alexandre II et les lois antisémites de mai 1882 sous le règne du Tsar Alexandre III provoquent l'émigration massive de près de 600 000 Juifs russes vers les Etats-Unis, préférant le Nouveau Monde à la Palestine. Au départ, une quinzaine de pionniers, étudiants socialistes du mouvement Bilou (acrostiche d'un verset emprunté à Isaïe 2, 5: «Maison de Jacob, allons, marchons (à la lumière de l'Eternel)»)- choisissent de monter en Eretz-Israël. A la tête de ce mouvement, Israël Belkind et Devorah Sirout soutenus par Charles Netter, le fondateur de la première ferme agricole «Miqwe Israël». Ils fondent Guedera en 1884. A cette date, il ne reste plus que 48 membres du mouvement qui disparaît en 1886, au moment où Léo Pinsker publie son livre «Auto-émancipation».

(*5) Le sionisme et la constitution de l'Etat d'Israël ne sont pas la conséquence directe de la Shoah mais son prolongement.

(*6) David ben Gourion est l'initiateur et membre du cercle d'études hébraïques et du concours biblique qui se déroule chaque année à Jérusalem.

(*7) 50 ans séparent la réunion du premier Congrès sioniste (1897) du Plan de partage de 1947 où les Nations-Unies déclarent le principe d'un Etat juif.

(*8) Le projet Ouganda que l'on reproche à Herzl ne devait en aucun cas, selon lui, se substituer au projet initial du retour en Eretz-Israël, mais ne constituait qu'une étape transitoire-provisoire avant que les conditions idéales du grand Retour ne soient réunies. La faction russe au sixième Congrès sioniste (1903) s'oppose à cette interprétation et croit que l'Aliyah directe constitue la véritable réponse historique que rien ne saurait freiner.

(*9) Paru sur le site Institut de stratégie sioniste («The Institute for Zionist Strategies»).

(*10) Herzl lui-même confie dans son livre-manifeste «l'Etat juif» (1896) qu'il s'agit d'«une idée ancienne». Le Rav Yehouda Elkalay, le Rav Tzvi Kalisher et Moïse Hess furent les précurseurs du sionisme politique (unificateur idéologique et reconnu par les Nations).

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.