Texte paru en 97ème commentaire de l'article de Cyrille Rodolphe Gallion « Réponse à Christophe Barbier sur les vieilles et les vieux... » paru dans Médiapart en ligne du mardi 21 avril 2020
Les jeunes et les vieux
Je partage tout à fait le point de vue exprimé dans cet article et l'aurais partagé à n'importe quel âge, car cela concerne les valeurs humaines en général, qui ne souffrent aucune discrimination. « L'âgisme » est est une et il faut le proclamer dans une société où on ne cesse de s'élever, à bon droit, contre toute forme de racisme, car celle-ci est insidieuse, cachée par le masque hypocrite de la sollicitude de nos gouvernants et de certains experts passés maîtres dans l'art de la duplicité et qui n'ont rien à faire des soi-disant « vieux ». Je ne développe pas, les illustrations ne manquent pas.
Ce mépris réel des gens âgés va jusqu'à l'inconséquence dans un domaine privilégié par les « élites » : l'économie. La proposition scabreuse de confiner plus longtemps les personnes âgées a fait long feu. On pourrait penser que ce fut un ballon d'essai pour voir jusqu'où les gouvernants pouvaient aller dans les atteintes à la liberté, mais ce serait de la médisance, n'est-ce pas ? On se contentera de souligner que d'abord cette proposition était contraire à l'éthique – ce dont le gouvernement n'a cure – et sans doute à la légalité, et que ensuite elle était irréalisable et dangereuse économiquement (cela le gouvernement peut l'entendre !). Les gens de plus de 65 ans représentent (source INSEE actuelle) plus de 20% de la population française, un cinquième. Et ces personnes ne donnent pas que dans l'associatif bénévole, ou la solidarité familiale, elles consomment, voyagent, vont au restaurant, à l'hôtel, font des croisières, participent au développement culturel etc. bref, ont un rôle très important dans le fonctionnement de l'économie (on a bien insisté sur le désarroi des restaurateurs, des agences de voyage au bord de l'asphyxie). Un gouvernement qui ne voit pas la richesse que produisent ces « vieux » et qui aurait voulu les confiner plus longtemps ?
Mon dernier point est plutôt philosophique. Il concerne l'habitude intellectuelle, qui peut devenir dangereuse, de catégoriser, de classer. Si la catégorisation est pertinente dans certaines sciences et dans l'administration, elle l'est beaucoup moins ou pas du tout quand on parle de la vie des humains. Parler des « vieux » et des « jeunes » c'est figer du vivant, c'est là du langage administratif ; mais on n'est pas vieux ou jeune comme on est cheminot, fonctionnaire ou banquier. L'humain est pris dans une dynamique du vivant : les vieux ont été jeunes forcément et les jeunes deviendront vieux, du moins on le leur souhaite. La vieillesse est une étape de la vie et non une case. Il faut manquer singulièrement d'intelligence et d'imagination pour ne pas être sensible à cette vérité évidente. On classe ainsi sans doute par aveuglement (les vieux c'est les autres, je ne suis pas concerné). Paul Bourget disait : «Nous savons bien que nous mourrons, mais nous ne le croyons pas ». Il suffit de remplacer « mourrons » par « vieillirons ».
Sur cette question cruciale, je recommande la lecture – accessible sur le Net – de la remarquable et prophétique nouvelle de Dino Buzzati intitulée « chasseurs de vieux » dans le K.