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Billet de blog 30 décembre 2010

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Malbouffe culturelle

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je ne sais pas vous, mais j'ai le sentiment désagréable de faire de plus en plus de kilomètres pour m'arrêter à une bonne table culturelle. La malbouffe "culturelle" me semble partout, comme ces chaînes de magasins de fringues, toutes pareilles, qui ont envahit les centres villes piétons de nos petites villes de Province...

La droitisation de la France depuis une bonne dizaine d'années, soutenue par un individualisme prospère autant que consumériste, en serait-elle la cause ?

Bien sûr, il existe nombre de gens, qui "font des choses", créent et pas forcément du chiant intellectualisme primaire ! Mais voilà, faut savoir, connaître. Au quotidien, la soupe populaire devient de plus en plus légère.

Passant en revue les principales formes d'expression artistiques, on se rend compte, sans forcer le trait, ni cèder au cynisme facile du "bon vieux temps", que la culture "populaire" , adressée à tous rend de plus en plus c...Cherche à qui profite le crime !

La peinture, tient la peinture... Naguère elle s'exposait sur les grands murs des administrations, je me rappelle une fresque abstraite d'un certain Altmann, datée de 1969, qui s'imposait au-dessus des guichets de la Poste : interpellant les gens venus acheter des timbres, prendre un jeton pour le "Taxiphone". En 2010 ce sont des millions d'euros aux enchères, un truc inaccessible et qui ne sert à rien comme toutes les matières d'éveil que l'on supprime allègrement (sans jeu de mot) dans nos collèges !

Tenter de copier une toile de Ruysdaël ou dessiner une chaise (pas si facile) dans un jardin public : quel intérêt ?

La musique, c'est curieux cet engouement pour les comédies musicales comparable à celui des opérettes à la fin du 19 ème siècle ? Sous-produit plus ou moins bien réchauffé, pour le petit bourgeois attiré par les paillettes, éclaboussant les pages de promo-pub des émissions de variétés, exhumées des années 80 !

La littérature : contentez-vous du dernier Prix Goncourt et des turpitudes oedipiennes de leurs auteurs. C'est vrai : c'est écrit dans Google Actualités.

Le cinéma : alors bankable ou pas bankable ? "Chtis" , "Petits Mouchoirs" , bonbons, chocolats glacés ! La barquette micro-ondable avec sa belle photo de blanquette de veau bourrée de sel et de matières amylacées (pardon, de bons sentiments...) ou l'épluche légume qui coupe les doigts et des heures de mijotage ?

Bon d'accord, tout n'est pas jetable : mais quelle visibilité médiatique, quels moyens promotionnels sont-ils donnés pour permettre l'accès au plus grand nombre, de la chose culturelle ?

L'expression artistique se doit d'être subversive, susceptible d'aiguillonner la conscience : "te sauter à la gueule" ou au coeur, c'est selon ...

Deux exemples, qui nous sont encore relativement proches : l'expressionnisme de l'entre deux guerres et la contre culture US des années 67 à 70.

A noter que ces mouvements étaient forcément "à gauche".

Difficile de retrouver cette révolte pure à portée de main, aujourd'hui. Même le rap, parfois criant de subversion, est veiné par les plus pestilentiels relents du fric et du machisme !

Redonnons aux matières d'éveil leur place : donnons à tous les gosses des cours de musique, de dessin, ouvrons leurs gratuitement les portes des théatres, des salles de concert, des musées. Les clés de compréhension de toutes formes d'art sont indispensables et doivent être prodiguées largement par le service public : c'est un devoir démocratique.

La gauche doit prendre la main et exposer clairement ses ambitions sur ce point : c'est aussi un excellent moyen, pacifique et épanouissant de laisser les hypertendus du goupillon, les insomniaques du "chez nous c'est pas chez eux" et les addicts des "écritures saintes" à leur place ...

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