Lundi dernier, je n'étais pas devant TF1, et m'en félicite ! J'avais choisi d'aller au cinéma pour (re)voir un film en noir et blanc que j'adore, « le Faucon maltais » (1941), de John Huston avec Humphrey Bogart, l'impérissable Bogie et son petit retroussis de la lèvre supérieure qui fait la différence.
Il joue le rôle d'un privé dur à cuire, « hard boiled » en VO, à qui une belle évaporée vient demander de l'aide pour retrouver une précieuse statuette en or massif. Ce grand classique du film noir, sec et tendu, est une petite merveille de cynisme et de causticité. On m'avait demandé d'en faire la présentation dans une salle du Quartier latin, exercice dont je ne me lasse pas.
J'ai donc commencé par féliciter les spectateurs d'avoir préféré ce Faucon-là au vrai petit aigle de l'Elysée ! Celui qui pérorait au même moment devant un panel de « vrais gens» cornaqués par l'immense Jean-Pierre Pernaut, « journaliste préféré des Français » (sic) et conscience du terroir. Se faisant « modeste et rassembleur », le chef de l'Etat a dû beaucoup ramer, selon les commentateurs, pour tenter en vain de remonter le courant. Pendant ce temps, Bogart, lui, remontait les bretelles à un quarteron d'escrocs et de tueurs à la poursuite du faucon mythique, faisant le ménage avec une décontraction désarmante et un sourire irrésistible. Scènes rapides et bien enlevées, dialogues-mitraillettes repris du roman éponyme de Dashiell Hammett auquel, je vous l'ai déjà signalé ici, une nouvelle traduction rend enfin tout son suc.
Mon confrère Patrick Rambaud, l'heureux chroniqueur du « règne de Nicolas 1er » (dont paraît le troisième tome aussi réjouissant que les deux précédents) n'a pas raté, lui, le show (et froid) monarchique du début de semaine. Il n'en manque aucun, conscience professionnelle oblige. « Regarder Sarkozy, dit-il pourtant, est un calvaire. » Et un apostolat ! Je me souviens d'un texte où le même Rambaud saluait l'humour tonique et vengeur des Marx Brothers qui dégonfle si bien l'esprit de sérieux, la connerie sentencieuse et les solennités en tous genres. « Ils dynamitent, ils cassent, écrivait-il, ils bousculent, ils en rajoutent, ils prolongent le navrant jusqu'à ce qu'il éclate. Groucho à l'Elysée, vous voyez le travail ? Et Harpo à Matignon ? Et Chico à TF1 ? »
Il y a justement en ce moment un comique TF1 (par ailleurs un ami du président) qui affiche la pub de son prochain one man show sur les murs de la capitale et dans les stations de métro : « Bigard (re)met le paquet ». Avec photo d'un slip moulant sur lequel vient s'inscrire cette mise en garde : « Attention, spectacle vivant ! » Elégantissime provocation, n'est-il pas vrai ? Coïncidence, le nouveau spectacle de Gérard Jugnot s'appelle « le Paquet » tout court. Le temps du grand déballage serait-il venu ?
Chronique publiée dans la « Charente Libre » du 30 janvier 2010.