Je pense ces jours-ci à l'un des héros de mon enfance, le vulcanologue Haroun Tazieff, et à son film réalisé en 1965 au bord des gouffres incandescents en collaboration avec Chris Marker, « le Volcan interdit ». J'ai retenu une phrase du commentaire : « Le réveil des volcans est la réponse de la nature aux folles ambitions des hommes. » Lui, le grand Tazieff de légende, serait venu ausculter ce volcan islandais au nom de brume nordique,
l'Eyjafjallajokül. Répétez trois fois de suite, vous verrez comme c'est facile ! Eyjaf-jalla-jokül... Le nuage de cendres se répandant sur l'Europe, provoquant la paralysie du transport aérien, vient nous rappeler tout à point quelques vérités enfouies, à savoir que « la Terre est redevenue petite », comme le dit Edwy Plenel. Foutu nuage en forme de conte philosophique.
En août 1883, le volcan Krakatau, en Indonésie, avait explosé après toute une journée et une nuit d'activités paroxystiques, libérant une énergie dix mille fois supérieure à la bombe d'Hiroshima. Le cataclysme propulsait dans l'atmosphère des kilomètres cube de cendres et de poussières qui firent plusieurs fois le tour de la Terre au fil des mois. Avec pour conséquence, outre une baisse de la température, un ciel littéralement enflammé tout autour de la planète, des couchers de soleil flamboyants (dus à la diffusion de la lumière par les particules volcaniques). Deux chercheurs américains de l'Université du Texas, Donald Olson et Russell Doescher, ont émis l'hypothèse étonnante que le fameux tableau du peintre expressionniste norvégien Edvard Munch, dix ans plus tard, « le Cri » aux langues de feu embrasant le ciel, n'était que la traduction picturale dudit phénomène, tel que l'artiste avait pu l'observer au-dessus du fjord, près d'Oslo. Il avait peint, au premier plan, un personnage asexué qui se tient la tête dans les mains, la bouche grande ouverte et déformée par l'angoisse. Cri de terreur et cri d'alarme devant un monde qui sombre dans un ultime et glorieux coup de projecteur.
Deux autres « volcans » encore en activité se sont rappelés cette semaine à notre bon souvenir. Le premier est Charles Pasqua dans son rôle préféré d'accusé-accusateur pugnace devant la Cour de justice de la République. Le second, Gérard Depardieu, équarisseur porcin de son état à Angoulême, dans « Mammuth », le nouveau film (épatant) des deux « Grolandais » bien inspirés, Delépine et Kervern. Voir chevaucher le gros Gégé sur sa moto le long des routes des Charentes est le spectacle le plus réjouissant qui soit, à ne manquer sous aucun prétexte ! Si le vieux voyou drapé dans les plis du drapeau tricolore tente de tisser un âcre écran de fumée, l'acteur magnifique, enveloppé dans les voiles de la gloire, lâche un nuage d'étincelles.
Les temps sont volcaniques !
Chronique parue dans la « Charente Libre » samedi 24 avril.