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Billet de blog 7 février 2011

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Marthe et le monde

Grand-père, me voilà grand-père depuis dimanche dernier. La petite Marthe, belle comme le jour, est née au moment où nous assistons, incrédules et vigilants, au plus bouleversant des spectacles, celui de peuples asservis qui brisent d'un coup leurs chaînes, clamant sans peur leur soif de liberté, de dignité et de justice.

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Grand-père, me voilà grand-père depuis dimanche dernier. La petite Marthe, belle comme le jour, est née au moment où nous assistons, incrédules et vigilants, au plus bouleversant des spectacles, celui de peuples asservis qui brisent d'un coup leurs chaînes, clamant sans peur leur soif de liberté, de dignité et de justice. Sa venue au monde (qui advient quand s'efface Edouard Glissant, grand poète de la vigilance) coïncide avec cette aspiration vitale de ceux qui étaient sans voix et se font soudain entendre, haut et fort à Tunis comme au Caire, semant partout la graine d'un fol espoir. L'utopie, disait naguère Théodore Monod, ce n'est pas ce qui est irréalisable, mais irréalisé. Ainsi, le printemps des peuples sonne le glas des dictateurs. Tremblent donc tourmenteurs, prédateurs accapareurs, chloroformeurs et destructeurs qui se sont maintenus si longtemps au pouvoir par les armes de la terreur et du mensonge, avec, comme on sait, la complicité cynique des dirigeants de nos démocraties avachies et marchandes.

Au moins, ma petite-fille aura reçu ces événements en héritage, son grand-père ose le croire. «Oui, devenir aïeul, c'est entrer dans l'aurore», écrit Victor Hugo dans «l'Art d'être grand-père», livre de poèmes magnifiques dont je redécouvre la tendresse inspirée. Pour la peine, je vous recopie l'un d'entre eux nommé «Chant sur le berceau», il est de circonstance.

« Je veille. Ne crains rien. J'attends que tu

t'endormes.

Les anges sur ton front viendront poser

leurs bouches.

Je ne veux pas sur toi d'un rêve ayant des formes

farouches.

Je veux qu'en te voyant là, ta main dans

la mienne,

Le vent change son bruit d'orage en bruit

de lyre

Et que sur ton sommeil la sinistre nuit

vienne sourire.

Le poète est penché sur les berceaux qui

tremblent

Il leur parle, il leur dit tout bas de tendres

choses,

Il est leur amoureux, et ses chansons ressemblent

aux roses (...)

Il adore ces nids de soie et de dentelles,

Son cœur a des gaietés dans la fraîche demeure

Qui font rire aux éclats avec des douceurs telles

qu'on pleure (...)

C'est dit. Plus de chansons. L'avenir qu'il

réclame,

Les peuples et leur droit, les rois et leur

bravade,

Sont comme un tourbillon de tempête où

cette âme s'évade. »

Comme le vieil Hugo, je me penche sur un berceau pour lire l'avenir du monde.

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