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Billet de blog 8 novembre 2010

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Grosses bêtes à l'écran

Mardi dernier devant ma télé, ne réussissant pas à me décider entre « King Kong », de Peter Jackson, et « Je vous ai compris », le docu-fiction de Serge Moati sur le général De Gaulle, j'ai zappé de l'un à l'autre, passant incontinent de France 2 à France 3, entremêlant deux histoires et deux destins n'ayant apparemment rien en commun, c'est le moins qu'on puisse dire !

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Mardi dernier devant ma télé, ne réussissant pas à me décider entre « King Kong », de Peter Jackson, et « Je vous ai compris », le docu-fiction de Serge Moati sur le général De Gaulle, j'ai zappé de l'un à l'autre, passant incontinent de France 2 à France 3, entremêlant deux histoires et deux destins n'ayant apparemment rien en commun, c'est le moins qu'on puisse dire ! Expérience schizophrénique plutôt surprenante, en vérité. D'un côté la « bête politique » se morfondant à Colombey et aspirant de tout son être à revenir aux affaires, de l'autre, la bête désirante désespérément isolée sur son île mystérieuse.

De Gaulle et King Kong, donc, anachronismes vivants dans leurs mondes respectifs. Aussi solitaires l'un que l'autre, et tous les deux doués d'une incontestable aura dans un environnement trop petit pour eux. Le premier devant affronter, après les avoir encouragé, les factieux de l'Algérie française, bien décidés à mettre à bas la gueuse, le second ayant à se défendre des monstres voraces prêts à le dévorer tout cru. Sortant de leur retraite respective, nos deux « grosses bêtes » font preuve d'une farouche énergie pour s'imposer face à la montée des périls. Le général ( Patrick Chesnais étonnamment convaincant dans la gestuelle comme dans la diction) est animé par sa passion quasi-mystique pour la France éternelle, le gorille géant par son amour fou pour la frêle jeune femme blonde (Naomi Watts) qui vient de débarquer dans sa jungle de pacotille en compagnie d'une troupe d'explorateurs et de cinéastes aux intentions peu avouables.

Plus de trois millions de téléspectateurs ont suivi la saga gaullienne, beaucoup moins le remake de « King Kong ». A l'onirisme enfiévré des aventures exotiques de la belle et la bête, les Français ont préféré le récit réaliste du retour du grand Charles au pouvoir en 1958. Mon exercice de zapping, tel le jeu du cadavre exquis cher aux surréalistes, m'a fait recomposer une fiction délirante où King Kong et De Gaulle auraient échangé leur rôle. Kong trônant à l'Elysée et s'exprimant sur les ondes de l'ORTF, le général règnant sur Skull Island et laissant parler sa libido.

L'année prochaine, on le sait, c'est le « président des riches » qui apparaîtra à son tour à l'écran (« la Conquête », de Xavier Durringer) sous les traits de Denis Podalydès : pas un géant, juste un petit homme qui monte sur ses ergots et remporte le gros lot. Dans une autre fiction à venir (« le Dernier mort de François Mitterrand », de Yves Angelo d'après le livre de Raphaëlle Bacqué), le rôle de F. M. sera tenu par Fabrice Luchini. Fera-t-il oublier pour autant l'interprétation magistrale de Michel Bouquet dans « le Promeneur du Champ de Mars », de Robert Guédiguian ?

Mais j'y pense, personne n'a donc encore acheté les droits cinématographiques du roman de Giscard nous contant la liaison d'un président frenchie avec une Lady Di ? Quel dommage !

Chronique parue dans la « Charente Libre » du 6 novembre.

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