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Billet de blog 10 mai 2010

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Dénis et tabous

C'est toujours la même chose dans notre foutu pays de France : quand une vérité historique blesse ou dérange, ni une ni deux, on s'arrange poour la pousser sous le tapis. Deux exemples récents viennent nous le rappeler.

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C'est toujours la même chose dans notre foutu pays de France : quand une vérité historique blesse ou dérange, ni une ni deux, on s'arrange poour la pousser sous le tapis. Deux exemples récents viennent nous le rappeler.

Nathalie Lanzi, professeure d'histoire au collège privé de La Couldre, Deux-Sèvres, s'est vue interdire par le maire (Nouveau Centre) de Parthenay la lecture en classe d'un texte d'Ida Grinspan, déportée à Auschwitz en 1944 à l'âge de 14 ans, après son arrestation par trois gendarmes français... dans les Deux-Sèvres. Ce rappel aurait pu nuire selon l'édile à la réputation d'«une catégorie professionnelle qui, dans ces temps troubles, avait obéi aux ordres de l'autorité légitime» (sic). Autrement dit ce grand corps sans tache, célébré il y a quelques jours sur France 2 par le paillasson Michel Drucker dans le show promotionnel intitulé «Au cœur de la gendarmerie». Pourquoi ternir, n'est-il pas vrai, le souvenir des braves gendarmes de l'an 40 ? Xavier Argenton, le maire de Parthenay, a tout simplement tranché en censurant la parole d'Ida Grinspan, la survivante, au mépris d'une vérité historique établie.

C'est un député UMP, Lionnel Luca, qui, de son côté, proteste dans les médias contre un film qu'il n'a pas vu, «Hors-la-loi», de Rachid Bouchareb (sélectionné en compétition officielle pour représenter l'Algérie au Festival de Cannes). Ayant appris que la séquence d'ouverture mettait en scène les massacres de Sétif en mai 1945, son sang n'a fait qu'un tour. S'il reconnaît que «la répression des Algériens a sans doute été disproportionnée», charmant euphémisme, il en justifie haut et fort la nécessité. Pour lui et ses amis des Alpes-Maritimes, la vérité du film de Bouchareb («quelle vérité?» demande-t-il) n'est pas bonne à entendre. Faute de goût, sans doute, et insulte au drapeau que d'évoquer la barbarie de cette répression infâme qui fit quelque 30.000 morts. «Je veillerai pour ma part, au nom de la défense de la mémoire qui relève de mes attributions, affirme Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la défense, à ne pas cautionner ce film.» On n'attend plus que le verdict de Frédéric Mitterrand, arbitre des élégances et oracle de la culture.

Dans la France du repli, du non-dit et des tabous, les petites mains du déni historique continuent leurs travaux de couture. Cette semaine, le «Besson d'or» (la plus haute récompense du Ministère de l'identité nationale) est attribué ex-aequo et à l'unanimité à MM. Argenton et Luca.

Chronique parue dans la « Charente Libre » le 8 mai.


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