On ne vous l'a pas dit, bien sûr, mais vous l'avez compris tout seuls. Celui qui a réussi à localiser, à identifier puis à abattre Oussama Ben Laden dans son repaire d'Abbottabad, n'est autre que ce vieux Jack Bauer, le héros cabossé et sacrificiel de la série « 24h. Chrono », à la tête d'un commando de la CTU à la technologie hautement sophistiquée.
Lui, n'a de compte à rendre qu'à David Palmer, le président black qui a précédé Barack Obama à la Maison Blanche. Depuis la « situation room », son successeur entouré d' Hillary Clinton, du vice-président Joe Biden, du secrétaire à la défense Robert Gates, ainsi que d'une poignée de généraux et de responsables du renseignement ont le regard tourné, le dimanche 1er mai, vers un écran invisible sur la photo publiée dans la presse du monde entier.
La légende nous explique qu'ils suivent en direct le déroulement de l'assaut contre la villa de Ben Laden. Un suspense de 40 minutes, parfait timing télé, rendu possible par les caméras fixées sur le casque des membres du commando. Les visages sont graves, tendus, les mâchoires serrées, les gorges nouées. Dame Hillary, main sur la bouche, semble n'en pas croire ses yeux et se retient de crier. Jack Bauer, le « sauveur du monde libre » aux méthodes expéditives, a gagné la partie une fois de plus dans sa lutte à mort contre le mal (incarné). Ici, la réalité dépasse la fiction, comme on disait jadis.
Il en va de même avec un autre personnage maléfique, lui aussi sanctionné par une fin tragique, et qu'un film, depuis peu sur les écrans, vient rappeler à notre bon souvenir. Ce film s'appelle « l'Autobiographie de Nicolae Ceausescu ». Il dure trois heures, sans le moindre commentaire, sans un carton ou une incrustation pour nous expliquer qui est qui et qui fait quoi dans la radieuse République socialiste de Roumanie.
C'est un montage brut des archives du régime tournées dans le seul but de glorifier le génie des Carpates (et son épouse bien-aimée Elena) tout au long du quart de siècle de son règne, entre 1965 et 1989. Pure propagande, bien sûr, et la plus grotesque qui soit, en un déferlement d'images trompeuses odieusement mises en scène. Discours au balcon de son palais, meetings, réceptions d'hôtes illustres tels De Gaulle et Nixon (car le tyran a pris ses distances avec le grand frère soviétique), visites d'usines et de chantiers, chasse à l'ours, défilés grandioses, fêtes d'anniversaires, liesse populaire et chars fleuris « sous les cieux lumineux du communisme ». Sans oublier les voyages dans la Chine de Mao ou la Corée de Kim Il-sung (donnant lieu à des chorégraphies proprement monstrueuses). Voire en Angleterre où le couple est reçu avec un faste particulier, partageant le carrosse de la reine à travers les rues de Londres. Ici et là, le conducator serre des mains sans regarder son vis-à-vis, il écoute, impavide et la lippe méprisante, les compliments superlatifs qu'on lui adresse.
On est saisi par la profondeur du mensonge. Même l'image « vraie » (en ouverture et fermeture du film) de l'interrogatoire du couple lors de leur « procès » semble fausse On sort de cet hallucinant spectacle incrédule et titubant.
« I have to go », comme disait Jack Bauer, le parano de service...