Rarement, un pouvoir en place n'aura semblé plus caricatural. Il l'est même à vrai dire un peu plus chaque jour, avec ses pataquès et ses volte-face, ses dérapages et ses rétropédalages. C'est la cacophonie, ça rame, ça tire à hue et à dia, ça s'emberlificote, ça s'empêtre. Ils ont beau faire, le prince et ses conseillers ont perdu la main, spectacle assez plaisant, au demeurant.
Ils s'agitent comme des pantins, brassent du vent, mais c'est comme si on ne les entendait plus, sous les risées de la nation tout entière. Ils ont fini par devenir leurs propres marionnettes, tout chez eux sonne faux, rhétorique, gestuelle et jusqu'à leur voix même. Ils ont peur et cherchent les coupables. Ne viennent-ils pas de réduire drastiquement le budget de la malheureuse Insee, pour mieux casser le gênant thermomètre du malaise social.
Ils tremblent devant les caricaturistes, billettistes et autres humoristes qui les épinglent et les étrillent si drôlement et si cruellement, à commencer par Stéphane Guillon. Comment les faire taire? A la tête de Radio France, le vigilant Jean-Luc Hees, longtemps l'André Rieux des ondes du service public, fait le dos rond et jure ses grands dieux qu'il est hostile à toute forme de censure, tout en présentant ses plates excuses à Eric Besson pour le portrait dressé par ledit Guillon, vous savez : ses « yeux de fouine » et son « menton fuyant ». L'humour a ses frontières, profère-t-il doctement, parodiant Joseph Prudhomme. Son fidèle valet Val, quant à lui, le chansonnier dont la mère croit qu'il est philosophe, ne sort plus de son bureau de France inter, se cache, couleur de muraille.
Bref, le pouvoir sarkozyste se transforme sous nos yeux en comédie de boulevard, et la plus fourbue qui soit avec ses grosses ficelles. La rumeur qui court sur les infidélités du couple élyséen a pris les proportions d'une affaire d'Etat. Au vaudeville, né sur les fonts baptismaux du Fouquet's, viendrait se greffer maintenant une sombre tentative de déstabilisation sur laquelle le contre-espionnage français a été chargé d'enquêter. C'est ce qu'a affirmé en tout cas l'arrogant Pierre Charon, celui qui mène la barque de l'évanescente Carla. Un « complot organisé », martèle-t-il, mettant en cause Rachida Dati, soupçonnée d'avoir lancé la rumeur. Ce à quoi Carla n'a pas tardé pas à apporter, pour tout compliquer, un démenti catégorique. Trop tard !
Mais je pense à une chose, ce projet de film que Woody Allen (le Feydeau de Manhattan) devrait bientôt tourner en France, et pour lequel il a pressenti notre first lady, pourquoi son scénario n'intégrerait-il pas la rumeur élyséenne ? Son « Chouchou » pourrait même y apparaître en guest star, et dans son propre rôle d'agité du bocal. Ca s'appellerait « Deconstructing Nico », en VF « Nicolas dans tous ses états »...
Chronique parue dans la « Charente Libre » du samedi 10 avril.