Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

57 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 mars 2011

Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

Curés noirs et âmes grises

«Des curés africains pour le salut des paroisses»: c'est le titre d'une enquête de Stéphane Urbajtel parue samedi 5 mars dans la «Charente Libre». La crise des vocations religieuses n'épargne pas le département des «cagouillards».

Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

«Des curés africains pour le salut des paroisses»: c'est le titre d'une enquête de Stéphane Urbajtel parue samedi 5 mars dans la «Charente Libre». La crise des vocations religieuses n'épargne pas le département des «cagouillards». Les deux dernières ordinations de prêtres remontent, nous dit-on, à 2009, et aucune n'est prévue cette année. A moins que le triomphe inattendu du (beau et juste) film de Xavier Beauvois, «Des hommes et des dieux», ne vienne stopper l'hémorragie... Pour autant, la profession de douanier a-t-elle été boostée par «Rien à déclarer», la nouvelle bobine de Dany Boon ?

Quoiqu'il en soit, l'Eglise charentaise est en manque: soixante prêtres en activité, une quarantaine à la retraite ou écartés pour faits de pédophilie avérée, c'est le cas du père Braud, vicaire de la cathédrale d'Angoulême.

D'où la décision de l'évêché d'appeler en renfort deux curés du Burkina Faso, les pères Marcel Zongo et Bruno Bado. Le premier officie désormais à Segonzac, le second à La Couronne. La terre de mission qu'ils découvrent sans l'avoir choisie ne se montre pas d'un accueil bien chaleureux, croit-on comprendre. Du côté des vignobles de Grande-Champagne, la présence d'un Africain, «le seul à plus de vingt kilomètres à la ronde», n'est pas du goût de tout le monde dans la paroisse. Catéchisme à la grimace. «Je suis allé frapper aux portes pour me présenter, raconte le père Zongo. Les premières fois, j'ai senti un peu d'appréhension. Certains m'ont dit : Alors, vous venez nous convertir?» Les viticulteurs du coin, sans doute plus attachés à la pérennité de leurs eaux-de-vie qu'au salut de leurs âmes, témoignent ainsi de leur méfiance et de leur repli sur soi. La tâche ne sera pas de tout repos pour nos curés de campagne.

La jeune Camerounaise Christiane Nyangono, depuis quatre ans pasteur(e) à Barbezieux, ville natale de Jacques Chardonne, est passée par les mêmes affres que ses collègues de l'autre foi. Objet de «curiosité», on dévisageait à la dérobée cette «étrangère qui n'est pas d'ici», on attendait surtout de la voir à l'œuvre avant d'accepter on non sa présence. Le temps a passé, la situation semble s'être normalisée entre elle et ses paroissiens...

Autrefois, comme on sait, missionnaires catholiques et protestants n'eurent de cesse d'établir de gré ou de force leur magistère sur le continent africain, baptisant les populations, brisant leurs idoles, imposant la croix comme message universel et Jésus-Christ comme Dieu unique. Tout en leur prêchant la soumission au maître blanc. Au nom de quoi ? De la supériorité des religions monothéistes sur les cultes animistes, bien sûr. Les «indigènes» n'avaient qu'à bien se tenir ! Les colons et l'armée maltraitaient leurs corps, les églises sauvaient leurs âmes, juste répartition des tâches en système colonial. Le sabre d'un côté, le goupillon de l'autre, «racines chrétiennes de la France» obligent, comme dirait l' «autre», le petit coq gaulois sur ses ergots.

Michel BOUJUT

Chronique parue dans la « Charente Libre » du samedi 12 mars.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.