Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

57 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 mars 2010

Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

Imposteurs

Il s'appelle Philippe Berre, il a 56 ans, il vient d'être arrêté à Charron, en Charente-Maritime, une des communes dévastées par la tempête Xynthia. Sous le nom de Le Béret, il s'était fait passer pour un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture missionné par l'Etat pour les travaux de déblaiement.

Michel Boujut (avatar)

Michel Boujut

Journaliste, critique de cinéma et écrivain

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il s'appelle Philippe Berre, il a 56 ans, il vient d'être arrêté à Charron, en Charente-Maritime, une des communes dévastées par la tempête Xynthia. Sous le nom de Le Béret, il s'était fait passer pour un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture missionné par l'Etat pour les travaux de déblaiement.

Arrivé sur les lieux en tenue kaki au volant d'un 4x4 à gyrophare (volé quelques jours plus tôt à un agent de l'Office national des forêts), il va berner la municipalité et les sociétés de location de matériel mises en confiance par sa bonne volonté et son savoir-faire... En cinq jours, il passera commande à plusieurs entreprises de la région de pelleteuses et autres engins pour quelque 55 000 euros, pots-de-vin sans doute à l'appui ! Vérification faite, le premier adjoint de Charron découvre qu'il a affaire à un imposteur. Démasqué, celui-ci se retrouve aujourd'hui en prison.

Philippe Berre, le mythomane à l'embonpoint souriant, n'est pourtant pas un inconnu puisque sous le coup de deux mandats d'arrêt, visé par pas moins de quatorze fiches de recherche émises par divers services de police et de gendarmerie. Lui sont reprochés des dizaines de délits dont ceux de filouterie, grivèlerie et escroquerie commis un peu partout en France. Depuis trente ans, il collectionne les condamnations, spécialisé dans le domaine du BTP. Mais, son «chef-d'œuvre» reste à ce jour l'ouverture d'un vrai-faux chantier d'autoroute dans la Sarthe, au printemps 1997, un tronçon de deux kilomètres au milieu de nulle part. C'est son aventure qui a très directement inspiré le beau film de Xavier Giannoli, «A l'origine», fable sociale en temps de crise où François Cluzet tenait le rôle du mystificateur. «Est-ce un héros ou un escroc?» interrogeait l'affiche. Aux yeux des habitants de la petite agglomération minée par le chômage, il apparaissait comme l'homme providentiel, un bienfaiteur bientôt dépassé par ses propres promesses, mais se prenant au jeu, première victime de ses mensonges.

Tous les imposteurs, mystificateurs, arnaqueurs et autres affabulateurs ne versent pas dans l'utopie et n'ont pas l'imagination et la force de conviction de Philippe Berre, loin s'en faut. On les retrouve pourtant au fil des jours pérorant et caquetant, libérés par feu le débat sur l'identité nationale. Retour du refoulé oblige. Ainsi, au hasard de la semaine, et après tant d'autres de son camp, de Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat et ancien du groupe d'extrême droite Occident, qui entend protéger le «corps français traditionnel» (sic) des ambitions des fils d'immigrés maghrébins. Ainsi d'Eric Zemmour, le trublion des plateaux télé, dont les provocations prennent une tonalité de plus en plus nettement raciste.

Dimanche, de grâce, évitons de voter pour les... imposteurs !

Chronique parue dans la «Charente Libre» le 13 mars.


Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.