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Billet de blog 16 mars 2011

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Apocalypse Now

«Démasquez les physiciens, videz les laboratoires»: telle était la jupitérienne injonction d'André Breton et du groupe surréaliste en février 1958, dans un tract distribué à la Sorbonne, à l'occasion d'une conférence de Robert Oppenheimer, père de la bombe A.

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«Démasquez les physiciens, videz les laboratoires»: telle était la jupitérienne injonction d'André Breton et du groupe surréaliste en février 1958, dans un tract distribué à la Sorbonne, à l'occasion d'une conférence de Robert Oppenheimer, père de la bombe A. Les vaillants surréalistes y dénonçaient la course au nucléaire, sous forme de bombes, «fussent-elles propres», aussi bien que d'utilisation «à des fins pacifiques». Ils y pointaient «les ravages dus aux déchets qui, en attendant, polluent de manière imprévisible le conditionnement atmosphérique et biologique de l'espèce». La conclusion de leur texte vengeur mérite d'être citée in extenso: «Sus à la théologie de la Bombe! Organisons la propagande contre les maîtres-chanteurs de la « pensée » scientifique ! Et en attendant mieux, boycottons les conférences vouées à l'exaltation de l'atome, sifflons les films qui endorment ou endoctrinent l'opinion, écrivons aux journaux et aux organismes publics pour protester contre les innombrables articles, reportages et émissions radiophoniques, où s'étale sans pudeur cette nouvelle et colossale imposture.» Le tract rendait hommage à l'antériorité des poètes de «La Tour de Feu» qui dans un numéro intitulé «Salut à la tempête», en décembre 1957, lançait le slogan souvent repris depuis : «Actifs aujourd'hui plutôt que radio-actifs demain!» Un demi-siècle plus tard, l'apocalypse au pays du soleil levant rend à ces textes anciens leur fureur première.

Vous les entendez aujourd'hui, les lobbyistes de la filière nucléaire reprenant tous en chœur l'hypocrite couplet du respect dû aux victimes japonaises. «Le moment n'est pas à la polémique, encore moins au référendum, osent-ils affirmer. Inclinons-nous plutôt devant la douleur d'un peuple meurtri, et n'utilisons pas ces tragiques événements pour d'indignes stratégies politiciennes» (sic). L'ineffable Alègre, le doucereux Besson, l'altière Kosciusko-Morizet, l'ombrageux Proglio, le fade Duhamel, sans oublier un ramassis de socialistes consensuels, tous continuent de nous embobiner avec leurs vérités en trompe-l'oeil, jouant avec les mots, minimisant la menace, autant que faire se peut. Et traitant du même coup d'ilote tout citoyen lucide. Pas le moment, disent-ils pour ouvrir sa gueule. Alors quand? Parlons-en, au contraire, organisons-nous, comme nous y incitaient les surréalistes de jadis, «contre les maîtres-chanteurs de la pensée scientifique». L'enjeu est de taille. Nous n'avons pas entendu jusque-là DSK sur la question. Le matois ne tient pas à s'exposer en cette période de latence intense. Nous l'avons vu sur Canal + dans sa cuisine de Washington, entre deux voyages, surveillant une grillade, tandis que Madame brassait la salade.

En 1923, un petit Japonais aux yeux grand ouverts avait vécu le «grand séisme» de Tokyo. Il s'appelait Akira Kurosawa. La catastrophe lui apprit, racontait-il, à «vaincre la peur»...

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