Mieux vaut ne pas trop attendre des cérémonies en stuc genre Césars français ou Oscars hollywoodiens. Fêtes de famille, congratulations, embrassades, palmarès en trompe-l'oeil, triomphes faciles et appels aux morts. Chez nous, le choix de Beauvois, Polanski, Sfar et Chomet + Anne Alvaro (second rôle féminin dans «le Bruit des glaçons») me réjouit, bien sûr, mais ne me console pas de l'absence de «White Material», de Claire Denis, de «Vénus noire», d'Abdellatif Kechiche, ou de «Carlos», d'Olivier Assayas. De l'autre côté de l'Atlantique, «le Discours d'un roi», de Tom Hooper, rafle la mise, formatage oblige.
Autre palmarès dominical, celui des nominés du remaniement. Pas de quoi pavoiser! Le replâtrage cache mal l'état de déliquescence d'un quarteron de nuls, d'autistes et de malfaisants. Certains dégagent, d'autres les remplacent. Ainsi notre président-suppositoire pense-t-il pouvoir regagner l'opinion en donnant un nouveau souffle à son action. Misérable calcul de maquignon. Ici, le casting est sans surprise, le scénario sans imagination, les dialogues convenus, la mise en scène aplatie et fourbue. Tous les ingrédients d'un film exécrable.
L'exact opposé, en somme, du western des Coen brothers, truculent, picaresque, délectable en un mot: «True Grit» que ces foutus Oscars n'ont pas su distinguer. Une fois encore, les frères prodiges revisitent les greniers de la mémoire américaine. Après le film noir, c'est l'épopée de l'Ouest qu'ils ressuscitent en se l'appropriant, se jouant avec jubilation des clichés et des codes. «True Grit» (autrement dit le vrai courage), ou le bonheur retrouvé des films sans toit ni loi sous le ciel des grandes plaines. Et ce, à travers le regard d'une gamine de 14 ans, Mattie Ross, orpheline résolue et pète-sec qui s'est juré de venger la mort de son papa. Cette Zazie de l'Arkansas recrute le marshall Rooster Cogburn, vieux dur à cuire à voix de rogomme, pour retrouver l'assassin. Un Texas Ranger du nom de LaBoeuf (prononcez labiffe) les accompagne dans leur chevauchée au milieu d'une nature inviolée. Ni parodie ni dérision, mais une mise en scène stylisée des lieux et de l'époque (les années 1870), un lyrisme bien tempéré, des dialogues «understatement» servis par des interprètes grandioses : Jeff Bridges, loufoque de prédilection des frères Coen, la jeune Hailee Steinfeld à l'aplomb d'enfer et Matt Damon, sourcilleux représentant de l'ordre.
Le mieux pour prolonger le plaisir est encore de se plonger dans le roman inédit de Charles Portis publié tout à point par les éditions du Serpent à plume : beau récit primitif et intense dont s'était déjà inspiré jadis un film assez quelconque d'Henry Hathaway joué par John Wayne. Titre français: «Cent dollars pour un shérif». Le «remaniement» des Coen est une réussite.