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Billet de blog 22 décembre 2014

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Courriel à un militant L.O.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Je ne sais ce que donnera notre relation épistolaire, mais je t'avouerai que pour l'instant elle me satisfait. Tu en connais beaucoup plus que moi sur le marxisme et le monde ouvrier. Je m'enrichis donc à te lire. Un grand merci à toi.

    Si nous avons des divergences, nous sommes au moins d'accord sur le fait que le capitalisme est à détruire et que l'humanité (les peuples, les masses, le monde des travailleurs etc., appelons-la comme nous voulons) doit s'emparer des outils de production, ou mieux se les réapproprier : les créations de l'homme appartiennent à l'ensemble des hommes, et non à quelques uns.

    Maintenant, par rapport au marxisme, j'ai depuis peu quelques réticences. Cette philosophie, en tout point remarquable pour décrire le fonctionnement du capitalisme, va comme lui se trouver prochainement dépassée. Non par indigence intellectuelle, mais parce que la Roue de l'Histoire, en action depuis que les hommes sont là, va prochainement dépasser ces notions. À moins bien sûr que les dérèglements imposés à notre planète ne nous envoient manger les pissenlits par la racine, à moins que l'oligarchie régnante ne réduise notre nombre aux quelques millions d'esclaves qui suffiront à sa perpétuation… Mais oublions ces hypothèses, et regardons l'avenir d'un point de vue moins pessimiste.

    Né du limon, l'homme s'est dressé sur ses jambes, a domestiqué le feu, conçu la roue, fabriqué des machines, puis s'est doté de l'outil qui le mènera dans les étoiles.

    Pour quelles raisons cette volonté de dépassement ? Pour moi, c'est par obéissance à l’injonction qui, voici quelques centaines de millénaires, l'a tiré de la boue et placé sur le premier barreau de l'échelle d'une évolution à laquelle il ne peut échapper.

    Où va-t-il ainsi ? Les monothéistes ont la réponse : l'homme s'élève peu à peu vers Dieu.

    Pour moi qui suis athée (comme toi je suppose) cette explication est simpliste. Il n'empêche qu’elle sonne juste et nous permet en partie d'y voir clair. Ainsi, sans renier le sacré, si nous remplaçons le mot Dieu par le mot Esprit, nous constatons que l'être humain, depuis son apparition en tant que tel, est passé de la pierre taillée à l'ordinateur, des grognements de l'obscurité à des concepts qui le portent à des années lumières au-dessus du vulgaire — en bref qui le font passer de la meurtrière derrière laquelle, contraint et forcé, il se tenait sur ses gardes aux balcons d'une aisance lui permettant de se projeter dans l'avenir. L'être humain se détacherait donc peu à peu de le boue (la matière) pour se diriger vers l'Esprit. Les indiens Cherokees savaient cela depuis longtemps.

    "Les révolutions sont nécessaires à la poursuite du progrès social et humain", écris-tu. D'accord avec toi là aussi, camarade, à cette remarque près : une révolution survient lorsque le cours de l'Histoire (l'évolution naturelle décrite plus haut) est freiné ou bloqué par un pouvoir se refusant à évoluer, un pouvoir totalitaire. Nous en sommes là, confrontés aujourd’hui à la toute puissance de l'argent, et la révolution (ou re-évolution) est d'autant plus indispensable que ce n'est pas seulement le pouvoir capitaliste qui nous bloque, mais aussi l'épée de Damoclès des pollutions matérielles et psychiques qui nous auront menés là où nous sommes : devant un bouleversement climatique s’apprêtant à chasser de chez eux des masses considérables de gens, les amener chez nous et bouleverser nos misérables habitudes, en fin de compte foutre en l'air l'ensemble de nos sociétés. Et n’oublions pas les produits chimiques rendant la terre stérile, ni les conflits armés qui vont en découler.

    Donc, à tous niveaux, voici l'espèce humaine polluée. Alors si, par une chance inouïe, une révolution intervenait, il faudrait que ce soit la dernière, qu'elle permette non pas une évolution momentanée, comme il en fut en 1789, en 1848 et au lendemain de la Libération, mais une évolution inscrite dans les Constitutions du monde entier. Il s'agira donc d'une prise de conscience planétaire. S'imposera alors une nouvelle dictature, qui ne sera pas celle du prolétariat, mais celle de l'être humain, exercée à l'encontre de ceux qui font tout pour l'abattre.

    Enfin, et pour que nous puissions nous raccrocher à quelque chose de positif, considérons ceci : l'espèce humaine dispose d'un nouvel outil, au moins aussi important que le furent à leur époque la roue et la métallurgie. Il s'agit de l'outil informatique, créé non pas par le néolibéralisme, qui s'en est emparé pour ne faire que détruire le peu le bon sens paysan qui nous reste, mais par des hippies américains opposés à la guerre du Vietnam, et désireux de partager ce qu'ils avaient.

    À la civilisation matérialiste moribonde va succéder celle du partage et de l'Esprit.

    C'est dans ce sens que je voudrais militer. Pour le moment, chez les cocos, chez les mélenchoniens et les paumés du NPA, mon affaire me paraît mal partie — sauf dans ma tête évidemment.

    Un dernier point, comme quoi il est difficile d'en finir : je suis allé faire une incursion dans l'histoire du trotskisme. Là, le même bordel que dans n'importe quelle organisation politique de gauche ! Mais rien d'étonnant : chacun se bat pour ses idées, et les idées ne coïncident jamais. Tant que la gauche ne visera que l'organisation matérielle de la société, elle se plantera, et la droite se dira qu'elle a de beaux jours devant elle. Mais qu'elle parvienne à transcender ses batailles de clocher, à dépasser ses rivalités idéologiques, et elle pourra enfin abandonner la meurtrière au profit du balcon, de là considérer l'immensité dont se nourrit l'espèce humaine.

     Puissions-nous nous entendre, faire quelques pas dans la même direction !

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