Casting improbable, absence d'expérience de gouvernement et image d'«étrangère» rappelé par son accent nordique... Et si l'«étrangeté» d'Eva Joly faisait d'elle l'«homme» de la situation ?
La France est en crise et les français le savent. Les 70 % d'entre eux qui soutenaient le mouvement de contestation témoignaient d'abord d'une inquiétude face à l'avenir et d'un sentiment d'injustice dans la façon dont le déclin est géré.
Les Français ont besoin de justice dans le partage des sacrifices, de consensus dans le dialogue social et de retrouver une place dans le concert des nations. Les handicaps d'Eva Joly peuvent s'avérer des atouts.
Chacun se plaît à parler de "la France, cinquième puissance mondiale", alors que nous sommes en 8 ème position en P.N.B. en parité de pouvoir d'achat, seul indicateur qui vaille, dépassés par la Grande Bretagne, la Chine, l'Inde et bientot par le Brésil. En P.N.B. par tête nous sommes passé de la 9ème à la 37ème place en 40 ans.
Le montant de la dette accumulée depuis 30 ans est inexorablement alimentée par des dépenses publiques qui sont couvertes par seulement 55 % de recettes en 2009 et 2010. Le déficit commercial dont on ne parle pas encore, se creuse et appauvrit le pays, effet notamment de la perte d'un million d'emplois dans l'industrie au cours des dix dernières années;
Apres avoir aussi longtemps vécu à crédit, la question n'est plus de savoir s'il va falloir se serrer la ceinture mais comment va-t-on répartir les efforts et comment va-t-on changer la société pour la rendre plus économe en énergie et en matière première pour épargner la planète et... rétablir notre commerce extérieur.
L'homme providentielle élu en 2007, après s'être attaché tous les symboles de l'élitisme clinquant d'une société de consommation exacerbée, à bout de souffle, yacht, Fouquet's, Rolex, Air Sarko One... a définitivement perdu la confiance du peuple le jour ou celui-ci a compris qu'au lieu d'être le père de la nation le président s'est rabaissé à n'être que le père de ... son cancre de fiston !
Ses barbouseries contre Médiapart et les journalistes, son instrumentalisation de la justice dans les affaires Clearstream ou Bétancourt ne rehausse pas son image !.
Face au déclin la France a soif de Justice, de rigueur morale et d'équité. Eva Joly a acquis ses lettres de noblesse dans ces domaines. Elle porte mieux que quiconque les valeurs que les français réclament pour accepter d'affronter la réalité en face et oeuvrer ensemble au sursaut qui redonnera une espérance à notre jeunesse. Cette exigence de justice et de morale publique peut peser dès la campagne comme une contrainte sur les principaux candidats de droite comme de gauche.
L'hypothèse de l'homme providentiel ayant fait long feu, il convient de gouverner à l'opposé de l'hyper-présidence; Le rebond passe par une appropriation collective des enjeux et de leur gravité. Cela exige un véritable dialogue social, une culture du consensus, une adaptabilité dans la sécurité, des garanties négociées. Autant d'éléments qui caractérisent la culture du Nord de l'Europe. Eva Joly possède cette culture et elle peut symboliser avec plus de légitimité que quiconque cette espérance.
Enfin, face au déclin, le repli identitaire ou nationaliste est une des tentations omniprésentes qui touche les pays européens et qui menace la France. Sur le plan économique, c'est le risque d'une albanisation mortifère ou sur le plan moral d'une honteuse mise au ban des nations.
A la perte d'influence économique il est inutile d'ajouter l'abaissement de la nation des droits humains. La double nationalité d'Eva Joly symbolise l'ouverture internationale qui est la tradition et l'honneur de la France. Elle l'oblige aussi plus qu'un ou une autre à la vigilance pour tout ce qui pourrait porter atteinte à l'identité et la cohésion nationale.
Le profil atypique et notamment ses handicaps supposés sont donc autant d'atouts pour que le nouveau mouvement écologiste dépasse sa vocation première, pèse de façon décisive sur les événements et gagne dans les échéances qui nous attendent dans les mois et années qui viennent.
Michel Coste
économiste et sociologue