En règle générale, une analyse de gestion de crise nécessite de:
- connaître l’adversaire et se connaître soi-même.
- identifier les risques en les classant par gravité.
– définir un objectif.
– lister les stratégies.
À la suite de cela, il devient possible de choisir une stratégie et il conviendra de la réévaluer tout au long de l’avancement de la crise. Il sera indispensable d'y associer une stratégie de communication adaptée.
1 – Qui est précisément l’adversaire ?
La priorité c'est de le connaître, le comparer avec des situations connues, noter les analogies et surtout cerner précisément les spécificités vis à vis des autres épidémies récentes ( grippe espagnole, asiatique, de Hongkong, SRAS, MERS, Ébola, H1N1, VIH,... ), des plus anciennes (peste, choléra), et aussi des infections virales traditionnelles (grippe saisonnière, rougeole, variole...).
En l’occurrence, l’adversaire est un virus qui est marqué par trois caractéristiques :
- faiblement dangereux, notamment si l’on compare à Ebola et même à la grippe: la morbidité est surtout une co-morbidité comme pour la grippe, c'est à dire qu'elle intervient en présence d’autres éléments de faiblesse.
- pas de traitement à ce jour, ni évidemment de vaccin, plus long à mettre au point. Ce point contrebalance largement la faiblesse relative du virus comparé à la grippe, qui elle bénéficie d'un vaccin, certes plus ou moins efficace. Celui-ci limite la morbidité à 8 à 15000 cas par an, en France.
- très fortement contagieux, avec une durée longue de contagion avant et après les symptômes, pour ceux qui en ont. La moitié des porteurs ne présente pas de symptômes.
Ce fait confirme ces deux caractéristiques essentielles : cela montre la faiblesse du virus, qui n'est sans aucun effet sur la moitié des personnes qu’il infeste. Mais cela est un caractère fortement aggravant de la contagiosité, car celle-ci devient invisible dans trois-quarts des cas de transmission.
On voit bien que si l'on s’en tient au premier critère, on passe à côté de la réalité et on dit « c’est juste une grippette ». On oublie alors que c'est une grippette fulgurante, qui tue certes moins de 0,1 % de ses victimes, mais réalise cela dans une période très condensée, et touche énormément de monde, cela signifie des urgences débordées et des camions de cercueils.
Or, l’expérience chinoise et les messages de l’OMS auraient dû nous alerter. Les experts chiffrent précisément ces éléments de morbidité et contagiosité.
La mobilisation extraordinaire des chinois, pourtant peu soucieux de la vie humaine, si l'on se rappelle les 10 000 morts de la place Tian'anmen, montrait pourtant qu'ils ne géraient pas une petite grippette.
Les autres spécificités qui convenait de prendre en compte, sont que:
- on ne sait pas si le virus s’éteint tout seul.
- on ne sait pas si comme la grippe, il s'éteint avec les beaux jours.
- on ne sait pas s’il n’y a pas de risque de réinfection, c’est-à-dire que le phénomène d’immunisation ne se mette pas en place après la maladie.
Après avoir étudié l’adversaire, les analogies avec des cas connus, les spécificités de la situation nouvelle, il convient de faire le même exercice d’analyse concernant ses propres forces et faiblesses, puis de faire un comparatif par rapport à d’autres pays confrontés à la même situation.
Les points de faiblesse vis à vis de la maladie sont très vite connus grâce aux informations venues de Chine :
- les personnes âgées, donc les Ehpads.
- Les personnes fragiles soufrant notamment de pathologies cardio-pulmonaires, diabète, obésité, donc les « clients » des hôpitaux et des médecins de ville.
- Les rassemblements et lieux de confinement de masse qui constituent un terrain de jeu idéal pour ce virus hyper-transmissible.
- Les arrivées en provenance de pays déjà contaminés du fait, toujours, de l’hyper-transmissibilité. Danger d’autant amplifié par la transmission cachée (porteurs sains (50%) et porteurs en incubation avant le déclenchement des symptômes ou malades guéris mais encore contagieux). Ainsi, la prise de température à l’arrivée des avions pratiquée dans d’autres pays, ne peut détecter que moins d’un quart des porteurs.
Les faiblesses spécifiques à la France, qui ont dû apparaître dès mi-janvier aux décideurs :
- la très large ouverture internationale du pays.
- la faiblesse conjoncturelle du système de santé en conflit social larvé, suite à des années de réductions budgétaires.
- l’absence de stock stratégique de produits de protection de base.
- Le souvenir douloureux de la préparation coûteuse de l’offensive du H1N1, qui n’est pas venu, et n’incite donc pas à l’anticipation.
- La conjoncture conflictuelle (grève de l’hiver, après Gilets Jaunes.)
- La conviction de bénéficier du meilleur système de santé au monde, combiné avec une certaine arrogance française.
Ainsi, si l'on veut se comparer par exemple aux pays d’Asie (Chine, Corée du Sud, Japon, Taïwan, Vietnam...) qui ont été les premiers touchés et qui, on le sait maintenant, ont géré efficacement la situation, il y a des différences manifestes avec nous.
- L’expérience de 3 ou 4 épidémies au cours des dernières décennies, tant pour la population que les dirigeants et administrations.
- Une culture exacerbée du respect d’autrui et de l’hygiène, qui se traduit traditionnellement par le port du masque dès le moindre rhume.
- Une culture de la discipline et du respect de l’autorité très forte. Et cela aussi bien dans les régimes autoritaires tels qu’elle la Chine, que dans les démocraties comme le Japon, Taïwan ou la Corée. A noter que ce pays a pu destituer et emprisonner une présidente en exercice accusée de corruption, ce qui montre une démocratie et un état de droit particulièrement solides.
- Une économie florissante et un outil productif industriel local performant. Ces pays fabriquent pour le reste du monde, molécules pharmaceutiques de base et les accessoires sanitaires nécessaire à la protection, masques, écouvillons...
Par contraste, la France, et certains de ses voisins, sont en situation de faiblesse sur l’ensemble de ces points.
Il est à noter que ces éléments sont largement méconnus ou sous-estimés de tous les experts ou pseudos experts qui se sont exprimés sur la question.
A titre d’exemple, puisque les USA ne rentrant pas dans notre réflexion stratégique, car atteints ultérieurement, on peut relever notamment en se comparant à eux :
- une grande fragilité de la population américaine avec un taux d’obésité extrêmement élevé, ainsi que de diabète et différentes pathologies.
- Une infrastructure de santé bien meilleure que la nôtre avec 30 lits de réanimation pour 1000 habitants, contre 6 en France (7 en Italie, et 25 en Allemagne).
Il y a aussi à prendre en compte, si l'on a bien noté l’hyper-transmissibilité de ce virus dès le début de l’étude stratégique, la question des variations majeures de l’acceptabilité de la mortalité d’un sinistre, en fonction du focus médiatique:
les 8 à 15 000 décès par an causés par la grippe, passent totalement inaperçus, car repartis sur 5 mois d’hiver. Il en est de même pour les 48 000 morts dû à la pollution, car ils sont répartis sur toute l’année, et restent invisibles et impalpables. Un virus,ayant un caractère exceptionnel, bénéficie donc d’un focus médiatique, ce qui change totalement l’acceptabilité de la mortalité qui lui est liée.
Ainsi, un accident d’avion faisant 150 victimes, focalisera l’attention médiatique, alors que les 300 morts par accident de la circulation automobile survenus au cours du même mois, ne déclencheront aucun intérêt et aucune émotion, voire même de l'hostilité si l'on s'avise de vouloir les réduire.
Cela peut paraître irrationnel mais c’est un fait essentiel à prendre en compte dans une réflexion stratégique. Cet élément peut passer à côté de la réflexion d’un médecin, qui sera porté à privilégier les données brutes et sous-estimer l'impact psycho-sociologique des événements. Il est de la responsabilité du politique de connaître la sensibilité de son peuple.
Il convient aussi, à ce stade d’état des lieux, d’évaluer l’acceptabilité par l’opinion publique de mesures contraignantes.
Cette acceptation est corrélée à la confiance accordée aux dirigeants du pays et au niveau de stabilité sociale de celui-ci. Elle est aussi fortement corrélée à la visibilité du danger qui pèse sur la population.
Il y a là un paradoxe, car les mesures préventives sont d'autant plus difficiles à supporter qu’elles sont efficaces, car leur efficacité supprime la survenue du drame et la visibilité du danger et donc la compréhension de l’intérêt des mesures. Il en va ainsi du terrorisme.
2 – quel est l’objectif : éviter, contenir ou amortir. ?
L’objectif se doit d’être clair et unique même si différents objectifs peuvent se succéder dans le temps en fonction de l’évolution de la situation.
Il convient de faire la part entre les objectifs officiels officieux, conscients et inconscients, pour arriver à exprimer une volonté claire sur laquelle il est possible de communiquer en direction de tous les agents contribuant à la mise en œuvre de la stratégie et permettant de l’atteindre.
La définition de l’objectif intègre des considérations de santé publique, de préservation de la bonne marche de l’économie et des équilibres budgétaires, ainsi que des éléments politiques.
Concernant un virus, il convient de choisir entre deux objectifs : soit on veut éviter que sa population soit touchée ou le moins possible, soit on souhaite atténuer simplement les effets de celui-ci, et organiser un atterrissage en douceur aboutissant à l’immunisation d’une grande partie de la population, et ainsi l’extinction de l'épidémie. Cela dépend notamment de la faisabilité de chaque option, et de l’évaluation de l’importance que l’on accorde à une immunisation de la population comme solution de long terme.
Le premier objectif n’a évidement de sens que si la réflexion est menée, et les décisions prises avant l’arrivée du virus ou au tout début de son implantation sur le territoire. Le premier cas en France date du 24 janvier et de ce jour la réflexion de gestion de crise qui a été menée précédemment cesse d'être théorique mais rentre dans le vif. Les hypothèses d'action deviennent des nécessités si jamais les décisions avaient butté sur le caractère hypothétique de la réflexion de gestion de crise.
-Éviter :
cela veut dire vouloir que son territoire et sa population ne soient pas atteints par le virus. C’est la stratégie de « la forteresse » ou « zéro mort ».
C’est la stratégie adoptée par la Norvège, l’Islande, Taïwan, la Russie, avec plus ou moins de réussite.
-Contenir :
c’est limiter Les dégâts au minimum et préserver le reste de la population. Cela veut dire mettre toute son énergie pour contenir la brèche et la colmater. Cela suppose d'en avoir les moyens.
C’est la stratégie mise en œuvre par la Corée du Sud, la Chine ou l’Allemagne.
-Amortir :
c’est freiner la propagation du virus tout en acceptant qu’il se propage, en ayant pour finalité que la population soit largement immunisée et que le virus ne soit plus en mesure de s’exprimer. On estime à 60 à 70% le niveau d’immunité nécessaire au sein d'une population pour l’extinction de l’épidémie. Cette stratégie que l’on peut qualifier de Darwinienne, suppose d’ accepter que les plus faibles soit soumis au risque et éventuellement éliminés.
C’est la stratégie affichée dans un premier temps par Boris Johnson ainsi que par les Pays-Bas ou le Brésil.
3 - Quelles méthodes choisir : Barrières et confinements :
- les barrières
Elles visent à freiner la vitesse de propagation du virus soit à titre préventif, soit pour faciliter la contre-attaque, soit pour étaler dans le temps une contamination acceptée.
- Masques, gel hydro-alcoolique, lavage de mains, distance de sécurité...
- Interdiction de réunion de groupe: danse, concerts, match, cérémonies...
C’est essentiel dans le cas d’un virus à propagation hyper rapide. Une seule personne, porteuse dans un rassemblement de 999 personnes qui repartent aux 4 coins du pays, peut contaminer celui-ci. C’est le cas du rassemblement pentecôtiste à Mulhouse qui a lancé la généralisation de l’épidémie en France. De même un rassemblement musulman en Malaisie a propagé la contamination dans plusieurs pays.
- Les confinements :
Il y a quatre types de confinement possibles :
- périphérique
- Localisé
- Ciblé
- Généralisé
A/ Confinement périphérique : le pays évite les contacts avec le reste du monde.
Donc, fermeture quasi totale des frontières, et mise en quarantaine systématique des arrivants.
Cela permet de continuer l’activité interne, mais pose des problèmes relationnels diplomatiques et des difficultés pour gérer les travailleurs frontaliers. C’est plus simple dans les pays insulaires grâce à un simple contrôle aux ports et aéroports. Taiwan semble avoir réussi ce pari, grâce à la combinaison avec des mesures barrières nombreuses.
Cela aurait pu être décidé suffisamment en amont ...
C’est particulièrement efficace et relativement peu coûteux.
B/ Confinement localisé : la partie du territoire touchée est isolée totalement du reste, pour faire la « part du feu », mais préserver l’extérieur de la zone ainsi assiégée. C’est le cas de la peste de Marseille en 1720.
Cela a été utilisé par la Chine avec Wuhan, entre autres techniques. C’est très efficace si le périmètre est le bon, et s'il est bouclé sans fuite, mais cela donne une sensation de sacrifice, et de violence des méthodes. Difficile dans une démocratie. la France ne l’a pas retenue pour l’Oise ou la Savoie. En revanche, c’est une information importante que de constater que la Chine l’a mis en place, car c’est un indicateur de la gravité du facteur contagion pris en compte par les Chinois.
C/ Confinement ciblé : consiste à vouloir préserver au maximum l’intégrité de la population après un démarrage de l’épidémie, en identifiant et colmatant les brèches.
Dès qu’un foyer est identifié, il est géré de façon individualisé. Les malades et leurs proches sont testés et confinés dans des lieux dédiés, les porteurs du virus d’un côté, les personnes ayant été en contact avec eux, de l’autre.
C’est la méthode utilisée par la Corée du Sud. Cela demande de la méthode, de l’énergie et de la discipline. Un système de traceur anonymisé à partir des portables a été mis en place pour retrouver tous les contacts de façon fiable. C’est coûteux mais efficace. Cela doit être associé au confinement «périphérique« ainsi qu’aux mesures barrières pour freiner l’apparition de nouveaux foyers ou clusters. Le but est, que la majeure partie de la population soit totalement à l’abri du virus et continue à travailler, et que chaque foyer soit rapidement identifié et traité.
Le confinement est strict et l’alimentation des confinés est assurée par la puissance publique.
C’est la méthode qui a été utilisé au tout début en France pour la famille du chinois âgé décédé tout début février et pour le foyer de Creil (déclenché par les militaires ayant encadré le voyage des rapatriés de Wuhan mis en quarantaine, mais eux ne l’ayant pas été), ainsi que pour celui de SAVOIE.
Mais les digues ont cédé très vite devant l'ampleur de la tache et l'absence de mesures combinées, telles que les barrières. La réunion pentecôtiste de Mulhouse a fait exploser le système.
D/ Confinement généralisé :
Il consiste à geler l’activité d’un pays pour réduire les occasions de contact entre personnes et réduire la diffusion du virus.
Il ne permet pas de supprimer la diffusion, car demeurent de nombreuses interactions, ne serait-ce qu’avec les forces de l’ordre chargées de le faire appliquer, et lors des ravitaillements et promenades, ainsi que dans les zones de non-droit.
Il peut ralentir la flambée de contamination, mais difficilement la supprimer. Il doit donc se prolonger longtemps, sauf à passer à une phase de tests généralisés et de confinement ciblé. A moins de parier sur une extinction du virus de lui-même avec l’arrivée du printemps, comme c’est le cas pour la grippe, qui est elle, déjà terminée.
Il a un coût phénoménal à moyen terme pour la société.
La première étape est la fermeture des écoles, qui déstabilise déjà l’activité des entreprises, en raison des personnels ayant charge de famille, et devant gérer les enfants.
Le confinement généralisé demande communication, mais aussi coercition, car il s’adresse à des gens qui ne se sentent pas directement concernés. Ils n’ont donc pas la peur et le réflexe de protection nécessaires pour s’auto-motiver.
4 – Quelles sont les conséquences dans chaque cas ?
Les anticipations doivent se faire à court, moyen et long terme, en s’intéressant à tous les aspects de la vie du pays, des pays voisins comme des individus.
En matière de stratégie de crise, il convient dans chaque situation, d’imaginer les conséquences les pires qui puissent arriver et de s’y préparer. C’est le principe même de la gestion d’une crise.
Ainsi, par exemple, en cas de confinement généralisé, il est prévisible qu’il y ait un effet "domino". La crise sanitaire déclenche une crise économique, qui déclenche une crise financière, voire une crise sécuritaire.
En effet, le temps passant, les forces de l’ordre mobilisées pour faire appliquer le confinement, surtout si elles ne sont pas équipées, vont être très touchées, les premiers morts vont apparaître au bout de 15 jours, se multiplier sur la quinzaine suivante, les malades seront nombreux, éventuellement l’exercice du droit de retrait activé. Concomitamment, les difficultés d’approvisionnements peuvent apparaître, suite à la multiplication des droits de retrait, des confinements, des maladies tout au long de la filière du producteur au distributeur, en passant par le transporteur. Des pannes électriques et donc de réseaux de communication peuvent intervenir du fait des désorganisations et des sous effectifs.
La tension peut monter et des phénomènes de pillages se déclencher et conduire à une ambiance à la MadMax. C’est évidemment l’hypothèse la pire. Elle paraît inimaginable, mais rappelons-nous qu’il y a moins d’un an, l’arc de triomphe était vandalisé et le centre de Paris régulièrement dévasté.
En matière économique, l’arrêt de l’activité pendant deux à trois mois se traduit par une baisse du PNB (croissance négative) de l’ordre de 10% et non de -1 comme annoncé. Dans le domaine du tourisme, hôtellerie, restauration, la chute sera de 50 à 70% sur l'année 2020 en cumulant l’effet des grèves et du Coronavirus, les touristes ne retrouvant pas le chemin de la France avant l’année prochaine. Dans la foulée les commandes d'avions tarderont d'autant.
En matière internationale, à la recherche des conséquences potentiellement pires, il convient de s’intéresser à l’Afrique qui sera inévitablement largement touchée, ne serait-ce que par la présence de Chinois ou d’Européens dans les rouages de l’économie, ou du retour de travailleurs immigrés en Europe. L’absence de structures sanitaires et administratives solides ne permettrait pas d’endiguer une contamination de type hyper-contagieuse. En Afrique les populations âgées seraient potentiellement décimées. Or la pyramide des âges est déjà très écrasée. L’âge médian du continent est de 20 ans. Dans deux pays, il est de 15 ans et demi. Or les anciens représentent l’autorité, la structure, la paix sociale. Une hécatombe chez les anciens en Afrique, c’est la porte ouverte à une déstabilisation complète du continent, dont déjà la Libye ou le Soudan, ainsi que les régions contrôlées par Boko Aram sont des zones sans état, soumises à la loi des bandes.
5 - Évaluer et revoir la stratégie.
A chaque évolution, il convient de réévaluer les connaissances, les objectifs et les méthodes. C’est pourquoi dès le départ, il est nécessaire d’avoir planifié les besoins en moyens humains et matériels, y compris pour les options non retenues initialement, pour pouvoir faire face à l’obligation d’un changement de stratégie.
A chaque étape et à chaque constat d’échec d’une stratégie, il convient de réévaluer la totalité de l’analyse et changer de méthode et parfois d’objectif.
Ainsi dans l’urgence et une improvisation apparente, (même si certains éléments mis en place très rapidement dénotent un minimum d’anticipation) la France est passé en confinement généralisée. La stratégie sous jacente n’apparait néanmoins pas claire.
Si la volonté de calmer l’inflation de décès médiatisée est évidente, la sortie de confinement n’est pas claire. Au bout de 3-4 semaines d’un confinement très rigoureux - que nous avons du mal à faire - le stock de contaminations d’avant confinement est passé. Les contaminations intra confinement se tarissent relativement en 4 semaines supplémentaires. Là, en l’absence de masque pour les forces de l’ordre notamment, il reste une contamination résiduelle qui explosera à la levée du confinement.
Quel objectif choisir ? Pour atteindre un objectif d’immunité d’une majorité de la population il faudrait six mois au moins, de confinement supplémentaire forcément incomplet pour pouvoir y arriver en évitant les poussées spectaculaires. L’espoir d’une extinction spontanée ou d’un médicament miracle relève d’une vision optimiste qui est une notion qui n’a pas sa place dans une analyse de gestion de crise.
Le retour sur une stratégie « contenir » en s’appuyant sur la combinaison des confinements localisé et ciblé avec barrières généralisées nécessitera un nombre de tests supérieur au 2 millions dont la commande est annoncée. Donc il est difficile de lire une stratégie cohérente dans les informations données...
6 – Comment communiquer ?
Sur des sujets touchant à la vie et à la mort, et nécessitant des changements de comportements rapides et majeurs de la part de tout ou partie d’unE population, la communication est extrêmement importante. Les impératifs sont parfois contradictoires :
- Ne pas créer de panique donc parfois édulcorer et donc mentir.
- Ne pas mentir de façon visible pour ne pas perdre son autorité.
Le passage est étroit.
Ainsi dans l’hypothèse d’un confinement généralisé, Lorsque la durée de vie du virus chez l’humain est de 3-4 semaines entre la contamination et la fin de la contagion, on ne peut constater le moindre bénéfice avant 4 semaines. Auxquelles il faut ajouter une période équivalente pour consolider les effets de la réduction de la circulation du virus. Difficile socialement de communiquer sur une telle durée. D’où un risque politique pour le pouvoir qui apparaît soit menteur, soit dépassé par les événements et en pleine improvisation.
Quand cela s’ajoute à la volonté de cacher que l’on a réellement été dépassé par les évènements et que l’on croit judicieux d’expliquer que « les masques ne servent à rien » ou que « la population ne saurait pas s’en servir » alors que le monde entier les utilise, la crédibilité du pouvoir devient fragile.
De plus lorsqu’on est en confinement généralisé, la population passe des heures devant les chaines d’information et les mensonges et approximations deviennent évidents et sont matraqués en continu.
La cohérence de la communication est évidement très importante pour rassurer la population et garder sa confiance. Cela exige que la stratégie soit bien intégrée par ceux qui communiqueront ainsi clairement. Cela suppose que la stratégie elle-même soit cohérente et clair…
L’opinion publique a spontanément, en règle générale, le reflexe de se regrouper derrière le chef comme cela a été le cas lors des attentats de 2015 au profit (passager) de François Hollande ou lors de la guerre d’Irak, au profit de Georges W, Busch, permettant sa réélection.
A l’inverse, une communication lamentable peut conduire le gouvernement à se trouver dans le rôle du bouc émissaire ! En effet, comme l’a très bien analysé René Girard, une calamité amène toujours la recherche d’un bouc émissaire. Ce fut pour d’autres épidémies, les sorcières ou bien les juifs. Ce fut peut être encore le cas lors de la grippe espagnole de 1919 avec les suites que l’on connait à l’égard de cette communauté.
Les réseaux sociaux regorgent de théories complotistes qui fonctionnent encore pour beaucoup d’entre elles, sur ce même ressort antisémite.
Le gouvernement ferait cependant un coupable expiatoire plus acceptable. Les erreurs de communications que je n’aurais pas la cruauté de répertorier en font un candidat solide.
En toute hypothèse, il conviendra de rendre des compte et il est souhaitable que cela se fasse dans le calme et non dans un mouvement de colère populaire que l’on sent sourdre sous la forme d’un pogrom de dirigeants.
En conclusion quelles sont les erreurs qui ont été commises et à quels stades ?
A l’évidence tout ce travail de réflexion stratégique de routine n’as pas été fait dès la phase d’alerte, début janvier, et aucune des décisions de précaution minimum pouvant permettre la réussite des différentes stratégies n’a été anticipée.
Ou alors l’identification des caractéristiques du virus n’a pas été réalisée correctement, et une vision « au doigt mouillé », consistant à retenir le principe d’une « grippette » a été validée, et toute la réflexion stratégique a été bâtie sur du sable.
L´hypothèse de l’absence de véritable réflexion stratégique semble être validée par l’incohérence des décisions prises.
Les matériels de barrages utiles en complément de toutes les stratégies aurait dû être commandé au cours de la seconde quinzaine de janvier et non à la mi-mars.
Si la réaction ciblée était la doctrine comme cela a été le cas début février, les écouvillons et les réactifs auraient dû être commandé en masse pour pouvoir pratiquer comme l’Allemagne qui procède à 20 fois plus de tests que nous.
De même, le confinement « ciblé » utilisé face au 6 premiers cas français, ne s’est pas accompagné des indispensables mesures de confinement périphérique, et mesures barrages nécessaires pour que cette technique efficace, mais lente et besogneuse, ne soit pas débordée. Il était illusoire de croire que dans un environnement ouvert, nous allions pouvoir longtemps remonter méthodiquement les filières depuis chaque patient zéro.
La non réévaluation de l’analyse stratégique au vu de l’évolution italienne qui a laissé semble-t-il nos responsables dans un état de sidération ou de désintérêt méprisant alors que la symétrie est évidente. Nous les suivons de 11 jours et nous atteindrons notre millier de morts quotidiens, 11 jours après eux. Nous n’avons pas utilisé de décalage pour nous préparer et commander le matériel manquant.
Le maintien de la Fashion week et l’accueil de supporters italiens pour le match Lyon-Turin, montre une méconnaissance du besoin de confinement périphérique pour maintenir une zone préservée.
La décision de maintenir les élections municipales ne pouvait être déléguée à des médecins et des scientifiques, comme l’affirme la version officielle, car ceux ci ne sont pas sensés savoir que lors du dépouillement, dans les 36000 communes françaises, des agglomérats de militants et citoyens curieux allaient se former autour des tables de dépouillement, ce qui peut représenter facilement un demi-million de personnes agglutinées. Un politique le sait. C’est à lui de prendre ses responsabilités.
Ces différents points posent à nouveau la question du choix de l’entourage du président, après l’affaire Benalla, après le départ de la totalité des conseillers de l’Elysée et d’un extraordinaire nombre de ministres.
Au delà de la responsabilité politique ou pénale de nos dirigeants, la question du management et du schéma intellectuel du président se pose. Pourquoi ne s’entoure-t-il pas de gens compétents et pourquoi ne leur fait-il pas confiance, s’il y en a ?