Trois arguments :
- les risques,
- les conflits d’intérêts,
- les rentes.
D’où :
1/ la nécessité de protéger les déposants qui en sont les créanciers obligés sans pouvoir exercer de contrôle sur les risques pris par la banque avec leur argent
et
2/ la nécessité de prévenir le risque de destruction du système financier résultant des faillites bancaires.
°°°
Comme leur nom l’indique, les établissements de crédit courent des risques de crédit, c’est-à-dire le risque d’être mal remboursés. Quand un établissement mal géré prête sans analyse ni précaution, ce risque est initial et microéconomique. Il s’aggrave et devient macroéconomique quand la conjoncture s’inverse et que des crédits initialement bons deviennent mauvais.
Il ne s’agit pas de supprimer les risques de crédit, raison d’être des établissements. Mais de les gérer prudemment. Et d’éviter de les disséminer chez des investisseurs incompétents par la titrisation, comme l’ont fait les États-Unis avec les subprime, et comme propose de le faire la Commission avec son dangereux projet d’Union des Marchés de Capitaux européenne.
°°°
Beaucoup d’établissements de crédit ont outrepassé leurs métiers initiaux pour gagner plus d’argent en allant sur les marchés financiers. Ils ajoutent alors des risques de marché aux risques de crédit intrinsèques. Pire encore, ils ne se contentent pas d’aller sur les marchés, ils les animent, les tiennent, et ne cessent d’inventer de nouveaux produits financiers qui dérivent les uns des autres et parient les uns sur les autres, augmentant sans limites les risques d’instabilité qui peuvent les emporter, et avec eux leurs clients, leurs créanciers et le reste de l’économie.
Seule l’interdiction de ces activités, en particulier spéculatives, éviterait ce risque supplémentaire que leur fonction principale de crédit ne rend pas nécessaire. Tout au plus pourraient-ils investir dans certaines entreprises sous forme d’actions ou d’obligations, avec l’engagement de garder ces titres durablement, et non pour spéculer ; et en les évaluant eux-mêmes, non selon les caprices des marchés financiers et autres agences de notation.
Quant à l’argument d’aller sur les marchés pour protéger des positions risquées, on a vu que ces chaînes de protection, en temps de crise, devenaient chaînes de défaillances. Les risques pris doivent être limités au départ, pas protégés par des contreparties qui s’évanouissent quand on en a besoin[1]. L’installation des coussins gonflables et des ceintures de sécurité n’a pas supprimé les limitations de vitesse ni les contrôles d’alcoolémie.
°°°
De même, il existe un conflit d’intérêts intrinsèque entre le prêteur et l’emprunteur, comme entre un producteur et un consommateur quelconques. Mais si l’établissement se met à pratiquer d’autres activités, il multiplie les conflits d’intérêts, par exemple entre les clients qu’il aide à placer des emprunts sur les marchés, et les clients dont il gère l’épargne : il sera tenté de placer les mauvais emprunts dans les placements des épargnants mal informés ; et le fait effectivement. Il est même arrivé qu’une banque crée à dessein des produits financiers de mauvaise qualité pour les vendre à ses clients tout en spéculant contre eux.
Seule une interdiction faite à tout groupe financier, même étranger, de pratiquer à la fois le crédit et la gestion pour autrui supprimerait ces sources supplémentaires de conflits d’intérêts.
°°°
Quant aux rentes prélevées par la finance sur le reste de l’économie, elles excèdent le juste prix des services effectivement rendus : dépôts, gestion des moyens de paiement, crédits. C’est une question de mesure. Les rémunérations et bonus exorbitants prélevés par les dirigeants et spéculateurs de ces centres de pouvoir en font percevoir le caractère parasitaire ; s’y ajoutent les sommes dépensées en influence politique, journalistique et universitaire. En dernière analyse, ce sont encore largement eux qui rédigent ou modifient nos lois bancaires, européennes et françaises.
°°°
Le gigantisme des principales banques mondiales en a fait un oligopole trop puissant et trop coûteux. Leurs fautes de gestion ont naguère été financées par la collectivité tout entière. De nouvelles réglementations font qu’à l’avenir leur sauvetage sera dans une plus grande proportion financé par leurs actionnaires, leurs créanciers obligataires, et aussi leurs clients, via les frais de tenue de compte qui iront alimenter les fonds de sauvetage. Financé ainsi par une collectivité plus restreinte, mais dont leurs dirigeants ne font toujours pas partie…
Pour réduire ces prélèvements indus, en période normale comme en période de crise, il faut plafonner par la loi la taille de ces établissements, qui est la principale source de leur puissance et de leur rentabilité excessives. Interdire l’espace économique européen aux plus gros mastodontes étrangers pour les fonctions essentielles : crédit, dépôt, gestion des moyens de paiement[2].
[1] Il serait intéressant d’avoir accès aux transactions de la Deutsche Bank sur les produits financiers dérivés effectuées à Londres mais enregistrées dans la juridiction secrète du Delaware.
[2] Actuellement, nos paiements par carte VISA sont contrôlés depuis les États-Unis, qui peuvent à tout moment en connaître, ou même les bloquer, comme ils l’ont fait pour la Russie : ce qui ne gêne que les citoyens russes, pas les oligarques...