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Billet de blog 14 septembre 2016

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Séquestrons les biens sans maître

Notre président demande d’intensifier la lutte internationale contre les paradis fiscaux ; vœu pieux. Mais ne lutte pas en France. Des citoyens fortunés échappent à l’impôt grâce à des sociétés écrans à l’étranger. On nous dit qu’il faudrait une coopération internationale, qui n’arrive jamais. Alors qu’on peut facilement résoudre le problème au seul niveau national, et sans attendre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait partie de la Constitution française, exige une « contribution commune également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Parmi ces contributions, nous avons l’impôt de solidarité sur la fortune, l’impôt sur le revenu, la CSG.

Pour les calculer, il faut connaître la fortune de chaque citoyen et ses revenus. Mais certains citoyens en dissimulent une partie dans des sociétés écrans dissimulées dans divers pays et juridictions.

Depuis quelques années, nos dirigeants nous disent que les échanges de renseignements à la demande ou automatisés avec ces pays et juridictions vont nous permettre d’y voir clair.

Ce n’est pas le cas, comme on l’a vu avec les révélations sur le Panama, avec qui nous avons pourtant une convention fiscale.

Certains ont proposé un registre mondial des propriétaires de tous les biens. Il faudrait la coopération pleine et entière de tous les pays et juridictions. On en est loin. La quatrième directive européenne antiblanchiment prévoit aussi un tel registre, mais seulement au niveau européen.

Au lieu d’attendre un accord mondial qui n’aura jamais lieu, prenons chez nous des mesures simples qui n’exigent l’accord d’aucun autre pays, ni même de l’Europe, seulement de notre Parlement national.

Il suffit d’une loi exigeant, pour la détention de tout bien situé en France ou de droit français (une société « anonyme » par exemple), que les propriétaires personnes physiques se fassent connaître, y compris quand ils sont propriétaires à travers des sociétés écrans étrangères.

Sinon le bien serait présumé propriété non déclarée d’un citoyen français, et placé sous séquestre, comme le prévoit déjà l’article 1751 du code des impôts, ainsi que les revenus et jouissances qui en proviennent.

Ce bien sans maître serait traité comme un objet perdu, et vendu aux enchères au bout d’un an et un jour, au profit des finances publiques.

Si, dans cet intervalle, le vrai propriétaire se fait connaître, et que c’est un citoyen français, il sera soumis aux redressements fiscaux et autres pénalités, et le cas échéant aux sanctions pénales prévues en pareil cas et récemment aggravées.

Si c’est un citoyen étranger qui se présente, il devra expliciter les montages de sociétés utilisés et la liste des véritables bénéficiaires, pour prouver qu’il n’est pas un homme de paille. Dans ce cas, le séquestre sera transmis aux autorités fiscales de son pays, si du moins ce pays nous déclare les biens détenus chez lui par nos citoyens.

Ainsi, la France, qui a été la lumière du monde en 1789 pour les droits de l’homme et pour ses contributions, deviendra la lumière du monde en 2016 en matière de justice fiscale.

P.S. : l’exonération fiscale accordée aux citoyens français résidant plus de six mois par an à l’étranger est contraire à la Constitution, puisque la contribution est due par tous les citoyens. Ils doivent, comme c’est la règle aux États-Unis, contribuer à nos dépenses communes où qu’ils résident. Ce qu’on appelle « exil fiscal », et qu’on devrait appeler désertion fiscale, n’aurait plus lieu d’être, sauf à renoncer à sa nationalité française. On peut même se demander si la déchéance de nationalité, vainement brandie contre les candidats terroristes, ne devrait pas plutôt s’appliquer aux déserteurs fiscaux : un citoyen qui s’organise pour ne pas contribuer à nos dépenses communes, mérite-t-il de rester citoyen de notre pays ? Ce n’est qu’un passager clandestin.

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