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Billet de blog 15 janvier 2017

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Le stade suprême du lobbying

La (con)fusion des ex-dirigeants privés et publics et des financements privés et publics promouvant des économistes néolibéraux donne à leur idéologie une apparence d’objectivité, et d’autant plus d’influence

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 RECTIFICATIF

Mon précédent billet sur les instituts Bruegel et Peterson a suscité des protestations de M. Nicolas Véron, qui travaille pour les deux. Ce qui m’a amené à le dépublier, et à le remanier de la manière suivante.

 Il m’a communiqué des informations publiques sur les financements et la gouvernance de Bruegel qui avaient échappé à mon attention, et que je substitue ,avec mes excuses, au paragraphe où je décrivais à tort le manque de transparence de ses financements ; et  des exemples de divergences qu’ont entre eux les chercheurs de ces instituts : je supprime donc aussi le paragraphe où je les minimisais à tort.

 Il a insisté sur l’indépendance, qu’il croyait que je mettais en doute ; et sur l’objectivité, appelantdes éclaircissements de ma part, rajoutés à la fin du présent billet.

 Je ne mettais pas en cause l’indépendance des recherches de Bruegel et de Peterson, du fait qu’ils sont financés par des entreprises, ou dirigés par des entrepreneurs. Ces chercheurs travaillent en effet de manière indépendante, sans recevoir d’ordres ni des donateurs, ni de la hiérarchie. Ils ne considèrent pas travailler au service d’une idéologie[1], et encore moins de groupes d’intérêt[2]. Il n’y a pas de censure des donateurs, et il arrive que certains retirent leurs soutiens.S’il leur arrivait de dériver, il y a bien des manières d’écarter des conclusions déplaisantes, de les noyer dans d’autres textes, de « recentrer un débat », de publier tel papier plutôt que tel autre, et ces gens-là les maîtrisent parfaitement. Mais cela n’arrive pas, si le chercheur a été bien recruté. On peut en effet être à la fois sincèrement néolibéral[3] et indépendant. C’est le profil idéal de l’économiste recherché par ces instituts.

 Néanmoins, si cette nouvelle rédaction ménage mieux, comme il se doit, la réputation et l’intégrité de l’institut Bruegel, que je ne cherchais pas à ternir, elle ne change pas mes conclusions qui, contrairement à ce qu’a ressenti M. Véron, ne constituent pas une critique de ces instituts, mais une analyse sociologique et objective de la manière efficace dont ils influencent les décisions européennes et américaines. L’intitulé « stade suprême », constitue, de ce point de vue, un compliment.

***

Les instances dirigeantes de l’Union européenne sont, comme à Washington, pénétrées par des groupes de représentants des intérêts privés ; et approchées par quelques organisations citoyennes censées représenter la société civile[4], dotées de beaucoup moins de ressources financières et en personnel.

 Et, entre les deux, des think tanks[5]indépendants, sérieux, chargés de trouver le juste milieu.

 À Bruxelles, le principal est l’institut Bruegel, qui se considère lui-même comme un « bien public ». Son objectif est d’éclairer la complexité de nos problèmes par des analyses factuelles qui centrent l’analyse sur le petit nombre de choix possibles : il veut montrer (et démontrer) aux décideurs le meilleur compromis. C’est ainsi qu’à l’arrivée de la nouvelle Commission européenne, fin 2014, Bruegel lui a envoyé une série de memos sur ce qu’il convenait de faire.Il se décrit comme un laboratoire d’économie globale bruxellois, « non doctrinaire », qui « contribue à des stades variés des décisions politiques : fixer l’ordre du jour[6], donner forme aux débats politiques en temps réel, et évaluer les politiques pour proposer des améliorations. »

Sa nature distinctive proviendrait d’un « partenariat équilibré » entre des parties prenantes privées et publiques. Ses membres sont 18 États européens, 30 « corporations » et  11 « institutions » : entre autres la France, Chypre, le Luxembourg, Malte, le Royaume-Uni, Amazon, BBVA, BlackRock, Deutsche Bank, Goldman Sachs, Generali, Google, HSBC, Huawei, ING, Merck, Microsoft, Moody’s, Pfizer, Santander, la Société générale, Standard & Poor’s, UniCreditGroup, la Caisse des dépôts, plusieurs banques centrales européennes. Ses financements viennent principalement des États membres et des sociétés anonymes. Aucune contribution n’est supérieure à 5% du budget, ce qui garantit qu’aucun membre n’exerce une influence décisive sur les orientations de l’Institut[7]. Le budget, de l’ordre de 4,5 millions d’euros par an, permet l’emploi d’économistes confirmés, des publications sur divers sujets d’actualité en économie et en finance, un site Internet de qualité et une présence dense et relayée sur les réseaux sociaux ; et l’organisation en 2015 de 84 réunions[8] dans plus de 20 capitales européennes, où sont invités commissaires européens et dirigeants des États membres, entre autres.

 Il a été conçu par deux économistes français, Nicolas Véron et Jean Pisani-Ferry, devenu notre commissaire général de France Stratégie[9]. Son conseil d’administration est présidé par Jean-Claude Trichet, lui qui, voyant arriver sur l’Europe le tsunami financier des subprime, a aussitôt augmenté les taux d’intervention de la banque centrale européenne,  étranglant encore plus les banques européennes et forçant de coûteux sauvetages publics, notamment en Irlande, où la banque centrale européenne a exigé le remboursement total de tous les créanciers des banques, y compris des fonds vautours. Il écrit avoir été particulièrement inspiré par des études émanant de Bruegel, notamment sur les banques commerciales.

 « Les onze membres du Conseil ont tous des parcours à haut niveau dans le gouvernement, les affaires ou les universités ». Il fut d’abord présidé par Mario Monti, ancien commissaire européen, qui a contraint les Allemands à arrêter de soutenir leurs banques publiques régionales, seule action dont il se vante, ancien consultant de Goldman Sachs, ancien président du Conseil italien, dont il n’a pas eu le temps de redresser les finances malgré ses médecines austéritaires. Puis par Leszek Balcerowicz, ancien ministre des finances et banquier central polonais, qui a privatisé sans ménagement l’économie polonaise, ce qu’on a appelé la « thérapie de choc », de sorte que beaucoup de travailleurs polonais sont allés concurrencer dans d’autres pays européens la force de travail locale, devenue de ce fait trop chère.

 Parmi les membres du Conseil, qui décide du programme de recherches, le chef du trading macro de Morgan Stanley, après avoir travaillé à la banque centrale européenne et chez JPMorgan ; Un haut fonctionnaire du Trésor espagnol qui a travaillé chez Lehman Brothers, puis chez Barclays Capital. Le responsable du lobbying de Deutsche Telekom. L’actuel directeur du Trésor italien qui a travaillé auparavant à la Banque mondiale et chez Banca Intesa. Une ancienne de la banque centrale anglaise, à présent administratrice de HSBC et active dans le lobbying de la City de Londres. Un grand dirigeant de Pfizer. Et quelques hauts fonctionnaires et universitaires sans lien publié avec le secteur privé[10]. Son directeur est Guntram Wolff, un ancien de la banque centrale allemande et du FMI, qui a poursuivi son parcours dans les institutions européennes. Sa directrice adjointe est Maria Demertzis, une ancienne de la banque centrale néerlandaise et de la Commission européenne. Le Conseil scientifique est présidé par Lucrezia Reichlin, une ancienne de la banque centrale européenne, présentement administratrice du groupe bancaire UniCredit et du groupe d’assurance AGEAS ; et membre de la Commission économique de la nation qui conseille le ministère de l’économie et des finances français.

 Bref, que des personnalités indépendantes. Indépendantes des peuples et de leurs élus !

 Tous ces grands personnages viendraient-ils chez Bruegel gaspiller leur temps précieux, si ce n’est pour exercer quelque influence sur l’avenir du monde ? Ils décident du programme de recherche, des « questions qu’il convient de se poser », et par conséquent des questions qu’il convient de ne pas se poser.  

 Pourquoi les avoir choisis ?   Leur pedigree si particulier les rend particulièrement efficaces pour influencer, pour crédibiliser leurs préconisations auprès des décideurs actuels, leurs semblables, leurs ex-collègues… 

 Évidemment, Bruegel ne dicte pas toutes les décisions économiques et financières de l’Union européenne et des États membres. Il se contente de les guider vers « la meilleure solution ». Et il s’est donné les moyens financiers, humains,institutionnels et intellectuels pour le faire, exerçant ainsi une un influence insidieuse et persuasive. Bruegel écrit « entretenir des relations dynamiques avec les décideurs à tous les niveaux de gouvernance à travers sa double focalisation sur l’analyse et sur l’impact[11] »

 Selon le rapport 2014 de l’Université de Pennsylvanie sur les think tanks mondiaux[12], Bruegel est troisième mondial ayant l’impact le plus significatif sur les politiques publiques, et le premier hors des Etats-Unis, et donc sur les instances européennes.

***

 M. Véron, co-fondateur de Bruegel, a été nommé chercheur invité au Peterson Institute for International Economics (PIIE) à Washington : il publie désormais ses analyses à la fois sur les sites de Peterson et de Bruegel. Il y exprime une critique notable des banques et de leurs superviseurs, considérés comme incompétents ou impuissants, qui peut à première vue paraître inattendue. C’est qu’il voudrait qu’elles aient moins de pouvoir, pour laisser plus de place au libre jeu des marchés financiers, lesquels, à condition bien sûr qu’ils soient correctement régulés[13], demeurent à ses yeux les meilleurs juges de paix en dernière instance, pour une allocation optimale des capitaux…

 Les dirigeants du Peterson Institute ressemblent à ceux de Bruegel. On y retrouve les trois présidents successifs de Bruegel : Mario Monti, Leszek Balcerowicz, et M. Trichet ; Paul Volcker, l’ancien banquier central qui a porté les taux d’intérêt américains au niveau strangulatoire de 20%, causant le récession mondiale de 1983[14] ; Stanley Fischer, vice-président de la banque centrale des États-Unis, ex-gouverneur de la Banque d'Israël ;David Rockefeller, ancien président de la Chase Manhattan Bank; deux anciens dirigeants d’AIG, qui ont dû recevoir 182 milliards de dollars du Trésor américain pour éviter la faillite après avoir vendu des assurances de produits financiers couvrant Lehman Brothers, en oubliant de les provisionner, dont Maurice R. Greenberg, l’ex-directeur général, qui fait actuellement un procès au Trésor américain pour avoir été traité d’une manière aussi cavalière… ; et d’anciens patrons de British Petroleum, Sony, Chevron, Caterpillar, ainsi que d’ex-dirigeants politiques comme Ernesto Zedillo Ponce de León, ex-président du Mexique qui a copieusement endetté son pays en dollars avant de dévaluer le peso des deux tiers, déclenchant une inflation de 52% et imposant un coûteux sauvetage des banques, avant de partir, ayant ainsi fait ses preuves de financier avisé, dans les conseils d’administration de Procter & Gamble, Alcoa, Union Pacific, CitiGroup et Coca-Cola ; et aussi une enseignante dans une Business School, ancienne de General Motors.

 Président fondateur du Peterson Institute for International Economics, Peter George Peterson a aussi été président, de 2000 à 2004, de la Banque fédérale de New-York, celle qui contrôlait les banques de Wall Street, avec l’efficacité qu’on a vue ; fondateur et principal financeur de The Peter G. Peterson Foundation[15], la dotant d’un milliard de dollars, ancien PDG de Bell & Howell, puis de  Lehman Brothers ; Avant de fonder le groupe financier Blackstone. Il a été nommé le milliardaire le plus influent dans la politique américaine. Depuis 1992, c’est le principal avocat américain de la réduction des déficits publics.

 Comme l’écrit Wikipedia, L'Institut Peterson est indépendant et non partisan, et son influence dans les débats de politique économique aux États-Unis a été constatée à la fois sous des gouvernements démocrates et républicains[16] : « Son indépendance financière est liée à la fois à la multiplicité de ses donateurs et à l'importance de son fonds de dotation » …

 Le rapport de l’Université de Pennsylvanie classe le Peterson Institute premier sur cinquante des Top International Economic Policy Think Tanks, où Bruegel n’est que troisième. Mais il n’est qu’au neuvième rang pour l’impact sur les politiques publiques.

 La meilleure preuve de la totale indépendance de ces grandes personnalités n’est-elle pas leur capacité à exercer indifféremment ou successivement les fonctions de dirigeants politiques, de banquiers centraux et de banquiers privés ? Une telle indépendance n’est certes pas à la portée de tout le monde…

 En résumé, principalement des gens très occupés à un moment ou à un autre de leur carrière par les questions d’argent, comment le produire et comment le faire fructifier. Profiteurs du système, ils veulent faire prévaloir la bonne parole pour le rendre encore plus parfait, et y parviennent plus souvent qu’à leur tour.

 ***

 Avec de tels éclaireurs aussi éclairés, notre avenir devrait être profitable, sinon pour tous, du moins pour certains…

 ***

Objectivité, j’écris ton nom

 Qu’en est-il de l’objectivité de leurs recherches ?

 Je ne doute pas que ces chercheurs vérifient soigneusement leurs chiffres et leurs données, leurs tableaux et leurs graphiques, qu’ils citent exactement leurs sources, qu’ils testent la cohérence de leurs raisonnements, et les confrontent à ceux de leurs collègues. On peut considérer de ce point de vue les recherches sur les sujets économiques et financiers comme scientifiques.

Mais l’économie est une science humaine, une science sociale, une science politique, une science morale, comme on disait autrefois.

Même l’objectivité des données chiffrées se discute : les évaluer en valeur de marché, c’est déjà, sans le dire, faire un choix idéologique[17]. On m’objectera que choisir d’autres valorisations[18]  serait tout aussi idéologique, et on aura raison. Et alors ?

 Mais l’objectivité de leur interprétation est encore plus sujette à caution[19].

 En particulier dans la théorie des marchés parfaits, aboutissant nécessairement à un équilibre général (ou a plusieurs), qualifié d’optimum, avec une définition mathématique simple et apparemment indiscutable : une situation où on ne peut donner plus à l’un sans prendre à l’autre.

Mais, optimum pour qui ?

 Science politique, l’économie arrivera à des conclusions différentes en fonction des objectifs qu’on lui aura fixés.

 Si par exemple on lui demande de réduire les inégalités ou la pauvreté, on pourra trouver qu’un équilibre général comportant de fortes inégalités n’est pas du tout optimal. Et on pourra préférer une autre configuration[20], équilibrée ou pas, mathématiquement optimale ou pas, mais politiquement et socialement meilleure[21]. Même divergence si on veut protéger l’environnement ou les ressources rares.

 D’autre part et plus fondamentalement, ces chercheurs, comme tout le monde, comme vous et moi, sont en fait guidés par des choix idéologiques[22], politiques, moraux. Ils s’en croient de bonne foi largement délivrés, et ne penser qu’en raison de démonstrations scientifiquement prouvées : ils n’aperçoivent plus les soubassements idéologiques de leurs démonstrations « scientifiques »[23] ; néanmoins ils guident toujours leurs raisonnements[24].

 Mais s’il parvient à se présenter sous les dehors de la scientificité, de l’objectivité, de l’indépendance, de la neutralité, alors il devient indiscutable. Alors, comme disait Mme Thatcher : « il n’y a pas d’alternative »…

 Évidemment qu’il y a toujours une alternative, et même plusieurs. C’est l’objet même de la politique. Aux autres citoyens de les construire et de les mettre en oeuvre…


[1] Néanmoins, l’analyse de la carrière de certains d’entre eux laisse deviner le fond de leur pensée : certains ont travaillé chez Goldman Sachs, au Crédit agricole, chez Meryl Lynch, Salomon Smith Barney et Bankers trust, telle autre est encore chez Natixis, d’autres viennent de business schools ou y enseignent…

[2] C’est la grande supériorité de cette forme suprême du lobbying : ils ne travaillent pas dans l’intérêt d’un groupe d’intérêts en particulier, mais dans le sens du système néolibéral en général. On comprend donc qu’ils puissent être choqués par l’emploi du terme lobbying ; ils considèrent au contraire défendre la juste cause de l’intérêt général, et ceci de manière véritablement objective.

[3] Appelé à la rescousse, M. Philippe Ries a moqué mes « préjugés, tics de langage (l'inévitable "néo-libéral", cette valise en carton de la paresse intellectuelle) ». C’est l’occasion de rappeler que néolibéral est un néologisme dû au père et au pape du néolibéralisme, Milton Friedman, qui a écrit dans un article de 1951 : « Le néolibéralisme offre un réel espoir d’un avenir meilleur et… devient le courant majeur de l’opinion. » Courant majeur de l’opinion, d’accord.
 Quant à l’avenir meilleur, meilleur pour qui?

[4] Ce néologisme a été inventé pour remplacer le mot de « peuple », qui fait un peu trop populiste. La société civile a en outre l’avantage qu’on peut la représenter non plus par des élus plus ou moins incompétents, mais par divers experts se cooptant les uns les autres et qui combinent à leur manière les divers intérêts particuliers pour en déduire une représentation de l’intérêt général.

[5] Chars d’assaut bombardant les décideurs avec des idées à la place d’obus : c’est plus efficace.

[6] C’est l’influence la plus importante. Comme l’écrit dans ses Mémoires (p. 226) l’ancien président de la Commission européenne Delors, lui qui a instauré en Europe la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux : «  ma tâche essentielle était de m’assurer le contrôle intellectuel de l’agenda du Conseil européen ». Mais ne donner qu’une option, ou très peu d’options, est également très directif.

[7] La France donne 200 000 euros par an à cet institut.  Quand j’ai demandé au secrétaire général de l’AMF de subventionner Finance Watch, un autre think tank bruxellois voulant mettre la finance au service de la société, moins bien doté, il m’a répondu en souriant : « J’aimerais bien, mais tu comprends bien que c’est impossible ». Non, je n’ai toujours pas compris.

[8] Au Luxembourg : « prendre la concurrence au sérieux » ; à Madrid : « les gains concurrentiels de l’union économique et monétaire » : à Malte : « qu’est-ce qui marche en matière de politique du marché de l’emploi ? »…

[9] Qui a remplacé notre Commissariat au Plan, instance de concertation entre les partenaires sociaux, donc ringarde. Pourquoi notre gouvernement « socialiste » a-t-il nommé un idéologue néolibéral responsable des stratégies de notre nation ? Le 11 janvier 2017, il a jeté le masque en démissionnant de cette position pour aller diriger les 400 experts du candidat Macron, qui avait trôné à la place d’honneur du déjeuner parisien fêtant le dixième anniversaire de Bruegel : décidément, ces gens ne manquent pas de ressources ; mais M. Macron refuse, lui, de donner la provenance de ses financements, et les noms des ses experts.

[10] Des économistes sans financement privé ? Vraiment ?

[11] En effet, les décideurs n’ont pas toujours une vision claire de l’impact, notamment financier, de leurs décisions…

[12] http://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1008&context=think_tanks

[13] La régulation est un concept tiré de la physique, qui prétend à une neutralité technique permettant de remplacer les réglementations tatillonnes et les interdictions attentatoires à la liberté (financière)…

[14] Et forçant, entre autres, avec le dollar a dix francs renchérissant nos importations, notamment de pétrole, le tournant de la rigueur en France, cassant l’expérience socialiste ; mais ce ne fut là qu’un dommage collatéral, comme on dit aux États-Unis ; et comme l’avait dit un secrétaire au Trésor états-unien : « le dollar, c’est notre monnaie, mais c’est votre problème… ».

[15] M. Peterson est en outre un grand philanthrope. C’est bien connu, les bonnes œuvres sont le meilleur système de solidarité sociale, très supérieur à la fiscalité redistributive, par exemple. Sa fondation donne au moins un million de dollars par an à son institut, sur 12,5 millions de budget, seule à dépasser le plafond de 5%. Bref, il est président et principal financeur.

[16] Mais, malgré tous leurs efforts, ils n’ont pas réussi à empêcher l’élection de M. Trump, qu’ils vont maintenant avoir la lourde tâche d’éclairer de leurs lumières. Entre personnalités de ce niveau, ce ne devrait pas être complètement impossible ; du reste, les responsables bientôt nommés pour s’occuper des questions financières sont déjà du sérail…

[17] Même si ces valeurs de marché sont affectées par des impôts, voire remplacées par des données administratives, comme le traitement des fonctionnaires. Ainsi Bruegel préconise d’ajuster les salaires à la productivité, laquelle est mesurée en valeurs de marché. Cette préconisation « objective » est donc un choix idéologique, qu’ils le veuillent ou non.

[18] Par exemple en les affectant d’externalités positives et négatives, sociales ou environnementales.

[19] Bruegel a écrit que la petite Grèce tenait la grande Union monétaire en otage. Et si c’était l’inverse ? Et l’affirmation que la Grèce pourra rembourser une bien plus grande part de sa dette en restant dans la zone euro qu’en en sortant me semble très contestable. Je suis persuadé du contraire.

[20] Leur conclusion que l’Europe a trop de banques pourrait être inversée : l’Europe a des banques trop grosses.

[21] Inversement, on voit des économistes préoccupés du bien public trouver refuge dans des institutions néolibérales, et y publier des études remarquables sur les méfaits et les dangers du néolibéralisme, comme au FMI, à la Banque mondiale ou à l’OCDE, voire proposant des solutions. Malheureusement, ces institutions ne tiennent pas compte en pratique de leurs propres études, sinon parfois à titre déclaratif comme la Banque mondiale répétant sans relâche qu’il faut « lutter contre la pauvreté ». Quant à la lutte de l’OCDE contre les paradis fiscaux, elle est très articulée, sincère, cohérente et complète, mais j’y croirai quand j’en verrai les résultats concrets, qui dépendront de la bonne volonté des paradis fiscaux eux-mêmes…

[22] Tous ne sont pas austéritaires. Certains chercheurs de Bruegel ont proposé de réduire la dette de la Grèce, mais, cette fois, ils n’ont pas été écoutés. Pas plus que ceux du FMI.

[23] Ainsi, ils emploient la peu scientifique expression « cercle vicieux » pour les dettes publiques d’un État détenues par les banques du pays. Qu’on pourrait aussi bien baptiser « cercle de la souveraineté ».

[24] Quoique M. Véron  reconnaisse honnêtement dans son dernier message : « Il y a une part irréductible de jugement et d’opinion dans mon métier. » Regrettablement, je n’ai pas l’impression que cette part irréductible d’opinion soit clairement mise en lumière dans les conclusions des études publiées par ses deux instituts.

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