La plus grande des mers lunaires, Oceanus Procellarum, une plaine basaltique de 2600 km de large, n’a pas été façonnée par l’impact d’une météorite, comme on le pensait jusqu’ici, mais par une activité tectonique, révèle une nouvelle étude basée sur les observations des satellites jumeaux GRAIL. Cette étude, publiée dans Nature, montre pour la première fois que la Lune présente des rifts, sortes de vallées qui, sur Terre, se forment lorsque deux plaques tectoniques s’éloignent l’une de l’autre.

Lancés en septembre 2011 par la Nasa, les deux satellites GRAIL avaient pour mission d’établir une carte détaillée de la gravitation lunaire. La mission s’est terminée en 2012 et les scientifiques ont entrepris d’analyser les données. Jeffrey Andrews-Hanna, planétologue à la Colorado School of Mines, et ses collègues, ont étudié ces données pour la région d’Oceanus Procellarum, dont le nom signifie « Océan des tempêtes », et qui se trouve à l’ouest de la face visible de la Lune.
Comme la Terre, la Lune possède une croûte, c’est-à-dire une couche rocheuse superficielle. Les satellites de la mission GRAIL ont mesuré les fluctuations du champ de gravité de la Lune dues aux variations de la densité et de la forme de cette croûte. Andrews-Hanna et ses collègues ont découvert que la croûte qui se trouve sous la surface d’Oceanus Procellarum est bordée de structures rectilignes, avec des intersections à angle droit. Si l’Océan des tempêtes était un cratère d’impact, on s’attendrait à un bord circulaire et non rectangulaire, comme celui qu’on observe.
La carte du champ gravitationnel établie par les satellites GRAIL montre des anomalies sous la surface basaltique, que les chercheurs interprètent comme des vallées que se sont formées à des endroits où la croûte lunaire a été étirée, ce qui la rendue plus mince. C’est ce qui se produit sur Terre dans les zones où deux plaques s’éloignent l’une de l’autre, comme la vallée du rift africain, qui s’étend de la mer Rouge au Zambèze et correspond à la séparation des plaques tectoniques somalienne et nubienne.
Sur la Lune, les rifts qui bordent Oceanus Procellarum ont été remplis par de la lave, comme cela se produit aussi sur Terre. La découverte de ces vallées sur la Lune était inattendue : « On ne connaissait pas de zones de rift sur la Lune, bien qu’on les ait observé sur la Terre, Vénus et Mars », confirme Jeffrey Andrews-Hanna, interrogé dans Nature.

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Selon les chercheurs, la plaine d’Oceanus Procellarum, qui a une concentration plus élevée que la moyenne en éléments radioactifs, a pu connaître une période où elle était plus chaude que les environs. En se refroidissant, la région s’est contractée, ce qui a étiré la croûte en formant les vallées. Andrews-Hanna et son équipe ont modélisé la fracturation de la croûte sur le bord de la plaine, qui a l’allure d’un rectangle d’environ 2600 kilomètres de large. Ils pensent que la zone d’Oceanus Procellarum présente une certaine analogie avec le pôle sud d’Encelade, une lune gelée de Saturne, et que les deux régions ont eu des évolutions similaires. La tectonique lunaire n’en est qu’à ses débuts, mais elle pourrait expliquer d’autres structures géologiques encore mal connues sur les satellites des planètes du système solaire.