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Michel de Pracontal

Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Billet de blog 9 avril 2016

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Samedi-sciences (207): les archéologues évaluent les destructions à Palmyre

Le site archéologique de Palmyre, repris à l’État islamique fin mars 2016 par une coalition de forces syriennes, russes et iraniennes, après un an d’occupation de l’EI, a souffert, mais cela aurait pu être pire.

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Illustration 1
Destructions dans la partie moderne de Palmyre due aux frappes aériennes et aux combats © BBC

Le site archéologique de Palmyre, repris à l’État islamique fin mars 2016 par une coalition de forces syriennes, russes et iraniennes, après un an d’occupation de l’EI, a souffert, mais cela aurait pu être pire. Bien que des dégâts très importants aient été causés à la fois par les combattants de l’État islamique et par les frappes aériennes russes et syriennes, la situation n’est pas aussi grave que l’on aurait pu le craindre, selon une évaluation qui vient d’être réalisée par une équipe d’archéologues de l’ASOR (American schools of Oriental Research). L’ASOR est une organisation à but non lucratif qui associe de grandes universités des États-Unis.

Illustration 2
L'arc de triomphe de Palmyre en janvier 2013 (à g.) et après sa destruction par l'EI en 2015 © DGAM

« Je suis prudemment optimiste », résume dans la revue Science Michael Danti, membre de l’ASOR. L’équipe expose son analyse de la situation dans un rapport présenté par Science le 5 avril. Les archéologues pensent qu’il sera possible de restaurer le site de l’ancienne cité, même si cela demandera du temps et des moyens importants.

Palmyre a atteint son apogée entre les premier et troisième siècles de notre ère, alors qu’elle était un centre de commerce de l’Empire romain qui attirait les Grecs, les Perses et marchants arabes. Cette combinaison culturelle fait l’originalité de Palmyre et a produit un ensemble unique de monuments, notamment des sculptures, des tombes et des temples.

Après avoir pris Palmyre en mai 2015, les combattants de l’EI ont commencé par démolir la prison de Tadmor (la Palmyre moderne), où le régime syrien enfermait ses opposants et qui ne sera sans doute pas regrettée. Mais ils se sont ensuite lancés dans une entreprise de destructions ciblées culturellement, s’attaquant à des lieux sacrés soufis ou chiites, avant de dévaster plusieurs trésors historiques moins associés à la dimension religieuse.

L’un des plus importants monuments détruits par l’EI est un arc de triomphe romain, que les combattants ont fait exploser en octobre 2015 (voir photos ci-dessus). Deux des trois arches de cet arc de triomphe ont été dévastées, selon le rapport de l’ASOR.

Le rapport présente aussi des images satellites qui montrent qu’un ensemble de tombes en forme de tours, datant de l’époque romaine, a subi de graves dommages. Quatre tombes ont été détruites avant septembre 2015, et quatre autres ont été gravement endommagées à une date ultérieure.

Le temple de Baal a aussi subi de graves destructions. Une vidéo réalisée par la chaîne Russia 24 à l’aide d’un drone montre que la cella, la partie close du temple, a été complètement détruite le 30 août 2015 par l’EI. D’autres parties du temple ont été atteintes par des frappes de l’armée syrienne en février 2016.

Illustration 3
Le temple de Baalshamin avant (à g.) et après sa destruction © DGAM

Le temple de Baalshamin, dieu phénicien, a été détruit à l’explosif en août 2015.

En revanche, le tétrapyle (monument à quatre colonnes), et le théâtre romain, utilisé par l’EI pour mettre en scène des exécutions, n’ont pas été détruits. La partie ouest de l’ancienne cité de Palmyre, notamment l’agora et les bains de Dioclétien, ne présente pas de dommages important sur les vidéos récentes de Russia 24.

Maamoun Abdulkarim, directeur général des Antiquités et des Musées de Syrie (DGAM), estime qu’avec une aide internationale suffisante, Palmyre pourrait être restaurée en cinq ans.

Mais selon Allison Cuneo, de l’ASOR, la restauration de Palmyre risque de poser des problèmes complexes. En particulier, comment la reconstruction exprimera-t-elle l’histoire violente de ces dernières années ?

 « Ce n’est plus seulement un élément du patrimoine ancien, c’est une zone de guerre, une tombe, un endroit où des personnes ont été exécutées », explique-t-elle dans Science, rappelant que le théâtre romain a été la scène de l’exécution d’au moins vingt-cinq hommes. «Dans ce théâtre où ont été tués tous ces soldats, on jouait des pièces de théâtre et des ballets. Aujourd’hui, certaines personnes vont s’en souvenir comme le lieu où leur fils a été tué. »

Pour d’autres, il est encore trop tôt pour discuter de la restauration du site. De fait, il n’est pas encore possible de faire une étude de terrain approfondie, car le site est encore truffé de milliers de mines et d’explosifs laissés par l’EI. Et les combats ne sont pas terminés. On ne peut même pas être certain qu’un nouveau retournement ne remettra pas les trésors de Palmyre entre les mains des combattants de l’État islamique.